
Figaro Nautisme : Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes devenu Chief Revenue Officer pour le leader mondial de la construction de catamarans à moteur ?
Nick Harvey : Dans ma famille, nous avons toujours navigué. Mon grand-père paternel a possédé plusieurs bateaux, que mon père n’hésitait pas à « emprunter » pour aller naviguer avec ses copains, du côté de Bénodet. Un jour, ils ont eu une fortune de mer : le bateau a heurté un objet flottant. Ils ont juste eu le temps de gonfler l’annexe avant que le bateau ne coule et ils ont eu la chance de rejoindre la côte à la rame dans une tempête assez monstrueuse... Après cet épisode, mon père a mis de côté la croisière et s’est tourné vers le catamaran de sport. Hobie 16, Dart avec lequel j’ai commencé à naviguer puis un Nacra 5.7 d’occasion... que nous possédons toujours mon frère et moi ! La croisière, je l’ai découverte plus tard, vers 13 ou 14 ans avec des amis de mes parents. Ils avaient construit leur propre bateau, un plan Franqueville de 38 pieds avec lequel ils avaient bouclé un tour de l’Atlantique Nord avec leurs enfants. Et chaque été, ils nous embarquaient à bord...
Pendant mes études en école de commerce à Bordeaux et à Portsmouth en Angleterre, j’ai effectué un stage de six mois chez JTA, à Nantes, tout juste racheté par Bénéteau, qui construisaient les Lagoon. A l’époque, c’était une toute petite équipe (voir l’interview de Bruno Belmont) et ma mission consistait à créer un réseau de distributeurs... A la fin de mes études, j’ai envoyé 2 CV, aux entreprises où j’avais effectué mes stages. Europcar en Angleterre et Bénéteau. Europcar m’a tout de suite répondu et je suis donc rentré dans le monde de l’automobile.
En 2003, Bruno Belmont m’a rappelé pour me proposer de partir à Annapolis pour m’occuper de Lagoon USA. Vivre aux Etats-Unis était mon rêve. Mon grand-père paternel était américain - je ne l’ai pas connu car il est mort très jeune - mais j’y ai encore des cousins ; et j’avais vraiment très envie de tenter l’aventure. J’y suis resté de 2003 à 2009 et c’est là que j’ai rencontré ma femme. En 2009, le groupe Bénéteau m’a proposé de rentrer en France pour devenir directeur commercial des marques Jeanneau et Prestige pour l’Europe du sud et l’Amérique du sud sous la direction de Jean-Paul Chapeleau. Et en 2014, il m’a de nouveau envoyé aux États-Unis pour les mêmes marques. Puis, juste avant le Covid, le groupe m’a confié la direction commerciale mondiale des marques Four Winns et Wellcraft. Ce fut une période forcément compliquée, pour bien des raisons. A tel point que j’ai décidé de quitter le groupe pour lequel je travaillais depuis plus de 20 ans. 15 jours après cette rupture, un ami m’a fait suivre une offre d’emploi. Aquila recherchait un profil... qui correspondait en tout point au mien. J’ai alors contacté Lex Raas, l’un des cofondateurs de la marque et Frank Xiong, le propriétaire d’Aquila et de l’usine de construction en Chine. Quelques semaines plus tard, je prenais officiellement mes fonctions de « Chief Revenue Officer ».
Figaro Nautisme : Comment Aquila, un chantier créé en 2012 est-il devenu leader dans la construction de catamarans à moteur ?
Nick Harvey : Nous devons cette réussite à ce qui fait l’ADN d’Aquila : la qualité de construction, l’innovation et la performance de nos bateaux. Aujourd’hui, nous proposons 5 gammes distinctes de catamarans à moteur : les bateaux à fly que nous appelons « Yachts », les gammes « Coupé », « Sport », « Pêche » et enfin « Luxury ». Cela nous permet de répondre à toutes les demandes, tous les programmes pour des propriétaires installés aux 4 coins du monde.
Le maître mot d’Aquila est « innovation ». Dans la gamme de nos catamarans à moteur, nous sommes les seuls à proposer en standard des coques équipées de bulbes pour de meilleures performances et un confort accru. L’accès direct du flybridge au cockpit avant est également exclusif à nos designs, tout comme l’ingénieux système de grue pour remonter l’annexe à bord, bien plus facile et efficient qu’une plateforme hydraulique.
Nos aménagements séduisent aussi énormément nos clients. Je pense, par exemple à notre fameux bar qui, en croisière comme au mouillage, est le point de ralliement central de tout l’équipage... La cabine propriétaire, installée sur toute la largeur de nos catamarans, a aussi beaucoup de succès.
Figaro Nautisme : Le chantier lance une toute nouvelle gamme de catamarans à voile. Pouvez-vous nous la présenter ?
Nick Harvey : Quand Lex Raas a voulu lancer Aquila, il a souhaité développer un marché qui était alors une niche : les catamarans à moteur. Mais il savait très bien que le marché du catamaran à voile était bien plus important en termes de business. Pour être tout à fait transparent, nous estimons entre 450 et 500 le nombre de catamarans à moteur neufs de plus de 35 pieds vendus dans le monde par an, tandis que sur les mêmes tailles, le marché des catamarans à voile est compris entre 1100 et 1200 unités. Plus du double ! Et dans l’équipe Aquila, nous sommes tous, absolument tous, des « voileux » passionnés ! Le monde de la voile est un peu conservateur alors que nous avons des idées en termes d’innovation qui peuvent amener des vrais plus aux propriétaires. Enfin, notre usine en Chine est conçue pour construire des catamarans.
C’est donc le bon moment pour se lancer, avec notre tout nouveau 50 pieds qui vient d’être mis à l’eau. Le numéro 1 de la série sera présenté en première mondiale au prochain salon de Miami tandis que les passionnés européens pourront découvrir le n°2 au salon du multicoque à La Grande Motte en avril 2026. Nous avons beaucoup innové sur ce modèle. On retrouve bien sûr ce qui fait notre marque de fabrique, comme la porte permettant d’accéder directement de l’intérieur au cockpit avant, l’accès direct du flybridge à ce même cockpit, la grue intégrée pour l’annexe, les listons tout le long de la coque pour la protéger sans oublier des aménagements confortables et une finition et une construction de très haut niveau. Le bateau sera disponible en plusieurs versions allant de 4 à 6 cabines, toutes avec un accès individuel et une salle de bain privative.
Figaro Nautisme : Comment voyez-vous l’évolution des bateaux - voile ou moteur - sur lesquels nous naviguerons dans 10 ou 15 ans ?
Nick Harvey : Je suis convaincu que les grandes évolutions à venir concerneront la gestion, la production et le stockage de l’énergie. Les panneaux solaires, les capacités des batteries vont nous permettre de créer des bateaux qui consommeront de moins en moins d’énergie fossile. Nous avons mis à l’eau notre premier 70 pieds à moteur en version à motorisation hybride. C’est également le cas pour les 2 premiers 50 pieds à voile. Avec ces motorisations modernes et l’augmentation des capacités de production et de stockage de l’énergie, on obtient des bateaux toujours aussi performants, tout aussi amusants en navigation et bien plus sobres.
Ces bateaux de demain seront plus faciles à manœuvrer, avec des systèmes d’automatisation et d’assistances qui vont considérablement simplifier la vie des marins.
Enfin, nous cherchons de notre côté des solutions pour répondre aux besoins des propriétaires : par exemple nous proposons un kit permettant de transformer facilement un catamaran de 6 cabines en 5 cabines : idéal pour un bateau d’abord mis en gestion chez un loueur, puis ensuite récupéré pour un usage personnel.
Figaro Nautisme : Aquila en chiffres ?
Nick Harvey : Nous avons construit 1000 catamarans à moteur, dont quelques-uns ont battu des records de production. 100 unités du 54 ont été mis à l’eau en 4 ans. Le 44 : 200 unités en 7 ans. Quant au 36 Sport, ce sont plus de 300 coques qui naviguent à ce jour.
Enfin, ce qui est incroyable chez Aquila, c’est la densité des lancements : chaque année, ce sont entre 2 ou 3 nouveautés que nous présentons au public.
Figaro Nautisme : Votre dernière navigation et la prochaine ?
Nick Harvey : J’ai eu la chance de naviguer sur la toute nouvelle Aquila 70 Hybride. Nous avons effectué l’aller-retour entre Fort Lauderdale et Bimini. Une navigation magique. 20 nœuds en vitesse de croisière dans un confort remarquable. Et l’arrivée dans les eaux de Bimini, un rêve éveillé.
Quant à ma prochaine navigation, ce sera certainement sur le Molokaï 36, le tout nouveau bateau de pêche que nous allons présenter en première mondiale au salon de Fort Lauderdale et avec lequel nous organiserons des essais après le salon...
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