
Un marché du yachting encore jeune mais en pleine explosionLe yachting en Asie reste un marché relativement jeune comparé à l’Europe ou aux États-Unis, où la plaisance fait partie de la culture depuis des décennies. Toutefois, la région connaît une croissance impressionnante. Selon une étude de Wealth-X, l’Asie-Pacifique abrite environ 30 % des milliardaires mondiaux, et cette ultra-élite a des envies de mer.D’après un rapport du cabinet Knight Frank, le nombre d’individus possédant un patrimoine supérieur à 30 millions de dollars a explosé de 40 % en une décennie en Asie. Parmi eux, une part croissante s’intéresse aux yachts, qu’ils perçoivent comme des symboles de prestige, des espaces de divertissement et même des outils d’affaires.
Un marché dominé par les motor yachtsContrairement à l’Europe, où la voile garde une place forte, le marché asiatique est massivement tourné vers le motoryacht. Selon une étude de Superyacht Times, environ 85 % des yachts vendus en Asie sont des unités à moteur, souvent des modèles de grande taille.Pourquoi cet engouement pour les bateaux à moteur ? Plusieurs raisons expliquent cette tendance :• Un usage plus festif et mondain : en Asie, les yachts servent avant tout pour des événements privés, des soirées d’affaires ou du divertissement, où la performance sous voile a peu d’importance.• Une navigation plus simple et rapide : dans des zones comme la mer de Chine méridionale ou le détroit de Malacca, les distances sont courtes et les arrêts fréquents, favorisant les yachts rapides.• Une culture nautique encore en développement : la voile demande une expertise et une formation qui ne sont pas encore très répandues parmi les nouveaux propriétaires asiatiques.Les superyachts de 30 à 50 mètres sont particulièrement prisés. En 2023, Benetti, Sanlorenzo et Feadship ont vu leurs ventes en Asie croître de 25 %, confirmant la forte demande pour des unités sur-mesure, souvent avec équipage complet.
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Singapour, Hong Kong, Shanghai : trois pôles majeurs du yachting asiatiqueL’essor du yachting en Asie repose aussi sur les infrastructures. Si elles restent encore en deçà des standards européens, plusieurs métropoles se démarquent comme des hubs incontournables du secteur.Singapour, avec sa position stratégique entre l’océan Indien et le Pacifique, est devenue la plaque tournante du yachting asiatique. Ses marinas de prestige, comme One°15 Marina Sentosa Cove et Marina at Keppel Bay, accueillent des unités allant jusqu’à 80 mètres. La ville joue aussi un rôle clé dans la structuration du marché avec des événements comme le Singapore Yacht Show, où se croisent chaque année les plus grands constructeurs du monde. L’ambiance y est électrique, entre yachts à quai, soirées privées et discussions entre acheteurs et courtiers.Hong Kong, quant à elle, a une histoire plus ancienne avec le yachting. Depuis plusieurs décennies, la ville a vu s’amarrer des flottes de yachts privés, mais aujourd’hui, elle souffre d’un manque criant d’espace. Avec plus de 10 000 yachts enregistrés, les places dans les marinas sont devenues un bien rare et extrêmement cher. Certains propriétaires doivent attendre des années pour obtenir un emplacement dans des clubs prestigieux comme l’Aberdeen Marina Club ou le Gold Coast Yacht & Country Club. Face à cette saturation, de plus en plus de yachts basés à Hong Kong passent leur temps en navigation ou stationnent dans des ports voisins, comme ceux du sud de la Chine continentale.Shanghai représente un marché en plein essor, reflet du développement rapide du yachting en Chine. Le gouvernement chinois, longtemps réticent à encourager la plaisance privée, commence à voir le potentiel économique du secteur. Des marinas comme Sanya Serenity Marina et le Visun Royal Yacht Club, sur l’île de Hainan, attirent une nouvelle génération de propriétaires chinois, souvent jeunes et avides de luxe. Mais la Chine ne se contente pas d’acheter des yachts : elle veut aussi les construire. Des marques comme Heysea Yachts montent en puissance et rivalisent désormais avec certaines références occidentales, preuve que la Chine entend bien jouer un rôle majeur dans l’industrie.

Un défi pour les marques occidentales : adapter l’offre aux goûts asiatiquesCertains grands chantiers européens et américains l’ont bien compris : l’Asie est un marché clé, mais il exige une approche sur-mesure. Contrairement aux yachts occidentaux, souvent pensés pour la navigation et l’autonomie en mer, les unités destinées au marché asiatique privilégient avant tout le luxe et le confort à bord.• Des espaces intérieurs maximisés, avec de vastes salons et salles de réception conçus pour accueillir de nombreux invités.• Des aménagements adaptés aux habitudes locales, intégrant par exemple des bars à saké, des salons de thé ou encore des cuisines spécialement équipées pour la gastronomie asiatique.• Un nombre accru de cabines VIP, car les propriétaires aiment recevoir famille et amis en grand nombre lors de croisières privées.• Un design plus fastueux, avec des finitions en or, marbre ou bois précieux, reflétant une certaine idée du prestige et du raffinement.Des marques comme Sunreef Yachts, spécialiste des catamarans de luxe sur-mesure, ou Azimut, réputée pour ses motoryachts élégants et spacieux, ont su intégrer ces spécificités dans leurs modèles dédiés au marché asiatique.Mais au-delà du design, c’est aussi l’accompagnement des propriétaires qui fait la différence. En Asie, la plupart des acheteurs recherchent une expérience clé en main, où la gestion du yacht est totalement déléguée à des professionnels. L’entretien, la mise à disposition d’un équipage ou encore l’organisation d’événements exclusifs à bord sont des services désormais incontournables. Des sociétés comme Burgess Yachts et Fraser Yachts l’ont bien compris et développent des offres ultra-personnalisées pour répondre aux attentes de cette clientèle exigeante.
L’avenir du yachting en Asie : un eldorado encore en constructionSi le marché asiatique est en pleine effervescence, il reste confronté à plusieurs défis. Le premier est le manque d’infrastructures adaptées. Contrairement à la Méditerranée ou aux Caraïbes, où l’on trouve des marinas à chaque escale, l’Asie dispose encore de peu de ports capables d’accueillir des superyachts. Cette situation limite les itinéraires possibles et freine le développement du yachting de grande plaisance.Les réglementations constituent un autre frein. En Chine, les restrictions sur l’importation des yachts restent complexes et coûteuses, ce qui incite certains acheteurs à enregistrer leurs bateaux sous pavillon étranger. À Hong Kong, la rareté des places dans les marinas impose souvent de longs délais d’attente avant de pouvoir stationner un yacht en toute tranquillité.Enfin, la culture nautique reste à développer. Contrairement à l’Europe où la plaisance est accessible à différents niveaux de fortune, en Asie, elle demeure encore largement perçue comme un luxe réservé à une élite. Toutefois, avec l’émergence d’écoles de navigation et d’événements dédiés à la plaisance, cette situation pourrait évoluer dans les années à venir.Malgré ces défis, une chose est sûre : le yachting en Asie ne fait que commencer son ascension. Avec une clientèle de plus en plus nombreuse et exigeante, les constructeurs et acteurs du secteur ont tout intérêt à s’adapter à ce marché en pleine mutation. L’Asie pourrait bien devenir, dans les décennies à venir, l’un des principaux moteurs du yachting mondial.