Transat Café L'Or : Beyou-Lagravière, le goût de la victoire
Ils ont résisté à tout : à la traversée musclée de la Manche, au regroupement dans les Canaries, à l’accélération dans les alizés et à la résistance de Macif Santé Prévoyance, 11th Hour et Allagrande Mapei. Alors, au moment d’accoster sur le ponton d’honneur ce vendredi matin, Jérémie Beyou et Morgan Lagravière n’avaient que faire du violent grain qui s’est abattu sur les personnes venues les accueillir. Ils gardaient un sourire intact, le regard lumineux et rien ne pouvait gâcher ce moment, le leur, celui qui récompense onze jours de course et des mois de travail.
Jérémie tient enfin une victoire de prestige, lui l’habitué des podiums, l’incontournable acteur de la classe. Grand fan d’émotions sportives, de sport automobile et de football, il sait que les plus belles histoires de sport sont celles écrites par des champions qui se relèvent et croient toujours en leur étoile. Lui et Morgan sont de cette trempe-là et ils l’ont démontré avec talent tout au long de la TRANSAT CAFÉ L’OR Le Havre Normandie.
La longue quête d’une victoire
Jérémie Beyou en a pourtant connu des coups de moins bien : un choc avec un OFNI obligeant à une escale dès les premiers jours du Vendée Globe (2020), une avarie de gennaker à la TRANSAT CAFÉ L’OR (2023), des problèmes d’aériens à Retour à la Base (2023), la casse de l’étai de J2 à The Transat CIC (2024)... Au dernier Vendée Globe, il livre une incroyable bataille dans le match des poursuivants et termine 4e à l’issue d’une sacrée décharge d’énergie. Par ailleurs, Beyou collectionne les places d’honneur avec une constance rare : 3e de la Route du Rhum (2022), 2e à Retour à la Base (2023), 3e à New-York - Vendée (2024), 4e du Vendée Globe (2025). Il ne manquait donc qu’une victoire de référence, le plaisir simple de prendre le meilleur sur le reste de la flotte, l’occasion de saluer sa constance et celle de son équipe.
Charal2, la nouvelle dimension
Il a fallu se battre et être certain qu’un jour, les planètes s’aligneront enfin. Jérémie y croit dur comme fer et accepte que le chemin pour l’y mener puisse être long. Ça avait été le cas dans sa vie d’avant, celle de skipper Figaro : Jérémie l’a disputée à 18 reprises pour trois victoires (2005, 2011 et 2014). En IMOCA, il s’appuie sur le travail de son équipe, un collectif soudé qui s’attache à développer Charal2, un plan Manuard mis à l’eau en 2023. En plus de cet état d’esprit, Jérémie a su très vite l’importance d’amener un regard neuf pour être challengé et continuer à progresser. Après la mise à l’eau de Charal2 en 2023, c’est Franck Cammas qui l’accompagne et lui permet de développer le bateau.
Morgan, le facteur X
Cette année, il est parvenu à convaincre Morgan Lagravière de le rejoindre. Jérémie en était particulièrement heureux : Morgan est un ami et il n’avait jamais pu accorder leur emploi du temps précédemment pour participer à une aventure commune. « Il a un feeling hors pair, une sacrée expérience et son recul sur le projet comme son approche seront précieuses », expliquait Jérémie en début de saison. Morgan, lui, apprécie l’idée d’être intégralement dédié à ce qu’il sait faire de mieux : trouver tous les détails pour permettre à un bon bateau d’être encore meilleur. L’entente entre les deux est vite trouvée, la répartition des tâches aussi. À Jérémie la météo, la stratégie et les choix tactiques ; à Morgan les réglages et les performances.
La saison leur a permis de parfaire leurs automatismes surtout en équipage, à la Course des Caps (5e) puis à la Rolex Fastnet Race (2e). « Je n’avais jamais vécu une préparation avec un travail d’une telle qualité en matière d’optimisation et de réflexion », confiait Morgan juste avant le départ. Ils avaient donc tout pour être au rendez-vous de la TRANSAT CAFÉ L’OR : ils l’ont été dès le départ. Présent sans discontinuer aux avant-postes, ils occupent la place de leader par intermittence dans la Manche, le golfe de Gascogne et la descente le long du Portugal.
De l’expérience et du sang-froid
Aux Canaries, une dorsale regroupe l’ensemble de la tête de flotte. Il en a fallu du sang-froid à Jérémie et Morgan pour ne rien lâcher, tenir et trouver la meilleure façon de s’en extirper. Ce sont eux qui sont les premiers à pointer leur étrave vers l’Ouest, les premiers à bénéficier des alizés et du sacré coup d’accélérateur. Ensuite, ils ont tenu, résisté à la ténacité de Sam Goodchild et Loïs Berrehar (Macif Santé Prévoyance) et veillé à préserver leur monocoque. Ces derniers jours, Jérémie a expliqué vouloir « couper avec l’extérieur ». L’opportunité était trop belle pour se disperser et grignoter sur la nécessaire concentration. Leur expérience et leur sang-froid ont fait le reste : c’est en vainqueur que Jérémie Beyou et Morgan Lagravière sont arrivés à Fort-de-France ce vendredi matin.
Voici donc venue la plus belle victoire de Charal2 depuis sa mise à l’eau en 2023. Jérémie Beyou remporte sa première transatlantique depuis la Vendée-Arctique en 2020, et sa deuxième TRANSAT CAFÉ L’OR après le succès avec Jean-Pierre Dick en 2011. De son côté, Morgan Lagravière entre dans l’histoire : déjà vainqueur des deux dernières éditions avec Thomas Ruyant (2021, 2023), le voilà à nouveau sur la première marche. Jamais un marin n’avait remporté trois TRANSAT CAFÉ L’OR consécutive.
