Transat Café L'Or : l’incroyable bataille
Les skippers Class40 pourraient faire sienne une maxime attribuée à Socrate : « ce que je sais, c’est que je ne sais rien ». Car plus les jours passent, plus la ligne d’arrivée se rapproche et plus la bataille stratégique est incertaine chez les 40 pieds. Les premiers pourraient arriver lundi ou mardi prochains mais impossible encore de dire qui a l’avantage. En cause ? Un choix tactique majeur, réalisé en début de semaine dernière. D’un côté, les partisans d’une route Nord, menés par SNSM Faites un don ! et Solano, plus agité mais peut-être plus audacieuse et une route Sud, plus conservatrice mais aussi plus longue.
SNSM Faites un don ! creuse l’écart
Depuis, la traversée de l’Atlantique a affiné les positions. En latéral, il y a plus de 300 milles entre les tenants du Sud et du Nord mais il y a de nombreuses subtilités. Pour l’instant, ce sont toujours des « Nordistes », Corentin Douguet et Axel Tréhin (SNSM Faites un don !) qui mènent la danse. Le duo, qui faisait partie des favoris, a même réussi à creuser l’écart avec les partisans de la même option.
« Hier, Legallais, Alternative Sailing - Les Construction du Belon, Solano, Influence 2, ont été décrochés, analyse Amélie Juvien à la direction de course. Ils ont été empêtrés dans un grain ou une zone sans vent. On voit qu’ils tentent de faire du Sud pour revenir ». « Depuis deux jours, on se fait manger par l’anticyclone et on voit qu’on n’a pas trop d’échappatoire », confiait hier Fabien Delahaye (Legallais).
« Il faut choisir son camp et trouver le bon compromis »
De l’autre côté de l’échiquier, sur la route Sud, Seafrigo-Sogestran et Les Invincibles ont également une avance sur le reste de leur groupe qui s’établit à plus de 170 milles. « On barre toute la journée pour ne rien laisser passer, assure William Mathelin-Moreaux (Les Invincibles). Il faut rester lucide et en forme jusqu’à la fin ». Afin de tenir le rythme, leurs poursuivants avec Bleu Blanc Planète Location et Amarris, ont opté pour une route encore plus au sud. « On constate qu’il y a cette autre option qui s’est dessinée, analyse Amélie. Ils ont vu que suivre la même trace que les deux devant ne servait à rien. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils ont de la vitesse pour l’instant, qu’ils arrivent à garder le rythme dans les alizés ».
Achille Nebout (Amarris) explique que « l’alizé est un peu plus faible, il faut tâcher d’exploiter au mieux les bascules de vent qui peuvent faire gagner de la distance », précise Achille Nebout (Amarris). Lui qui souffrait d’une migraine assure « aller mieux » et évoque les enjeux pour la suite : « on a le vent pile dans l’axe donc on continue à tirer des bords. Il faut choisir son camp entre chercher une rotation de vent plus à l’ouest ou plus de pression et de vent au sud. On essaie de trouver le bon compromis entre les deux ! »
Le rush et la roulette russe
C’est là tout l’enjeu de ce sprint final. Car les alizés s’annoncent beaucoup plus capricieux qu’attendu, transformant la course en une sacrée roulette russe. « Une dépression qui passe au Nord va faire tomber les alizés, précise Amélie. La conséquence, c’est qu’il va y avoir des zones sans vent, des trous d’air sur le parcours ». Les plus chanceux et les plus malins parviendront à les éviter, d’autres pourraient en revanche être fortement retardés. Pour les Sudistes en revanche, les alizés sont plus établis mais ils auront toute une série d’empannages jusqu’à la Martinique.
En somme, le suspense est total. À cette guerre des nerfs de chaque instant s’ajoute une préoccupation sur la gestion de la nourriture, de l’eau et de l’énergie qu’il faut veiller à rationaliser jusqu’au bout. « Il ne faut pas oublier qu’il peut rester pour certains encore une semaine à dix jours de route », abonde Amélie. « Forcément, ça commence à être un peu long mais on en a l’habitude, sourit Achille. Nous, on ne manque de rien à bord ! » D’après les routages et les estimations, les premiers pourraient arriver dans la soirée du lundi 17 (locale, dans la nuit de lundi à mardi en métropole) et dans la journée suivante (mardi 18). Mais d’ici là, tout reste à faire !
