
Elles se distinguent par leur envergure spectaculaire, leurs nageoires céphaliques enroulées et une façon de nager qui n’appartient qu’à elles. Souvent considérées comme les plus célèbres de toutes les raies, elles n’en restent pas moins mystérieuses. Nous vous emmenons explorer leur mode de vie, les régions où les rencontrer et les bonnes pratiques en cas d’observation.
Les géantes discrètes : portrait d’un animal hors norme
Avec une envergure pouvant dépasser 7 m pour la manta océanique et un poids supérieur à 2 t, ces géants comptent parmi les plus grands poissons au monde. Leur cerveau, proportionnellement l’un des plus développés chez les poissons cartilagineux, intrigue les chercheurs : certaines études suggèrent qu’elles pourraient manifester des comportements sociaux complexes, une forme de curiosité active et même des aptitudes de reconnaissance individuelle.
Contrairement à la plupart des raies, souvent enfouies dans le sable ou dissimulées sur les fonds, les mantas vivent en colonne d’eau. Elles évoluent dans les couches supérieures mais n’hésitent pas à plonger à plusieurs centaines de mètres, probablement pour suivre les mouvements du plancton ou réguler leur température. Leur nage, ample et silencieuse, s’apparente presque à un vol plané, ce qui leur permet d’économiser de l’énergie sur de longues distances.
Un régime étonnamment sophistiqué
Les raies manta sont exclusivement filtreuses. Elles se nourrissent de plancton, de larves et parfois de petites crevettes, qu’elles capturent grâce à un dispositif filtrant très fin situé dans leurs branchies. Leur technique d’alimentation varie selon la densité du plancton :
o Nage en spirale pour concentrer les proies dans une colonne d’eau.
o « Somersault feeding » : des vrilles rapides pour maximiser la capture.
o « Chain feeding » : un comportement collaboratif où plusieurs mantas se suivent en formation serrée.
o Passages sur les « stations de nettoyage » : des lieux fixes où des labres retirent les parasites et nettoient les tissus abîmés.
Ces comportements sont particulièrement visibles lors d’événements planctoniques saisonniers, attirant parfois des dizaines d’individus dans un même secteur.

Habitat et migrations : une carte encore incomplète
Présentes dans les eaux tropicales et subtropicales de tous les océans, les raies manta fréquentent les zones riches en courants, les têtes de récifs, les passes et les îles océaniques isolées. Leur préférence pour les eaux claires et productives explique leur présence sur des « hotspots » marins où le plancton se concentre naturellement.
Leur capacité migratoire reste encore difficile à cerner. Certaines populations semblent sédentaires, tandis que d’autres parcourent des centaines de kilomètres. Les études basées sur la photo-identification montrent parfois des retours saisonniers aux mêmes sites pendant plus de 10 ans, signe d’une fidélité forte à certains habitats clés.
Où voir des raies manta dans le monde ?
Certains territoires offrent des chances particulièrement élevées d’observer ces géantes, notamment en saison planctonique.
Maldives : Hanifaru Bay, dans l’atoll de Baa, est l’un des lieux les plus spectaculaires : lors des marées et vents favorables, des dizaines de mantas se rassemblent pour former des « vortex » nourriciers.
Indonésie : Raja Ampat, Komodo, les îles Gili ou Nusa Penida concentrent stations de nettoyage et courants riches en nutriments, permettant d'observer des mantas récifales toute l’année.
Mexique : La Revillagigedo (Socorro) est réputée pour ses mantas océaniques particulièrement confiantes, parfois prêtes à évoluer longuement autour des plongeurs.
Hawaï : Les plongées nocturnes à Kona proposent un spectacle unique : des mantas venant se nourrir sous le plancton attiré par les projecteurs.
Mozambique, Micronésie, Polynésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée : D'autres destinations insulaires figurent parmi les points chauds mondiaux, souvent lors de fortes montées planctoniques.
Approcher sans perturber : les bonnes pratiques
Rencontrer une raie manta est un privilège, mais cela implique un comportement rigoureux.
À respecter
o Garder 3 m de distance minimum.
o Rester en dessous de l’animal pour éviter de couper sa route.
o Se déplacer lentement, sans bulles dirigées vers la manta.
o Éviter de stationner dans les zones de nettoyage.
o Limiter la puissance des lumières.
À proscrire
o Toucher ou frôler une manta.
o La poursuivre ou tenter de la contourner.
o S’agglutiner en groupe compact.
Plus l’observation est discrète, plus la manta s’approche d’elle-même.
Des géantes vulnérables face aux pressions humaines
Les mantas sont classées « vulnérables » ou « en danger » par l’UICN selon les régions. Leur faible taux de reproduction, une seule portée tous les 2 à 7 ans, les rend particulièrement sensibles à la pêche ciblée (pour leurs branchiospines), aux captures accidentelles, à la pollution plastique et aux modifications des écosystèmes planctoniques liées au réchauffement climatique.
Plusieurs zones marines protégées ont été créées pour sécuriser les sites de reproduction et de nettoyage. Le tourisme responsable, lorsqu’il est encadré, participe également à leur conservation en valorisant l’animal vivant et en finançant la recherche.

Les raies manta, ambassadrices d’un océan en équilibre
Rencontrer une manta, c’est croiser un géant parfaitement adapté à la haute mer, doté d’une nage quasi aérienne et d’un comportement social encore mal compris. Ces animaux jouent un rôle essentiel dans la dynamique des écosystèmes pélagiques : là où elles évoluent, le plancton abonde, signe d’un océan vivant.
Les connaître, les observer avec respect et soutenir les programmes de protection sont autant de gestes qui garantissent qu’elles continueront à planer dans les océans pour longtemps.
Le saviez-vous ? Les raies sont les cousines très proches des requins
Bien que leur silhouette aplatie puisse laisser penser le contraire, les raies, dont les mantas, appartiennent exactement au même groupe que les requins : les chondrichthyens, les poissons cartilagineux. Leur squelette est fait de cartilage, leurs dents se renouvellent en continu et leur système sensoriel, notamment l’électroréception via les ampoules de Lorenzini, fonctionne de la même manière.
En d’autres termes, une raie manta est bien plus proche d’un requin-marteau que d’un poisson osseux classique : une branche évolutive ancienne, élégante et redoutablement adaptée à la vie marine.
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