
La question était sur toutes les lèvres depuis deux ans : les futurs bateaux du Vendée Globe seront-ils tous identiques ? La classe IMOCA a finalement choisi un compromis pour conserver le développement technologique et gagner en simplicité.
Fait extrêmement rare dans le milieu du sport, ce sont les skippers (leur voix compte double) et les membres de leur équipe qui décident de l’avenir de leur support, les monocoques 60 pieds IMOCA. En 2010, après une série de démâtage sur le Vendée Globe, ils avaient ainsi décidé de faire évoluer la jauge de leurs voiliers en limitant notamment la hauteur de leurs mâts. Lors de la dernière édition, c’est la quille qui était au centre de toutes les critiques puisque cinq des vingt bateaux engagés y ont connu de sérieuses avaries, Jean-Pierre Dick parcourant même 2650 milles sans quille avant de franchir la ligne d’arrivée. « Ce n’est pas acceptable que ça arrive, ce n’est plus possible », avait alors vivement réagi Jean Le Cam. Dans le même temps, les skippers ont dû faire face à une situation économique défavorable. Pour les bateaux engagés, « il était devenu de plus en plus difficile d’assurer les quilles et les mâts », a témoigné le skipper Tanguy de Lamotte. Mais l’hypothèse de la monotypie, arrivée sur la table en 2011, a levé le vent de la discorde parmi les marins aux profils très différents. Comment concilier les intérêts de skippers sponsorisés par des grands groupes qui tiennent à proposer une vitrine technologique, comme Safran ou Macif, et les intérêts des PME/PMI familiales, comme celles qui ont soutenu Alessandro di Benedetto ? Comment conserver la performance sportive et le goût de l’aventure en ouvrant la flotte aux budgets modestes ? Dominique Wavre s’est montré soulagé par la décision consensuelle retenue : « C’était trop tôt pour la monotypie mais en même temps on partait clairement dans le mur au niveau financier avec l’Open, a-t-il analysé. Cela risquait de diviser l’IMOCA en deux classes distinctes. » Roland Jourdain estime que la classe aurait pu aller plus loin « mais c’est déjà pas mal. Et je crois que les skippers qui râlent aujourd’hui seront contents de naviguer sur des bateaux plus simples. » Enfin, de nombreux skippers, comme Tanguy de Lamotte et Dominique Wavre, voient dans cette décision un bon signe envoyé aux sponsors.
Pas de virage à 90°
Place maintenant aux détails techniques. La première standardisation, celle de la quille, fait consensus car elle répond à des impératifs de sécurité. Elle sera désormais construite en une seule pièce, en acier inox forgé. « Les projets ne pourront pas jouer sur les quilles pour être performants », a noté le président de la classe, Luc Talbourdet. En 2014, les bateaux qui ne modifieront pas cet appendice se verront imposer un poids compensateur. Pour les mâts – mât classique ou mât aile comme Macif ou l’ex-Banque Populaire - les avis sont plus divergents. Marc Guillemot remarque ainsi qu’une standardisation des mâts impose une structure de bateau similaire. « Nos voiliers deviendront donc des monotypes qui ne portent pas leur nom », a-t-il assuré. Le skipper de Safran craint également que ces changements retardent les constructions de nouveaux bateaux : « Pour démarrer en premier dans un nouveau concept, il ne faut pas avoir la frilosité de se planter. Déjà qu’il n’y avait pas 50 000 projets en cours pour la construction d’un bateau neuf… » Safran n’est plus certain de vouloir se lancer dans une construction, la décision sera prise dans le mois qui vient. Enfin, la classe IMOCA doit fixer les règles de la standardisation dans les trois à six mois : les mâts et les quilles seront-ils confiés à un ou plusieurs fournisseurs agréés ? Luc Talbourdet est favorable aux choix d’un seul fournisseur, notamment pour les mâts. « Pour une économie d’échelle, il ne faut pas construire trois moules pour trois fabricants, a-t-il précisé. Ainsi, ceux qui n’ont pas choisi la standardisation du mât auront au moins une économie de coût. »
Retrouvez ci-dessous, en vidéo, l’intégralité de l’interview avec Luc Talbourdet. Le président de la classe IMOCA a évoqué pour nous les nouveautés de la jauge mais aussi l'arrivée de l'acteur OSM (Open Sport Management) pour internationaliser le circuit.