
Il y a soixante ans, dans le film du même nom, Humphrey Bogart manœuvrait l'African Queen sur le Nil infesté de crocodiles. Aujourd'hui, le mythique bateau est de retour pour des croisières sur le fleuve.
L'African Queen, entièrement restauré, a embarqué ses premiers passagers en décembre pour des croisières au soleil couchant sur le Nil. Son propriétaire, Cameron McLeay, un aventurier néo-zélandais, a souhaité recréer l'atmosphère d'une époque où l'Afrique était encore, pour les explorateurs occidentaux, parsemée de vastes espaces vierges encore à découvrir. "Les serveurs portent le fez, qui évoque le Soudan, où le Nil effectue la majeure partie de son voyage", dit-il. "Et nous servons des gin-tonic, comme Humphrey Bogart les buvait dans le film". Il rend ainsi hommage à son amour du Nil aussi bien qu'à ses souvenirs de cinéphile.
Les méandres de l'African Queen
Le navire mythique est né pour le cinéma. Il a été construit spécialement pour le film de John Huston. Sous les caméras du réalisateur, le personnage joué par Humphray Bogart, un couriser pour le compte d'une exploitation minière belge, tombait amoureux d'une missionnaire américaine, interprétée par Katherine Hepburn, à l'issue d'une folle épopée sur le fleuve. Le Nil est l'un des deux plus longs fleuves du monde, avec l'Amazone. En comptant ses deux branches, le Nil Blanc et le Nil Bleu, il traverse le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie, l'Ouganda, l'Ethiopie, le Soudan et l'Egypte. Pour le tournage, l'imposante équipe, tout droit débarquée des studios de Hollywood, s'était installée sur les terres de l'actuelle République démocratique du Congo (longée par le Nil avec le lac Albert) et en Ouganda, là où le bateau a été remis à l'eau. "L'African Queen appartient au Nil. Donc il était important que le bateau y revienne 60 ans après le tournage du film" éponyme, a commenté son nouveau propriétaire, l'aventurier néo-zélandais Cameron McLeay.
Cet amoureux du Nil a parcouru le fleuve sur toute sa longueur pendant 16 ans, depuis son installation dans la région ougandaise de Jinja en 1990. Il y a monté une entreprise de rafting et un gite écologique mais il a très vite rêvé de créer un service de croisières en bateau pour partager avec les touristes les levers et couchers de soleil sur le Nil ainsi que le trésor ornithologique que la région recèle. "C'est magnifique d'être sur le fleuve, ici, sur l'équateur, au moment du coucher du soleil", glisse le Néo-Zélandais, père de trois enfants. Aussi, l'entrepreneur s'est lancé à la recherche d'un authentique bateau africain. "Je pensais plutôt acheter un boutre swahili", se rappelle-t-il. Les boutres sont des petits caboteurs équipés d'une voile trapézoïdale. Mais à l'occasion de vacances en famillle sur l'archipel kenyan de Lamu, connu pour ses traditionnels boutres de style arabe, un patron d'hôtel lui lance: "Pourquoi n'achetez-vous pas l'African Queen? Elle est ougandaise!" Une semaine plus tard, Cameron McLeay prenait le thé chez Yank Evans, le septuagénaire qui avait retrouvé, 20 ans auparavant, la coque abandonnée du bateau dans le parc de Murchison Falls, au nord de l'Ouganda. Le bateau était alors très endommagé, rongé par les insectes, mais Yang Evans avait patiemment retapé la coque. Le bateau flottait de nouveau. Il ne restait donc plus à s'occuper que du moteur, un mécanisme vieux de 100 ans que Yank Evans avait fait venir d'Angleterre. Car, lors du tournage, l'African Queen était doté d'un moteur diesel camouflé en moteur à vapeur. Mais lorsque Cameron Mc Leay récupéra le navire, la chaudière n'avait pas tourné depuis des lustres, se souvient Gavin Fahey, nouveau capitaine et mécanicien de l'African Queen. Le moteur a donc dû être entièrement démonté puis remonté pour offrir une nouvelle jeunesse à l'African Queen.