
Les drones, accessibles dès 300 euros, séduisent le grand public. Mais ils sont soumis à des règles très strictes, souvent méconnues, et peuvent devenir dangereux sur des opérations de secours.
Mercredi 5 février au matin, victime d’une avarie moteur, le cargo Luno vient s’échouer sur une digue contre laquelle il se brise en deux, puis en trois. La tempête Petra gronde et une houle monstre, nourrie par plusieurs semaines de dépressions tempétueuses, déchaîne l’océan. Pourtant, il faut rapidement hélitreuiller les 11 membres d’équipage et le pilote du port de Bayonne, coincés sur ce qui reste du navire. Les sauveteurs dépêchent donc un hélicoptère alors que le vent souffle toujours en rafales à près de 110 km/h. L’inclinaison du cargo, bousculé par des déferlantes, complique le sauvetage car le cordage utilisé risque de s’accrocher à l’un des éléments du bateau et de précipiter l’hélicoptère dans l’eau. La matinée avance donc au fil des différentes tentatives d’hélitreuillage, sans succès. Les marins ont finalement été récupérés peu avant 14 heures, en l’espace de 20 minutes, grâce aux conditions plus calmes de la marée basse.
Or, on apprend désormais qu’un drone survolait les lieux du naufrage, au moment même du sauvetage par hélicoptère. Le parquet de Bayonne a ouvert une enquête pour « infraction à la législation aérienne et possible mise en danger délibéré d’autrui » car sa présence pourrait avoir gêné les opérations de secours. L’enquête a été confiée à la Brigade des transports aériens de Biarritz. Le drone avait été signalé et saisi par les gendarmes lors de l’opération du 5 février. « L'utilisation des drones est assujettie à des règles très strictes proches de celles appliquées aux aéronefs », a souligné ce mardi la gendarmerie. Dans ce cas-ci, le parquet rappelle qu’il aurait fallu l’autorisation de la tour de contrôle de l'aéroport de Biarritz. Le propriétaire du drone risque une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an ainsi que des amendes. Le parquet n’a pas indiqué si ce propriétaire avait été identifié.
Les drones sont sortis du cercle militaire
Commentant cette affaire, le colonel William Vaquette, commandant du groupement de gendarmerie des Pyrénées-Atlantiques, a assuré que les propriétaires de drones méconnaissaient souvent la réglementation. Dans la région de Pau, quelques procédures ont été récemment ouvertes pour des drones utilisés sans autorisation ou homologation mais le phénomène est national. Un étudiant nancéen comparaîtra devant la justice à la fin du mois de mai pour « mise en danger de la vie d’autrui » après avoir fait voler un drone équipé d’une caméra au-dessus de la ville de Nancy, pour réaliser un clip internet. Le jeune homme assure qu’il ignorait la règlementation en la matière. « Les gens utilisent des drones comme de l’aéromodélisme », a expliqué le colonel William Vaquette. Devenus moins chers grâce au développement des techniques de miniaturisation, ces appareils sans pilote sont désormais accessibles au grand public, à partir de 300 à 400 euros, et ils peuvent se transporter démontés dans un sac à dos. Mais leur utilisation est soumise à des règles très strictes depuis le 11 avril 2012.
Les drones sont avant tout des aéronefs, régis par les règles aériennes. Leur utilisateur doit donc être titulaire du brevet théorique ULM et il doit être accompagné d’un copilote. La hauteur de vol maximale pour un drone de loisir, de moins de 25 kg, est de 150 mètres. Lors du survol d’une agglomération ou à proximité d’un rassemblement de personnes ou d’animaux, il doit toujours être à portée de vue et ne doit pas évoluer à plus de 100 mètres du télépilote dans toutes les situations. Au-delà de ces limites, le vol doit être déclaré aux autorités de l’aviation civile. Et si le drone est équipé d’une caméra ou d’un appareil photo, ce qui est de plus en plus souvent le cas, tout décollage doit être anticipé de 15 jours avec une demande formelle d’autorisation.
Un cercle d’utilisation de plus en plus large
La prise de vue est la première motivation des dronistes, particuliers ou professionnels. Ainsi, les 14 centres de formation référencés par la fédération professionnelle du drone civil sont largement issus des métiers de l’image. « Nous avons commencé à travailler avec des hélicoptères radiocommandés pour le cinéma en 2006, explique Yann Havis, réalisateur et pilote pour Le Taillefer Production. Nous nous sommes tournés vers le drone en 2007/2008 pour réaliser des plans qu’on ne pouvait pas faire en hélicoptère. Les drones ne sont pas destinés à voler haut mais ils permettent d’autres premiers plans, perspectives et décors. » Ce professionnel, cadreur de formation, a toujours évolué dans l’aérien. Il a notamment travaillé avec Loïc Jean Albert, spécialiste du wing suit. « Nous formons également des professionnels qui utilisent l’outil pour des prises de vue en géothermie, des reconstitutions de chantiers en 3D… », détaille-t-il. Les drones peuvent aussi être utilisés pour surveiller les exploitations agricoles ou les lignes de chemin de fer. La SNCF a commencé début novembre une série d'essais de vols de drones dans le sud de la France. Même nos longues plages sont concernées avec Pars, un drone sauveteur en mer. L'outil a été conçu par des chercheurs iraniens pour acheminer par les airs des bouées de sauvetage aux vacanciers en difficulté. Il a été testé avec succès en mer Caspienne et il ne lui faut que 22 secondes pour rejoindre un nageur à 75 mètres de la plage. Cet allié des surveillants de baignade dispose d'une autonomie de 10 minutes. Enfin, on se souvient de l’annonce d’Amazon, en décembre dernier : le géant du commerce en ligne souhaite utiliser des mini-drones pour acheminer des petits colis "d'ici quatre ou cinq ans." La règlementation des drones aux utilisations si variées est donc bien indispensable.