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Nous visitions le beau catamaran d’un ami qui s’apprêtait à franchir le pas, entendez les écluses de Panama. Babar le propriétaire me questionnait, j’observais aussi son bateau, et ce qui manquerait... ou pas. « Tu connais le filtre Aquapure ? Bien, alors pour commencer je vais écrire sur l’eau, l’eau à boire. » C’est donc autour d’un Ti’ Punch que les Carnets de PretAixte ont été baptisés.
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Du programme et de l'expérience
Ty Punch est justement le nom du First 30 qui en 2013 a accompli une circumnavigation menée par Claire et Gaëtan : pas soixante ans à eux deux ! On peut aussi passer par le Horn, ou surfer sur une luge en amoureux à trente ans et ravitailler à Auckland, ou peinard en famille, ou à trois copains qui n’y connaissaient rien. Les blogs ne manquent pas …
Le propos des Carnets de PretAixte est très différent : relater, sous ses aspects techniques, le tour du monde de PretAixte d’Antibes à La Rochelle passant par Panama et Bonne Espérance effectué par un couple à l’orée de la retraite et dans le cadre de l’ARC+ 2017 puis du World Arc 2018/2019.
Un seul objectif : arriver au bout. Un seul mot d’ordre : prudence, quoique pour le rhum …
Pour ma part et pour être concis, je navigue depuis le plus jeune âge bien que n’étant pas breton : en croisière, au large, en course, en régate. De la planche à voile au Maxi Yacht en passant par le Tornado, le 3/4 ton… de l’Irlande en muscadet en 1976, aux Acores en Ecume de mer à deux en 1978 : premiers sillages un peu longs et précurseurs de traversées plus conséquentes et des voiliers plus prestigieux.
Mais l’originalité de ces carnets est de cumuler cette expérience propre à celle des autres participants des Rallye que nous avons rejoint. De 34 bateaux au départ du WARC 2018 nous étions 12 à l’arrivée à Sainte-Lucie, on peut en tirer des observations intéressantes...
Tourner autour du globe en 22 mois c’est à la fois très long et très court. Cela réclame une vigilance constante. Ce n’est pas un exploit mais cela reste une épreuve mentale et physique.
Des qui veulent faire le tour du monde on en rencontre, et même beaucoup ! Y arriver c’est autre chose. Le premier arrêt est aux Canaries, ils ne traverseront même pas l’Atlantique Nord. Le plus grand parking des illusions se trouve bien sûr aux Antilles, ils ne franchiront pas Panama. Panama justement et Balboa plus précisément est un cimetière des tentations, les bateaux qui, culs aux écluses de Gatun, hésitent à franchir le Pacifique ne manquent pas, ils ne tenteront pas le grand saut. La Polynésie est la Calypso du voyage. Ô combien de marins, combien de capitaines, partis pour revenir, sont restés, hypnotisés par le Ukulélé et le Tamouré ! Nous même avons failli y succomber.
Ceci vaut pour mise en garde : on rencontre plusieurs équipages qui avaient sciemment décidé d’effectuer le tour en quatre ou cinq ans, laissant le bateau en des endroits sécurisés revenant en Europe puis repartant après quelque mois pour une autre portion du périple. Nous avons lié amitié avec deux propriétaires de Super Maramu qui avaient réussi ce qui, pour nous, est un exploit, l’un français, l’autre italien. Deux exceptions. La règle étant plutôt la lassitude et l’abandon du beau rêve. Ils ne repartent plus, tentent de vendre le bateau en Nouvelle-Zélande ou en Australie. L’Australie est justement l’ultime garage des équipages qui abandonnent le projet initial soit pour des raisons techniques ou financières soit par revers psychologique. Enfin, arrivé en Afrique du Sud, le plus dur est fait, tous repartiront et le boucleront ce fameux tour ! Et l’on rencontrera au Brésil, ceux qui reviennent du Horn et aussi, de nouveau, ceux qui pensent qu’ils feront le tour après avoir, d’Europe, traversé depuis le Cap Vert : la boucle est bouclée, revenir à « Antilles », peu y arriveront à faire le tour...
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Naviguer en rallye séduit très moyennement les français. Pour l’ARC+, sur soixante-seize bateaux, nous n’étions que cinq bateaux gaulois, et pour le World Arc le seul sur trente-quatre. C’est un monde peuplé d’Anglo-saxons et de nordiques.
La formule du rallye reste, pour nous, idéale pour plusieurs raisons. L’organisation gère entièrement les aspects administratifs du périple et en particulier les clearances qui peuvent être fastidieuses. Des réceptions, des excursions sont proposées qui toutes sont intéressantes. Un esprit de corps naît, une camaraderie, une entraide et des amitiés se nouent au fur à mesure du voyage. Pour Noël à Cape Town, ceux qui n’étaient pas repartis qui en Amérique, qui en Europe, avaient organisé des festivités, qu’enviaient leurs compagnons retournés dans leurs foyers. L’entraide en mer, par le biais des vacations BLU est réelle, comme elle l’est à terre. Que ce soit pour un aspect technique ou un petit coup au moral, toujours quelqu’un viendra proposer ses services. Enfin le plaisir de se retrouver et de raconter son voyage après chaque grande traversée est un agrément très supérieur à celui d’arriver aux Marquises seul, ignoré, et de ne pouvoir partager cette joie.
Avertissements
La préparation d’un bateau pour le programme cité est différente de celle d’une traversée de l’Atlantique Nord. Vous pouvez être à deux sur un 40 pieds au départ des Canaries, ne plus avoir de pilote après quatre jours de navigation ou être en défaut de moteur ou de dessalinisateur, peu importe. On peut barrer à deux durant dix jours et avoir été prévoyant sur la quantité d’eau embarquée ; quant à la navigation : avec un simple smartphone….on arrive de l’autre côté. Arrivé au Marin ou à Bas-du-Fort, des équipes compétentes vous remettront tout cela en route et rapidement !
Si votre ambition est de tutoyer les hautes latitudes, vous risquez de ne pas vous retrouver dans notre propos, car la balade que nous proposons déroule les latitudes tropicales et des mers dans lesquelles on plonge sans en avoir éprouvé la température, seulement l’absence de requin !
A ce propos il est inutile de tester le bateau et l’équipage en Irlande ou vers les Lofoten : vous seriez déçus. Les contraintes d’un tour du monde équatorial au portant ne sont pas celles du pré sous la pluie et dans le froid. Voire, ce genre de test pourrait être contreproductif et vous faire choisir des solutions très inadaptées aux touffeurs du Brésil ou aux vices de l’Océan Indien. La Méditerranée ou les côtes espagnoles atlantiques en été correspondent mieux aux conditions que vous rencontrerez.
Ce qu’il y a d’original dans ce type de circumnavigation c’est qu’il n’y a pas d’arrêt au stand. Franchi Panama, le prochain continent est à près de dix mille milles, et il y a trois stops possibles dans une marina… il va falloir être autonome et débrouillard durant six mois dans des conditions pas toujours clémentes, résister et y arriver sans beaucoup d’assistance en mer comme au mouillage. Pas d’arrêt au stand et un rythme soutenu, il va falloir préparer le bateau en conséquence puis surtout, surtout, ménager équipage et embarcation.
Enfin avant de commencer cette revue technique forcément partiale et partielle, voici une déclaration d’absence de conflit d’intérêt : aucun des équipementiers, des sociétés, des sites internet, cités ou référencés ne nous on en quoi que ce soit apporté leur concours financier. Notre parole est libre de toute implication mercantile. C’est parti pour le grand Tour !