L'hydrogène, une solution d'avenir pour la plaisance ?

Bateaux à moteur
Par François TREGOUET

Dans le sillage d’industries autrement plus polluantes, le sujet du climat devenant prégnant dans tous les domaines, la plaisance ne peut faire l’économie d’évoluer. Portés par la vague d’innovations qui déferle sur des secteurs autrement plus critiques, quelques pionniers font le pari de l’hydrogène pour nos futurs bateaux.

©The jet Zero emission DR
Dans le sillage d’industries autrement plus polluantes, le sujet du climat devenant prégnant dans tous les domaines, la plaisance ne peut faire l’économie d’évoluer. Portés par la vague d’innovations qui déferle sur des secteurs autrement plus critiques, quelques pionniers font le pari de l’hydrogène pour nos futurs bateaux.

C’est tout d’abord le trublion Alain Thébault, qui après l’Hydroptère, propose The Jet ZeroEmission, un navire survolant les eaux à 40 nœuds. Trop beau pour être vrai ? Ce qui est certain, c’est que les ingénieurs sont nombreux à plancher sur le sujet. Ainsi, en juillet dernier lors du Monaco Energy Boat Challenge, huit participants présentaient des projets utilisant l’hydrogène. Car pour réduire les émissions de CO2 à zéro d’ici à 2050, l’hydrogène est une solution prometteuse. Les défis liés à son utilisation sont pourtant de taille, à fortiori sur un bateau. En effet, sa très faible densité oblige à le stocker soit à très haute pression (entre 200 et 700 bars), soit à très basse température (-253° degrés Celsius). En revanche, entouré d’eau, un navire ne manque pas de « carburant vert » pour générer de l’hydrogène par électrolyse, en la décomposant en dioxygène (O2) et dihydrogène (H2), ce grâce à un courant électrique d’origine renouvelable (solaire, éolien, hydrogénération).

Nautisme Article
© Energy Observer

Hydrogène vert

C’est la solution retenue par Energy Observer, navire 100% autonome en énergie. Précurseur parmi les pionniers, Victorien Erussard reprend en 2012 ce catamaran de course de 30,50 mètres, construit en 1983 pour Mike Birch sous le nom de Formule Tag. Sous ses nouvelles couleurs, le navire a parcouru plus de 30 000 milles nautiques. Parmi la variété de sources d’énergie présentes à bord pour alimenter le parc batteries et les deux moteurs de 45kW chacun, il y a deux piles à hydrogène de 80 kvA, développées par Toyota pour sa Mirai. Chacune coûte encore deux fois plus cher qu’un groupe électrogène de même puissance, mais elles sont garanties 80 000h, sans entretien et n’ont aucun coût de carburant associé. En effet, Energy Observer fabrique (désalinisation, purification puis électrolyse) et stocke (8 réservoirs de 64 kg) son propre hydrogène à partir de l’eau de mer. Le rendement de la pile est 2,5 fois supérieur à celui du gasoil si on prend en compte l’énergie nécessaire à l’extraction, au raffinage et au transport de ce dernier jusqu’à la pompe.

Nautisme Article
© Hynova - DR

Transferts de technologies

C’est d’ailleurs la pile qu’Energy Observer Developments (EODev) a mis au point et fait approuver par le Bureau Veritas, qui a été adoptée par le yacht hydrogène le plus abouti à ce jour, l’Hynova 42, de la sémillante Chloé Zaied. Forte du succès du démonstrateur de 40 pieds, le lancement de la production en série est imminent. Si la vitesse maximale annoncée est de 22 nœuds, avec son réservoir d’hydrogène de 22,5 kg, et ses deux moteurs de 150 kW, il ne pourra parcourir que 14 milles à cette vitesse. En revanche, son autonomie sera de 44 milles nautiques à 8 nœuds, deux batteries permettant de prolonger la balade d’une quinzaine de milles. Si le poids du futur monocoque marseillais n’est pas dévoilé, celui du catamaran à foil d’Emirates Team New Zealand lui, est brandi fièrement : 4800 kg seulement pour 10 m de long par 4,50 m de large. Pour pourvoir suivre les folles vitesses atteintes par les foilers en quête de l’aiguillère d’argent, l’objectif de performance est forcément élevé : 50 nœuds en pointe et 35 nœuds en vitesse de croisière, avec alors 110 milles d’autonomie. De quoi suivre aisément une journée de régate pour ses six passagers. L’hydrogène est stocké à 350 bars dans quatre réservoirs de 8 kg chacun. Toyota, sponsor de longue date l’équipe, a fourni deux piles à hydrogène de 80 kW de toute dernière génération. Si elles fournissent la majorité de l’énergie nécessaire en vitesse de croisière, un parc batteries de deux fois 42 kWh assure les pics de demande, lors de fortes accélérations, ou pour atteindre les 50 nœuds.

L’hydrogène à la pompe

Mais à ce jour, cette technologie, se heurte à l’absence de point de ravitaillement avec par exemple un seul port équipé, Toulon, sur la Méditerranée. Alors à quand des stations hydrogène sur le Léman ? L'institut IESE a mis au point une installation autonome (photovoltaïque et éolien). Sa production électrolytique est stockée sous 200 bars dans des bonbonnes de 76 litres. Le premier bateau à avoir testé l'équipement est l'Hydroxy 3000, également appelé le catamaran "ZEN" - pour Zero Emission Navigation. Il est équipé de deux moteurs électriques alimentés par une pile à combustible. D’un poids de 1500 kg, l’Hydroxy 3000 peut transporter 7 personnes à environ 6 nœuds. À 4 nœuds, il a une autonomie d’une douzaine d’heure, que viennent prolonger un parc batteries et 5 m² de panneaux solaires. A l’opposé du spectre, chez les superyachts, le longiligne Aqua, un 112 m conçu par Sinot Design, seul projet à hydrogène liquéfié à notre connaissance, promet lui une autonomie de 3 750 milles à 12 nœuds.

Parfaitement silencieux, sans aucune vibration et aucune émission de CO2, hydrogène et électricité semblent former le couple parfait pour une navigation vraiment éco-responsable. Mais est-ce pour demain ou à plus long terme ? Les obstacles à la généralisation de cette technologie ne sont pas nombreux mais coûteux. Mais la densité énergétique exceptionnelle d’un hydrogène, qui plus est produit de manière 100% neutre, promet tellement en matière d’autonomie et d’écologie, que ces barrières logistiques pourraient bien être franchies dans les vingt ans. Un grand chantier naval français pourrait faire une annonce à ce sujet très bientôt.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…