La nostalgique météo du Vendée Globe

Par Eric Mas

La météo du Vendée Globe : Même temps, autres mœurs.

Ils savent où ils vont… ils y vont quand même, ils sont courageux. Pour la première, en 1989, il y avait une grande part d’inconnue, ils s’imaginaient le pire ou ne voulaient pas l’imaginer, ils étaient courageux, surtout audacieux.


Le routage, quel vilain mot pour dire « assistance du météorologue », était autorisé. J’ai eu la chance de vivre  "la course du siècle version mer" de l’intérieur grâce à Jean-Luc Van den Heede, alias VDH, qui 3 ans plus tôt, avait fini 2éme du BOC Challenge, le Tour du Monde en Solitaire avec escales. Nous venions de créer METEO-CONSULT, Jean-Luc avait mis ses derniers sous dans le matériel indispensable, nous nous sommes accordés : « le nom du bateau contre notre météo ». VDH a porté les couleurs de 3615 MET, notre produit phare de l’époque, dans une aventure inoubliable pour finir sur le podium de cette grande première.

 

Le nom du bateau en échange d’une assistance météo… Vous imaginez l’importance que le navigateur expérimenté attachait à cette aide. La météo était l’arme fatale.

 

Pesant trop sur la course, le routage fût interdit dès la 2ème édition. Aujourd’hui, les skippers utilisent tous les mêmes fichiers de vents sous un logiciel de navigation. Ce n’est plus la même course. Pourtant les conditions météo, quoiqu’on pense du changement climatique, ne sont pas différentes. La météo, toujours aussi variée (ils traversent tous les climats) est devenue plus claire, plus prévisible. La météo n’est plus la priorité. Plus de grandes options, le parcours est contraint par des portes dites de sécurité.

 

Evidemment je le regrette. Non seulement, il faut l’avouer, parce que le « routeur » avait un rôle important et pouvait vivre sa propre aventure, sa propre compétition, parce qu’il liait une complicité indéfectible avec le skipper, mais aussi parce que la course était plus ouverte, plus stratégique et les rebondissements plus nombreux.

 

Le routeur se donnait : 24h/24 à la recherche d’infos, sur l’étendue du Pot-au-Noir, sur le comportement des anticyclones et dépressions qui courent si vite dans le grand sud et qui n’étaient pas encore bien connus, sur les icebergs mal repérés sans pouvoir toujours éviter que le skipper ne se retrouve dans un champ de mines. Toute situation était évaluée sous les aspects «probabilités que cela arrive et conséquences sur la course». Nous communiquions via Saint-Lys radio en un code que l’on avait imaginé pour que notre information, hautement stratégique, reste confidentielle. Je peux le dire maintenant, n’est-ce pas VDH, nous avions cru bon de parler en heure quand on voulait communiquer sur les coordonnées géographiques et en latitude longitude pour donner un repère chronologique. Il y avait aussi un langage très tarabiscoté pour parler direction et vitesse du vent, mer et visibilité. Si les autres ne pouvaient pas nous comprendre, nous rencontrions nous même, la fatigue aidant, quelques difficultés.

Le skipper gérait les risques en cherchant SON compromis entre sécurité et compétition. Quand on parlait précaution vis à vis des icebergs, VDH, qui mesurait sans arrêt la température de l’eau, répondait « je m’allonge les pieds vers l’avant pour amortir le choc s’il doit y en avoir un ». Heureusement pas de choc mais des échanges de paroles sur les ondes qui ne trompaient pas. VDH était alors aussi loin de nous que ne l’était, 20 ans plus tôt, Neil Armstrong sur la lune.

 

Aujourd’hui, communication internet « comme à la maison », télédétection depuis des satellites dédiés, radar haute performance embarqué, passages obligés au nord… l’iceberg ne doit plus venir troubler la compétition. Les skippers , très avertis pour comprendre les phénomènes météo, font tourner le logiciel d’optimisation de route pour choisir le cap et se positionner à 6 ou 7 jours, puis recalent en permanence… Tous font la même démarche et, de fait, se poursuivent sur la route prévue la plus efficace. Dans ces conditions, il y a peu de chances de retournements de situation liés aux options météo.

 

La course a heureusement énormément gagné en sécurité en ne perdant rien de sa sportivité…Mais ce ne sera plus l’aventure d’explorateurs tentant des coups plus ou moins tordus en flirtant avec les centres dépressionnaires...
Prendre la corde pour tourner au plus court autour de l’antarctique est maintenant interdit. Les routes sont plus sages et tellement plus prévisibles. Le suivi des positions que « le spectateur à terre» reçoit 6 fois par jour réserve moins de surprise. Pourtant la bataille sur l’eau n’en est que plus féroce. Les bateaux sont toujours aussi spartiates mais ils sont plus puissants, plus complexes. Et puisque rien n’est laissé au hasard il faut, pour apprécier la course, que les passionnés sachent lire entre les lignes, les lignes isobariques, et comprennent ces petits bords très subtils qui font gagner quelques poignées de milles à l’un ou à l’autre.

 

Ces poignées de milles qui, bout à bout, permettront de voir se distinguer le vainqueur.
 

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…