Le pied marin, la main météo

Par Eric Mas

Pour être un utilisateur critique et objectif de la prévision météorologique, il faut savoir comment elle est élaborée, quels sont, chaque jour, ses points faibles et ses points forts. Le rôle du skipper n’est pas de faire sa propre prévision mais de comprendre celle qui est mise à sa disposition et d’estimer quelle confiance il peut lui accorder.

La chaîne de production qui mène au bulletin comprend 5 maillons, 5 étapes aussi liées que le sont les 5 doigts de la main.


Le pouce, le costaud, celui sur lequel on s’appuie. En météo c’est l’observation, l’analyse du temps actuel. Avant le pronostic il faut un diagnostic. Pour prévoir il faut partir d’un état initial. C’est le rôle de l’OMM (Organisation Mondiale de la Météorologie) de veiller au bon fonctionnement de la veille météorologique à travers les réseaux de mesures sur terre (stations et radars), sur mer (bouées), dans l’air (radio sondages, avions) et depuis l’espace (photos et télédétections des satellites).


Le majeur, représente le modèle numérique globale, c’est à dire la prévision des grands systèmes qui tournent tout autour de la terre. Ce calcul demande une puissance informatique extraordinaire parce que le nombre de données à traiter est gigantesque et les équations plutôt…. sophistiquées. Imaginez tous les paramètres météo caractérisant plusieurs dizaines de millions de petites boites virtuelles réparties dans toute la couche atmosphérique dans lesquelles on fait des calculs complexes pour simuler les interactions entre ces paramètres et entre ces petites boites. Imaginez que tous ces calculs donnent un nouvel état de l’atmosphère à un temps T plus quelques minutes, et qu’il faut repartir de ce nouvel état pour se projeter encore quelques minutes plus tard. Imaginez le nombre de petits pas qu’il faut ainsi faire pour arriver à une prévision de plusieurs jours. Ces modèles sont le maillon majeur de notre chaîne de production. S’ils se trompent sur la circulation générale, tout ce qui en découlera sera trompé.


L'annulaire, le doigt de la bague symbolisant la puissance d’une relation, figure notre modèle haute résolution étroitement lié au modèle global. Ce modèle HR, ne peut vivre que dans l’ombre du modèle global. Mais c’est lui qui apporte la richesse et la finesse d’une prévision locale, celle que l’on vit effectivement.


L’index montre. Notre maillon suivant désigne le temps sensible. C’est l’interprétation des sorties de modèles pour révéler l’évolution la plus probable grâce à l’expertise du météorologue qui analyse tous les résultats à sa disposition.


L'auriculaire enfin, le plus petit mais au rôle considérable. « Mon petit doigt l’a dit ». Le dernier maillon de notre chaîne de production est celui de la communication. Le prévisionniste peut élaborer la meilleure prévision du monde, si elle est mal communiquée c’est l’échec assuré.


Comme pour toute chaîne, chacun des maillons contribue à sa solidité et un seul maillon faible suffit à en réduire son efficacité. Estimer la fiabilité d’un bulletin météo c’est estimer la solidité de chacun de ces maillons puisque chacun peut être source d’erreur.



Alors, je vous propose de compter sur les cinq doigts de la main chaque fois que vous prendrez connaissance de la météo.


Pouce ! Avant de savoir où l’on va, sachons où l’on est. La situation générale en cours est-elle facile à connaître ? Est-ce que les centres d’actions (anticyclones, dépressions) sont sains ? bien identifiés ? pas trop nombreux ? Les cartes isobariques et les images satellites peuvent vous donner une idée de la complexité de la situation en cours.


Majeur ! Est-ce que les modèles globaux peuvent être à l’aise pour prévoir l’évolution de ces centres d’actions ? Ce sera le cas si la circulation atmosphérique est typique avec, par exemple un défilé de perturbation venant de l’ouest ou dans le cas d’une situation anticyclonique stationnaire. Ca le sera moins si on est en période de transition entre deux régimes, ou si les dépressions arrivent sur une trajectoire peu classique, venant du sud plutôt que de l’ouest.


Annulaire ! Le modèle Haute Résolution, chargé de calculer les effets locaux, peut-il faire son travail efficacement ? Etroitement dépendant de la situation prévue par le modèle global, il sait calculer avec précision les phénomènes de brise ou les effets dus aux reliefs. Il a plus de mal à annoncer exactement l’heure le lieu de l’éclatement d’un orage en mer.


Index ! Certaines situations sont plus faciles à interpréter que d’autres. Le météorologue sait évaluer la robustesse des centres d’action en fonction de leurs provenances, de leurs histoires parce qu’il les suit au quotidien et identifie les « francs du collier » ou les « faux jetons ». A vous aussi de suivre la situation jour après jour pour détecter si sa progression est limpide avec une prévision régulièrement reconduite ou si, au contraire, la prévision est chaotique, mal établie.


Auriculaire ! Le petit doigt ne peut pas se contenter de propager les rumeurs de pontons. Sa source doit être bien identifiée, évidemment digne de confiance. Il faut trouver dans le bulletin météo un ensemble cohérent et complet. Point de cachoteries. Il doit y avoir les cartes qui présentent le contexte, la quantification des différents paramètres validée par le prévisionniste, mais aussi ses explications, en particulier l’expression de la fiabilité associée à la situation… et cela aussi pour les prévisions du jour même qui, vous le savez, ne sont pas toujours à 100%.


Voilà, ces quelques lignes espèrent vous apporter un « coup de main » pour enrichir votre réflexion au moment où, chef de bord responsable, vous « prendrez la météo » comme on « prend le pouls » de l’atmosphère.


Avant le « Une main pour soi, une main pour le bateau», il faut en utiliser une pour la météo.
 

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…