Météo : la communication dans tous ses états
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C’est extraordinaire comme la discussion la plus ordinaire nous mène en bateau. Discuter de la pluie et du beau temps, rien de plus anodin. Pourtant je trouve qu’il y a peu de matières, de disciplines, de sciences, où le mot entendu laisse place à une telle part d’interprétation. Je l’ai déjà écrit dans ce blog, le message météo est difficile à construire, difficile à émettre, difficile à recevoir. Mais son succès, car il faut bien reconnaître que c’est la météo qui remplit le mieux les conversations, doit justement venir du fait que chacun, selon ses aptitudes et ses goûts, reçoit l’information avec ce qu’il veut, ce qu'il peut, de complaisance, d’exigence ou de pertinence. Nous pouvons exercer notre esprit critique avec 3 exemples récents qui m’ont interpelé ces jours-ci.
3 expériences en quelques jours : l’appel au secours de Fabius, la grande affaire du débarquement de juin 44, le stress des skippers.
Le 2 juin, Laurent Fabius, qui aura la charge d’accueillir à Paris la conférence internationale sur le changement climatique (surtout ne plus dire réchauffement), a cru bon (ou amusant) d’inviter les présentateurs (mais je pense qu’il est plus sous le charme des présentatrices) pour les inciter à éveiller la conscience de nos concitoyens sur les problématiques du changement climatique. Certains, prenant leur nouveau rôle très au sérieux, ont retenu que "l’idée est désormais de sensibiliser les Français sans être anxiogène".
Désolé Monsieur le ministre, mais cette affaire vous est étrangère et j’ai vraiment du mal avec votre nouveau concept qui consiste à utiliser les présentateurs météo en relais d’opinion. Le sujet est tellement controversé chez les scientifiques que vous avez décidé de sauter par-dessus leur message en tentant de le cacher derrière la sympathique météo. Mais c’est un usage politique que de vouloir camoufler la complexité d’un sujet en en confiant la communication à ceux dont ce n’est absolument pas la compétence. Laissons les présentateurs communiquer au mieux les prévisions pour les prochains jours. Ne leur demandons pas de passer un message sur le changement climatique, compte tenu d'une part de la complexité du débat scientifique en cours, et d'autre part de sa connotation politique.
COMPLAISANCE : C’est dévoyer l’information météo que de l’entraîner dans la communication du débat climatique.
Le 6 juin, tout ou presque a été rappelé sur le débarquement de 44, y compris la prévision météo qui était primordiale pour la réussite des opérations. Tellement importante que, comme toujours en temps de guerre, les belligérants prenaient grand soin de ne pas divulguer leurs observations météorologiques. Il est édifiant de comparer les cartes allemandes et anglaises qui chacune donne son image de la situation sans connaître les conditions de l’ennemi. C'est pourtant sur la communication de son chef prévisiionniste que le Général Eisenhower a décidé le report puis le jour du débarquement. Pour moi, cela force le respect. Avant l’ère des images satellites et des modèles numériques, les météorologues savaient « imaginer » un tracé isobarique, donc la force et direction du vent, donc l’état de la mer. Une « imagination scientifique » qui se révélait pour l’époque particulièrement efficace.
EXIGENCE : C’est exalter l’information météo que de communiquer sur de tels enjeux avec si peu d’éléments.
Le 8 juin, mais aussi les jours qui ont précédé, les 38 skippers de La Solitaire du Figaro - Eric Bompard cachemire ont pour principale préoccupation, la météo. Comme les champions de ski en slalom géant qui se concentrent pour visualiser chaque porte, chaque bosse, chaque piège de la descente qu’ils vont effectuer, nos champions marins s’efforcent de visualiser les vents attendus, mais aussi tous leurs écarts possibles, et les courants et les vagues. Pour « pré-vivre » sa course, chacun fait appel à un expert météo qui lui apporte une information plus ou moins prédigérée. A ce stade, je suis persuadé qu’il vaut mieux apporter tous les éléments qui peuvent aider à la bonne compréhension du système météo plutôt que des informations ultra précises qui se trouveront vite trahies par la réalité. Je préfère fournir un arc et des flèches au skipper plutôt qu’une cible déjà percée.
PERTINENCE : C’est optimiser l’usage de l’information que d’en communiquer son essence.
Le ciel est une obsession pour ceux qui ont peur. Mais pour la plupart d’entre nous, le vent, la pluie, la température, le soleil, la neige, le brouillard font l’atmosphère de nos jours heureux. Pourvu que la communication de la météo reste ce qu'elle doit être, honnête, sérieuse et, si possible, plaisante.