Escale à New York, régate à Newport

Par Adèle Smith

Un an et 11.000 milles marins (20.000 kilomètres) après notre départ, nous voilà de retour à New York. Une escale bienfaitrice avant de retraverser l’Atlantique pour l’Europe, mais quel choc.

Après un an en mer, la ville exhale une odeur fétide et ressemble à un asile de fous. La Grosse Pomme est toujours aussi bruyante, pressée, infatigable, excessive et créative. Les New Yorkais ont un talent indéniable pour inventer des choses inutiles et les rendre indispensables. Depuis notre départ, des distributeurs automatiques de cupcakes opérant 24h/24 ont ouvert à Manhattan. Dans le journal, je lis que des parents louent les services de coachs à 300 dollars de l’heure pour faire passer des étés inhabituels à leurs enfants afin d’accroître leurs chances auprès des universités de l’Ivy League. Rude compétition, être excellent élève ne suffit plus, il faut être original et avoir un coach. Une mère raconte ainsi avoir envoyé son fils un été en Chine pour qu’il ait une bonne histoire à raconter dans son dossier d’admission à Yale et ça a marché !


En voyage, nous avons vu beaucoup de chiens errants, souvent couverts de tics, j’avais donc oublié l’obsession anthropomorphique des New Yorkais pour nos amis à quatre pattes. Si un toutou new-yorkais racontait sa vie de chien à un cabot de Banjul ou de La Havane, il parlerait de balades en poussette pour ne pas abîmer ses coussinets, de masques de beauté à la myrtille, de liposuccion et même d’implant de faux testicules pour soigner son égo…
 

La mairie de New York vient de lancer une vaste campagne de sensibilisation sur les risques d’inondation (Sandy avait durement frappé en 2012), mais combien de New Yorkais font-ils le lien avec le changement climatique et leur empreinte carbone ? Combien d’ouragans dévastateurs faudra t’il pour comprendre? Maintenant que j’ai pris conscience de l’impact quasi irréversible de nos modes de vie sur la survie de notre planète, je vois du gaspillage partout et je ne peux pas m’empêcher de le dire. A l’amie qui laisse la porte du frigidaire ouvert, à l’autre qui jette la moitié du repas à la poubelle, au vendeur qui propose un coca géant impossible à finir au cinéma, au chauffeur qui conduit un bus aussi réfrigéré qu’une cellule de morgue. Mais je vois dans certains regards que c’est moi qu’on enverrait bien à l’asile.

 

Nous avons vécu si simplement sur Moon River que New York a quelque-chose d’orgiaque. Notre première sortie avec les filles au Wholefood du coin, magasin bio branché immense (qui vend des produits avec OGM), se termine en fiasco. Il y a trop de choix, nous ressortons le caddie vide et nous nous rabattons sur un bretzel et une pomme dans la rue pour le déjeuner. Pendant ce temps-là à Union Square, des pentecôtistes proposent de sauver les obèses de la foudre de Dieu par la prière et dans les salles de gym on sue à grosse goutte pour pouvoir consommer encore plus de suppléments proteinés.
Grâce à la wifi qui fait son apparition un peu partout dans le métro cette année, « l’ homo connecticus » vit la jouissance extrême le nez collé sur son écran mobile. Un frisson me parcourt l’échine. Ancienne addict, je me vois déjà comme ça dans quelques mois à Paris.
 

Sebastian fait la traversée Floride-New York en solo (il en rêvait) alors nous avons pris l’avion et sommes coincées à terre. J’ai perdu la cadence urbaine, la lenteur à dégainer ma carte de crédit et avancer au pas de course comme tout le monde me relègue au rang de simple touriste. Je suis heureuse de retrouver les amis New-Yorkais, mais au bout de quelques jours, le plancher des vaches me donne le tournis. Trop de gens, trop de bruit, trop de tout. Jeff, un ami rencontré avec sa famille aux Antilles m’a proposé de participer à la 160ème régate annuelle Rolex du New York Yacht Club avec deux autres coéquipiers sur un bateau classique. Je n’ai jamais fait de course nautique mais j’ai besoin de changer d’air.

Quel bonheur de retrouver un marin et de sentir les embruns ! La régate annuelle du NYYC est la plus ancienne course nautique des Etats-Unis (diaporama ci-dessous NDLR). Les bateaux en compétition, modernes et classiques, comptent parmi les plus beaux de la côte Est. Notre voilier, Winnie of Bourne, nous attend dans la jolie baie de Narragansett. C’est un Concordia de 12 mètres construit en 1952, une yole d’une beauté à couper le souffle. Il n’en existe que 103 en tout. Bien que l’on dise « elle » en anglais pour parler des bateaux, j’au toujours considéré Moon River, notre Valiant 40, au masculin. Mais Winnie of Bourne, elle, est non seulement très féminine, elle a la grâce et la sensualité d’une gazelle. L’intérieur plutôt spacieux pour un bateau aussi fin est en acajou et robinier. Il y a un petit poêle en fonte à l’intérieur. Jeff a grandit près de la mer et les bateaux n’ont aucun secret pour lui. Le légendaire Concordia était assemblé dans un chantier près de chez lui. « J’ai toujours admiré la beauté du Concordia et sa grâce mais je suis tombé amoureux quand j’ai commencé à naviguer dessus. Il glisse au creux des vagues comme dans la soie et procure une solide sensation de fluidité » confie-t’il. Winnie of Bourne remporte finalement la troisième place dans son classement après que son principal rival Fidelio a abandonné piteusement la course. Ce n’est pas sans faire plaisir au propriétaire de Winnie, Arvid Klein, architecte new yorkais inconditionnel de course nautique et de beaux bateaux. De retour à NYC, je le rencontre au prestigieux New York Yacht Club de Manhattan et découvre un véritable passionné de la mer. A 80 ans, Arvid est presque complètement aveugle, mais il navigue toujours et n’a aucune intention d’arrêter.
 

Lorsque Sebastian arrive enfin dans la Grosse Pomme, c’est à son tour de tomber des nues. « Le plus déroutant me dit-il, ce sont les gens dans la rue qui marchent en regardant leur écran de portable. On croirait qu’une terrible maladie s’est abattue sur New York ». Dans quelques jours, nous mettrons le cap sur l’Irlande. Nous avons hâte de reprendre notre vie « normale » du moment, même si c’est juste pour quelques semaines encore.

Diaporama
L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…