La mer : espace de liberté ou de droit ?

Victor Hugo disait « La mer est un espace de rigueur et de liberté. Y perdre la rigueur c'est perdre la liberté. »
Habituellement, la liberté désigne l’état de ce qui n’est pas soumis à une contrainte. Agir librement, c’est agir sans contrainte. Mais quelle est la différence entre la liberté et le droit ?
- Est-on libre de naviguer sans contrainte ? Cette liberté est-elle indéterminée, non cadrée, autonome et solitaire ?
- La liberté de naviguer est-elle un droit de naviguer ? Cette liberté est-elle délimitée par ce qui est interdit par la réglementation ?
- Ce droit s’inscrit-il dans un ordre structurel, dans une relation de devoirs et responsabilités ?
Ces questions ne sont pas que théoriques tant le partage d’un même plan d’eau par des activités diverses, des acteurs aux objectifs différents, parfois divergents, concurrent à des zones de crispation qui commandent la règle.
Aujourd’hui, le principe de la liberté de la navigation est considéré comme une des pierres angulaires du droit maritime de l’ordre juridique des mers, fait qui a largement découlé d’intérêts économiques et stratégiques procédant eux-mêmes d’un rapport de force donné en mer.
Or, depuis l’essor considérable du nautisme dans les années 60 sous l’impulsion de grands navigateurs comme Eric Tabarly, la société civile pointe du doigt une prétendue limitation de la liberté de navigation par l’adoption de mesures visant à préserver l’environnement marin.
Ce phénomène témoigne d’un décalage qui se creuse progressivement entre l’interprétation de certains principes élémentaires du droit de la mer et les besoins suscités par la réalité, celle du stress sociétal et environnemental des océans et des littoraux.
- Crier à la violation de la liberté de navigation en raison d’un accroissement des navigants et des mesures environnementales qui affectent la navigation est-il pertinent et légitime ?
- Sanctuariser un principe, et plus précisément une interprétation particulière de ce principe, est-il une posture qui sert les intérêts de la communauté maritime et la protection globale des océans ?
- La réglementation des pratiques est-elle une atteinte à la liberté de navigation ou un encadrement du droit à naviguer ?
Nous nous trouvons dans une séquence temporelle qui exige la prévention car nous connaissons les défis et pouvons évaluer les conséquences de nos actes. L’époque où la gestion pouvait se trouver en aval de l’activité humaine n’est plus.
Elle doit dorénavant se situer en amont de l’activité humaine, car nous savons désormais les limites de notre environnement, et aucun domaine ne peut échapper à ce changement structurel fondamental, global et irrésistible.
La conscience de ces problèmes ne laisse plus de place à la prise de risque au nom d’une interprétation d’un principe qui se déconnecte de plus en plus de la réalité et qui se hisse au statut de dogme.
Après tout, privilégier la liberté de navigation sans exception au détriment de l’environnement n’est-il pas confondre la liberté des mers avec l’anarchie, l’irresponsabilité et l’impunité en mer ?
Pour conclure, citons Rousseau qui expliquait que “le droit est une qualité morale par laquelle il nous est dû quelque chose”.
A ce titre, pourrions-nous dire que la navigation n’est pas une liberté mais un droit qu’aucune réglementation ne saurait empêcher... La discussion est ouverte.
L'association Legisplaisance a publié le premier ouvrage de référence en matière du droit de la plaisance et du nautisme que vous pouvez retrouver sur leur site internet.