Incendie dans un port de plaisance : quelles responsabilités ?

Par J?r?me Heilikman

L’émotion est forte à Saint-Malo, après le violent incendie qui a détruit ou endommagé une vingtaine de voiliers et bateaux à moteur à l’aube du dimanche 30 avril, dans le port des Sablons.

Au total, 22 bateaux ont été touchés dont 8 ont coulé. Fort heureusement, aucune victime physique n’est à déplorer. Les dégâts sont impressionnants et représentent un montant considérable, en premier lieu pour l’assureur de la Ville, concessionnaire du port.  L’origine du sinistre est indéterminée, et fait l’objet d’une enquête de la police. La navigation est interrompue sur le port des Bas-Sablons jusqu'à nouvel ordre, le temps pour les pompiers de baliser les emplacements des épaves.

 

Les sinistres qui surviennent dans un port de plaisance sont source de dépenses très importantes. En premier lieu, liées au coût de la prévention des sinistres et aux interventions lorsqu'ils se déclarent. Mais, au-delà, elles peuvent aboutir, en cas de faute, à la mise en jeu de la responsabilité des acteurs concernés.

Il est utile de rappeler que le risque le plus conséquent pèse sur les communes qui sont responsables, lors de situations exceptionnelles, de la police générale des ports. La responsabilité administrative pourra être retenue à l’encontre des gestionnaires de port suite à des dommages survenus aux navires à poste, notamment du fait de défauts d’entretien des ouvrages portuaires.

En revanche, ce sont les règles de droit privé qui trouvent à s’appliquer s’agissant de la responsabilité du fait de la garde.

 

Une responsabilité du fait de la garde au sein du port de plaisance

Dès lors que des dommages surviennent aux navires amarrés dans un port de plaisance, se pose la question de la garde et de la responsabilité du gardien. Notons d’ores et déjà que le régime de responsabilité civile du fait de la garde est favorable à l’autorité portuaire. La détermination du gardien est un élément fondamental pour la mise en jeu de la responsabilité civile.

Il ressort que ce sont les usagers qui sont considérés comme étant les gardiens de leurs embarcations même si parfois, a lieu un possible transfert de la garde et donc de responsabilité. En zone portuaire, toute la difficulté quant à la détermination du gardien réside dans la distinction entre la notion de « garde » et de « surveillance ». En règle générale, c’est le propriétaire de la chose (le navire, en ce qui nous concerne) qui est présumé en être le gardien.

Par un arrêt rendu en date du 3 juin 1998, la Cour d’appel de Montpellier, à propos d’un incendie criminel survenu à bord d’un navire amarré dans un port de plaisance, a considéré que « le gardiennage du port qui permet une surveillance de celui-ci et de l’ensemble des bateaux ne peut être confondu avec un gardiennage individuel avec une présence d’un gardien qui va vérifier l’état de chacun des bateaux [...] ».

L’autorité portuaire n’étant pas redevable d’une obligation de garde des embarcations, son obligation de surveillance ne constitue pas une obligation de garde du navire.

De plus, cette obligation de surveillance dont est redevable l’autorité portuaire ne constitue qu’une simple obligation de moyens et non de résultats.

Autrement dit, en cas de dommage du navire comme un vol ou un incendie, la charge de la preuve reposera sur son propriétaire et son assureur.

 

Des causes d’exonération

Les zones portuaires sont particulièrement exposées à la force des vents, lesquels peuvent être à l'origine de nombreux dégâts matériels.

Qu'il s'agisse de l'autorité portuaire ou des plaisanciers, tous deux peuvent invoquer l'excuse de force majeure pour s'exonérer de toute responsabilité. Ces causes d'exonération sont situées « a posteriori » du fait dommageable.

 

Quelques exemples de jurisprudence

  • Concernant des dommages portuaires suite à une tempête : le Conseil d’Etat dans un arrêt du 19 juin 1992 a considéré qu’une tempête ne présente pas un événement de force majeure lorsqu'existent des précédents connus dans la région concernée. Il est indispensable qu'elle soit d'une intensité telle qu'elle présente un caractère réellement imprévisible pour exonérer l'autorité portuaire de toute responsabilité.
  • Concernant des dommages portuaires suite à un ressac : il a été jugé qu'un navire amarré à un poste à quai par l'autorité portuaire n'engage pas la responsabilité de son propriétaire pour les dommages provoqués par le navire au quai, dès lors que l’événement est imputable au ressac fréquent à cet endroit, et dont l'existence n'avait pas été signalée au capitaine du navire qui fréquentait le port pour la première fois.

 

Une assurance nécessaire

Pour conclure, les plaisanciers sont vivement invités à souscrire une police d’assurance pour leur bateau couvrant au moins la responsabilité civile dans les limites du port, les dommages causés aux ouvrages du port, quelles qu’en soient la cause et la nature, soit par le bateau, soit par les usagers et les dommages, tant corporels que matériels causés aux tiers à l’intérieur du port, y compris ceux pouvant découler de l’incendie du bateau et de son contenu.

 

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…