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Yves Lambert, le skipper du Tina Persephone est engagé sur la Transat classique. Il nous envoie régulièrement des nouvelles pour partager son bonheur d'être sur l'eau.
Pour Persephone, depuis le départ, cette transat est une transat de barreurs... non pas que les options de navigation soient subalternes, bien au contraire: ce sont elles qui imposent une excellente performance à la barre.
Explication : face à des concurrents pour la plupart plus rapides parce que beaucoup plus grands, Persephone s'attache à parcourir la distance la plus courte, soit une route proche de l'orthodromie. La direction du vent depuis le départ avait pour conséquence de devoir naviguer pratiquement plein vent arrière: mission impossible pour deux raisons: d'une part car ce vent est très instable en direction, avec des bascules incessantes de 15 à 25°; maintenir un cap compas doit donc s'effacer derrière le fait de se caler sur un cap vent.
Par ailleurs, l'état de la mer, avec beaucoup de petit clapot résiduel, fait rouler transversalement le bateau donnant en tête de mât une amplitude se répercutant immédiatement sur le bon gonflement du spi. La route de Persephone depuis Cascais jusqu'aux Canaries est quasi rectiligne: cela masque en fait un nombre incroyable d'empannages, ayant pour finalité de saisir chaque bascule à notre profit. Efficace, mais pas reposant : barrer de nuit par 8 noeuds de vent, à la limite de la fausse panne, demande une concentration intense: enrouler malencontreusement le spi autour de l'étai en pleine nuit nous a coûté une bonne heure de travail sur le pont le long de Fuerteventura.
Le règlage du spi est déterminant pour la réussite de cet exercice; c'est une attention permanente: brassage du tangon, hauteur de la pointe, règlage du creux par la tension de l'écoute, optimisation de l'angle de descente (VMG), fine utilisation des polaires, passage sur écoute légère... le tout en comparant la route souhaitée et la route réalisée.
A quatre équipiers, et donc quatre barreurs, cela représente environ 6 heures de barre par jour; un tour qui, paradoxalement, revient parfois plus tôt qu'on ne l'aurait souhaité.
La récompense? Apercevoir après plusieurs jours un concurrent nettement plus rapide, mais ayant fait plus de route pour un résultat identique, et donc un gain concret de 4 heures en temps compensé. Sur la deuxième partie de la transat, une fois que nous aurons rejoint les alizés, ce sera une approche tactique et technique probablement bien différente.