Sécurité en mer : l’affaire des Glénans ravive la question sensible des hélices et des bonnes pratiques

Equipements
Par Le Figaro Nautisme

La mise en examen de l’école de voile des Glénans pour homicide involontaire, six ans après la mort d’un stagiaire happé par une hélice, remet en lumière un risque majeur mais encore trop sous-estimé en mer. Alors que les accidents liés aux hélices se sont encore multipliés en 2024, le drame de 2019 refait surface comme un signal d’alarme sur la formation, la réglementation et les gestes de sécurité indispensables.

La mise en examen de l’école de voile des Glénans pour homicide involontaire, six ans après la mort d’un stagiaire happé par une hélice, remet en lumière un risque majeur mais encore trop sous-estimé en mer. Alors que les accidents liés aux hélices se sont encore multipliés en 2024, le drame de 2019 refait surface comme un signal d’alarme sur la formation, la réglementation et les gestes de sécurité indispensables.
© AdobeStock

Un drame de 2019 qui revient au premier plan judiciaire

L’information est tombée fin octobre : l’école de voile des Glénans, figure historique de la formation nautique en France, a été mise en examen pour homicide involontaire dans l’enquête sur la mort de Stanislas Renard, 18 ans, survenue le 28 avril 2019. Ce jour-là, lors d’un stage de kitesurf dans l’archipel des Glénan (Finistère), le jeune homme avait été mortellement blessé par l’hélice d’un semi-rigide venu le récupérer. Un coup de roulis avait projeté une passagère sur la manette des gaz, propulsant le bateau vers le kitesurfeur.

Le BEA-Mer, dans un rapport publié en septembre 2019, avait déjà mis en lumière plusieurs dysfonctionnements :

- pilotage confié à un moniteur encore stagiaire,
- motorisation très puissante,
- commande de gaz sensible et non protégée,
- absence de procédures strictes lors de la récupération d’un pratiquant en mer.

La famille du jeune homme, par l’intermédiaire de son avocat, évoque aujourd’hui un espoir que « les responsabilités soient établies » et que ce drame permette d’éviter qu’un accident similaire ne se reproduise.

Ce que l’affaire révèle : un risque majeur encore mal appréhendé

L’hélice reste l’un des éléments les plus dangereux d’un bateau. Invisibles sous la surface, les pales tournent à plusieurs milliers de tours par minute et deviennent, en situation d’urgence, impossibles à anticiper pour un pratiquant dans l’eau. Chaque année en France, l’analyse des données du BEA-Mer et des CROSS conduit au même constat : les accidents liés aux hélices ne diminuent pas.

En 2024 encore, plusieurs dossiers ont été ouverts après :

- des nageurs blessés ou tués lors de passages trop près des zones de baignade ;
- des pratiquants de sports nautiques happés lors de phases de récupération (wakeboard, kitesurf, wing) ;
- des plongeurs heurtés lors de remontées non signalées ;
- des collisions lors de manœuvres d’assistance ou de remorquage.

Les rapports officiels soulignent des causes récurrentes : moteur laissé en prise à l’approche d’un pratiquant, mauvaise anticipation des distances, usage irrégulier du coupe-circuit, ou encore perte de contrôle due à une commande trop sensible. Autant de scénarios qui montrent que la dangerosité d’une hélice n’a rien d’exceptionnel : elle survient souvent dans des situations banales, et parfois avec des équipages expérimentés.

Ce que les Glénans ont changé après 2019

À la suite du drame, l’école des Glénans avait renforcé immédiatement ses protocoles internes. En novembre 2019, l’association avait rendu publiques plusieurs mesures conservatoires :

- généralisation des cages à hélice sur les bateaux de sécurité, après six mois d’essais sur 16 embarcations ;
- obligation pour les pilotes d’être directement attachés au coupe-circuit ;
- arrêt du moteur lors des récupérations de pratiquants ;
- abandon des commandes de gaz ne nécessitant pas une double action ;
- interdiction d’embarquer des personnes non concernées par l’encadrement ;
- expérimentation de bateaux à hydrojet, dépourvus d’hélice apparente.

L’école avait toutefois reconnu les limites techniques des cages à hélice, notamment la perte de vitesse sur les petites motorisations, un élément problématique lors d’interventions urgentes. Ces ajustements témoignent d’une réalité : la sécurité autour des hélices nécessite un arbitrage constant entre efficacité nautique et protection des personnes dans l’eau.

Un cadre réglementaire clair mais souvent mal appliqué

La règlementation française impose plusieurs règles destinées à réduire le risque :

- obligation d’utiliser le coupe-circuit,
- arrêt du moteur à l’approche d’une personne dans l’eau,
- encadrement strict de l’usage des bateaux à moteur dans les zones mixtes,
- obligation de formation et de qualifications adaptées au type d’embarcation.

Ces règles sont connues, mais les accidents recensés montrent qu’elles ne sont pas toujours respectées, ou mal adaptées à certaines pratiques modernes, notamment les sports nautiques où les pratiquants passent régulièrement du vent à l’eau. Pour les enquêteurs, un point revient systématiquement : l’erreur humaine survient souvent lorsque la pression ou la fatigue s’ajoute à une manœuvre délicate.

Une culture de sécurité à renforcer, bien au-delà du cas des Glénans

L’affaire rappelle qu’aucun encadrement, même professionnel, n’est à l’abri d’un événement critique si les gestes essentiels ne sont pas appliqués avec rigueur. Sur l’eau, surtout en situation d’assistance, chaque seconde compte, mais chaque seconde expose aussi à un risque. Les autorités maritimes insistent régulièrement sur :

- la formation continue des pilotes,
- la connaissance parfaite des commandes,
- la maîtrise des phases d’approche,
- l’anticipation des mouvements de mer,
- le contrôle systématique du matériel avant chaque sortie.

Dans ce contexte, la mise en examen de l’école de voile ne constitue pas seulement un volet judiciaire : elle agit aussi comme un rappel collectif. L’hélice demeure un danger majeur, et les chiffres des dernières années montrent que le risque persiste dès qu’un geste essentiel est oublié, même brièvement.

L’instruction se poursuivra dans les mois à venir, mais l’essentiel est ailleurs : chaque accident lié à une hélice repose la même question : comment éviter qu’une erreur banale ne devienne irréversible ? Le drame de Stanislas Renard, rappelle une vérité simple : sur un plan d’eau, tout le monde est vulnérable face à une hélice en mouvement. Et la seule protection réellement efficace reste un mélange de formation, de rigueur, de matériel adapté et d’application stricte des règles.

Et avant de partir en mer, ayez les bons réflexes en consultant la météo sur METEO CONSULT Marine et en téléchargeant l'application mobile gratuite Bloc Marine.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.