
Les penons électroniques, invention brevetée par Mer Agitée et Michel Desjoyeaux, pourraient bien révolutionner le monde de la course au large et améliorer la vie des skippers.
« Je voulais faire le Vendée Globe à l’intérieur avec des chaussons aux pieds » confesse Michel Desjoyeaux, double vainqueur des éditions 2000-2001 et 2008-2009. C’est à partir de cette réflexion que son écurie de course au large, Mer Agitée, a conceptualisé une nouvelle sorte de penons dits « électroniques ». Le brevet déposé pourrait bien révolutionner le monde du nautisme et aider beaucoup d’autres secteurs d’activités où il est nécessaire de contrôler le régime d’écoulement laminaire.
Les penons : qu’est-ce que c’est ?
Pour bien comprendre l’importance de cette invention, il est bon de rappeler la fonction qu’occupent les penons sur une voile. A l'origine le penon est une girouette en plumes indiquant au barreur la direction du vent ; de nos jours les bouts de laine ou de tissu ont substitué les plumes. On accroche ces derniers partout où l’on souhaite lire une information à propos de l’écoulement d’un flux. A l’heure actuelle, ces petits bouts de tissus ou de laine restent le moyen le plus efficace de régler sa grand-voile ou son génois.
Généralement on fixe les penons deux par deux à un endroit où le tissu de la voile est translucide ce qui permet de savoir comment s’écoule le vent dans les voiles. Si les deux penons sont parallèles (un de chaque côté de la voile : l’intrados et l’extrados) cela signifie que la voile est bien réglée, dans le cas contraire, c’est à dire lorsqu’un des deux penons n’est plus aligné horizontalement, cela informe que l’écoulement n’est plus laminaire mais perturbé et donc mauvais pour l’optimisation de la vitesse du bateau.
Seuls indicateurs de l’écoulement d’un flux
Jusque ici et dans la quête de perfection, les navigateurs doivent donc vérifier très souvent le bon écoulement du vent dans leur voile via ces penons. Mais lorsque la brise est forte, la température basse et la nuit bien noire, la difficulté d’avoir ces informations s’accroît, le skipper doit aller à l’avant de son bateau avec une lampe torche pour éclairer les différents endroits de son plan de voilure et ainsi pouvoir lire les informations des penons et donc régler au mieux sa voile.
Un capteur de la taille d’un ongle
Michel Desjoyeaux et Mer Agitée ont donc planché sur un système de penons électroniques qui à l’aide d’un écran répétiteur donne une information aux skippers depuis l’intérieur du cockpit. Grâce à un capteur de la taille d’un ongle combiné à une carte électronique reliée à une batterie, les penons électroniques renvoient une donnée numérique de l’écoulement : laminaire ou turbulent dans le cas du penon binaire. Mer Agitée a même développé une version plus évoluée appelée « penon intelligent » qui cette fois informe la direction du flux dans lequel il se trouve.
Utilisable dans l’aviation, l’automobile, l’éolien et le sport
L’information numérique augmente le cercle des possibilités via des traitements et des analyses de données. Les penons électroniques pourraient, en plus d’avertir le skipper sur la pertinence du réglage de ses voiles, donner une information supplémentaire au pilote automatique ou permettre un réglage automatique des voiles. Les applications possibles de cette invention ne s’arrêtent pas au nautisme, le secteur de l’aviation, de l’éolien, du cyclisme, du ski de compétition, du parapente et des sports mécaniques pourraient y trouver un fort intérêt. En fait, tous les domaines où il existe un intérêt de contrôler l’état de l’écoulement laminaire.
"On ne souhaitait pas embêter Gabart avec ça"
Michel Desjoyeaux souhaite commercialiser son concept tout en continuant à « le développer et à s’en servir » précise-t-il. Lors du dernier Vendée Globe, François Gabart, qui s’est préparé avec Mer Agitée, aurait pu bénéficier de cette nouvelle technologie mais « nous avons décidé de ne pas l’embêter avec ça car nous n’étions pas suffisamment prêt pour lui offrir ce système en course » explique son mentor, Michel Desjoyeaux. La lutte pour le futur Vendée Globe 2016 pourraient donc se jouer en chaussons entre Michel Desjoyeaux et François Gabart.