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Après une année en pandémie, la classique (depuis 2011) trinitaine était de retour du 26 au 29 mai dernier au départ de La Trinité-sur-Mer. Au royaume de la course au large, la petite ville bretonne reste la Mecque de beaucoup d’équipages, la Société Nautique de la Trinité (SNT), l’église de nombreux adeptes. Alors, quand après avoir tourné autour de trois bouées en baie tout l’hiver, le club leur a proposé une longue et belle virée printanière dans le Golfe de Gascogne, l’enthousiasme a été immédiat. Dès la première édition, Ultim, Imoca, Multi50, Class40, Multi2000 et cinq classes d’IRC plus la catégorie IRC en double, avaient répondu présents. Les amateurs éclairés pouvant côtoyer le temps d’une régate plus grands noms de la régate (Michel Desjoyeaux, Marc Guillemot, Karine Fauconnier, Roland Jourdain…) n’étant pas le moindre des ses charmes, ils ont été jusqu’à plus de 200 bateaux sur la ligne de départ en 2017.
Le Blevec premier à la maison
S’ils n’étaient que 133 bateaux sur la ligne de départ cette année, il y avait quand même du beau monde, répartis en huit catégories et sur trois parcours. Les trimarans Ultims n’étaient que trois, mais compte tenu de l’écart de vitesse, ils avaient droit à un parcours dédié. Le petit temps a joué avec les nerfs des équipages, et si les bateaux ne se sont pratiquement pas lâchés d’un flotteur pendant 290 milles, à la fin c’est Yves le Blevec et son équipage de cadors qui s’imposent devant Thomas Coville (Sodebo) et Francis Joyon (Idec). À noter qu’en plus de l’équipage de haut niveau habituel, le local de l’étape avait invité à bord du trimaran Actual, quelques extras pour le moins talentueux, en la personne de Paul Meilhat et Yann Eliès. Dans l’autre parcours spécifique, de seulement 130 milles, celui dit de « La nuit de l’ArMen », Didier le Moal a respecté l’adage qui veut que l’on n n’est jamais mieux servi que par soi-même. Le patron de J-Composites a en effet mené son J/99 à la victoire. Avec cinq J dans les neuf premières places, le chantier Sablais s’est révélé être le roi de la nuit. En IRCB ce sont les JPK qui se sont illustrés en trustant toutes les marches du podium, à commencer par la première pour Éric Bastard sur Ishsha.
Un weekend de rêve
En multicoque, l’ORC 50 de Loïc Escoffier et le MG5 de Marc Guillemot, tous deux récemment sortis de leurs chantiers respectifs, ont eu les honneurs de la ligne d’arrivée. Mais le classement en temps compensé leur a été fatal. C’est le Dazcat 1195 Rock Steady dessiné par qui l’emporte. Un beau hold-up en terres bretonnes, pour ce joli plan de l’architecte anglais Darren Newton. En Class 40, la victoire revient à Nicolas d'Estais (Happyvore) devant Emmanuel le Roch (Edenred) et Valentin Gautier (CER Offshore - Banque du Léman), tous arrivés dans un mouchoir de poche au petit matin du 28 mai. Mais la magie de l’ArMen Race, c’est aussi de voir Pen Duick VI arriver en Baie de Quiberon au soleil levant avec Marie Tabarly à la barre. C’est la joie juvénile de Catherine Chabaud qui avait quitté les ors du parlement européen pour prendre la barre du Cigare Rouge qu’elle menait dans le Vendée Globe 1966-1997. C’est le sourire enfantin de Thomas Bonnier arrivé avec Frédéric Moreau premiers en IRC double sur leur JPK 1030 bien nommé Juzzy, même si la victoire finale en compensé revenait à un autre JPK, le 1010 de Dimitri Caudrelier.

Un phare sur l’horizon
Pourtant aucun des 518 équipiers venus de France, Suisse, Finlande, Grande Bretagne, n’aura vu le fameux phare d’ArMen. L’organisation avait préféré placer deux marques virtuelles, magie de la navigation électronique moderne, au nom du sponsor de l’épreuve, Uship, un peu plus au Sud du monument. Car oui c’est un monument que cette tour haute de 37 mètres, qui est le phare le plus éloigné des côtes françaises. Il a fallu 34 années de dur labeur, de 1867 à 1881, pour réussir à l’édifier sur cet îlot de seulement 105 m². Pendant 110 ans ses gardiens prendront tous les risques pour assurer 365 jours par ans la signalisation de la chaussée de Sein. Ce n’est qu’en 1990 qu’il sera automatisé, rompant quelque peu le charme c’est sûr. Peut-être qu’à l’image d’un Fastnet, l’an prochain les coureurs pourraient en faire le tour ? Réponse du 18 au 21 mai 2023.