Route du Rhum - Destination Guadeloupe : Philippe Poupon pour l'histoire
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Le 18 novembre 1990, huit heures après le premier, Philippe Poupon termine deuxième de la Route du Rhum. C’est sa plus belle défaite. Car le premier est une première, en la personne de Florence Arthaud. Celle qu’il appelait affectueusement « Mimine » vient de remporter sa plus belle victoire et d’entrer dans l’histoire à la barre d’un trimaran doré nommé Pierre 1er. C’est ce même multicoque que devrait mener « Philou » le 6 novembre prochain à Saint-Malo. Devrait, car racheté pour le tournage du biopic de la petite fiancée de l’Atlantique, son convoyage retour vers l’Europe a été tumultueux, manquant de peu d’être arraisonné par des pirates dans le Golf d’Aden. Mais si tout va bien, l’actrice et réalisatrice Géraldine Danon, amie de Florence Arthaud tournera son film cet été, et son skipper de mari pourra prendre la route de la Guadeloupe à l’automne.
1986 : la démonstration
Ce sera sa cinquième participation, lui qui n’a manqué aucune des quatre premières éditions. Pour l’épreuve inaugurale de 1978, il part sur l’ancien Pen Duick III d’Eric Tabarly, son mentor autour du monde dans les années 70. Ses coéquipiers ont alors pour nom Pajot, Lamazou, Kersauson, que de futurs grands marins. Poupon termine septième de cette transat en solitaire initiatique et le voilà contaminé à jamais. Quatre ans plus tard, lors de la victoire de Marc Pajot, il ne peut faire mieux que neuvième sur son trimaran dessiné par John Shuttleworth, armé par un sponsor qui lui restera toujours fidèle : Fleury Michon. Le breton ne s’avoue pas vaincu pour autant, et pour mettre toutes les chances de son côté fait construire un bateau dédié pour l’édition de 1986. Dans la tempête du départ fatale à nombre de catamarans, et surtout au regretté Loïc Caradec (Royale), son trimaran, dessiné cette fois par Nigel Irens, passe sans casse. L’architecte canadien inspiré, confirme l’adage qu’un joli bateau va vite. Et c’est d’autant plus vrai quand il est fort bien mené. Pionnier de la course au large moderne, Philippe Poupon préfère passer du temps à la table à cartes, à peaufiner sa stratégie, plutôt que de s’épuiser à la barre. Ses collègues le taquinent en lui disant qu’il est aussi pâle à l’arrivée qu’au départ d’une transat, lui répond en esquissant un discret sourire, sûr de ses choix. Conseillé par le sorcier météo Jean-Yves Bernot, il s’applique à aller vite au bon endroit. À l’arrivée l’addition est salée pour les concurrents : deux jours d’avance sur le second, Bruno Peyron. En solitaire les trimarans ont définitivement pris le pas sur les catamarans.
1990 : la plus belle seconde place
Quatre ans plus tard, en 1990, ils ne sont plus que trois sur deux coques pour 19 trimarans. Philou, comme neuf de ses congénères, a de nouveau fait confiance à Nigel Irens. Construit par l’équipe de Jean-François de Prémorel chez JTA à Nantes, il remporte à son bord la transat anglaise en solitaire de 1988, réalisant un doublé Rhum/Ostar historique. Il cède immédiatement le trimaran à Florence Arthaud qui le rebaptise Pierre 1er du nom de son nouveau sponsor. Malgré un chavirage lors de la course Québec-St Malo, le bateau est récupéré, et surtout un nouveau est commandé. Sur les plans du duo français Marc Van Peteghem et Vincent Lauriot Prevost cette fois, Florence Arthaud veut le meilleur bateau pour prendre le départ de la quatrième Route du Rhum. La voie est donc libre pour un rachat par Philippe Poupon et Fleury Michon pour défendre leur titre acquis quatre and plus tôt à Pointe-à-Pitre. Flo quant à elle prend livraison de son nouveau vaisseau à la déco psychédélique, sistership du RMO de Laurent Bourgnon. Les deux trimarans ont fait le pari de la puissance avec des flotteurs volumineux et une surface de voilure généreuse. Coque centrale décollée, les skippers deviennent funambules, mais c’est un véritable turbo qui leur est mis entre les mains. Si sur la ligne de départ la skipper porte une minerve pour soulager son hernie discale, sa confiance est au summum après avoir battu le record de la traversée de l’atlantique en solitaire. Elle part donc devant et impose le rythme dans le gros temps, comptant déjà 90 milles d’avance au niveau des Açores. Ses concurrents directs ne la reverront pas. Même Laurent Bourgnon, devant composer avec un trimaran blessé (puits de dérive endommagé dans un choc avec un Ofni), finira troisième. Entre les deux, Philippe Poupon s’est faufilé par le Nord. Sachant son bateau moins rapide au portant, il a préféré raccourcir la route, quitte à faire du près plus proche de l’orthodromie. Une option osée mais qui aurait pu payer… à huit heure près. Sûr qu’en enroulant Basse-Terre pour la cinquième fois en novembre prochain, il pensera très fort à sa grande amie Flo. Il aurait tant aimé qu’elle l’attende à nouveau avec la coupe noire et dorée du vainqueur, pardon, de LA vainqueur. Il aurait tant aimé faire à nouveau second.