
Ils rêvaient de chaleur et de portant au soleil le long des côtes Brésiliennes, ils sont au près dans des conditions très humides. La raison de cette désillusion ? Un puissant anticyclone (plus de 1032 hpa) de Sainte Hèlène, situé très Sud (son centre est à la latitude de Cape Town) leur barre la route, leur envoyant des vents contraires bien après Recife, presque jusqu’à hauteur de Rio de Janeiro.
Bataille stratégique devant !
Au moins les marins ont-ils pu, pour un temps, ranger leurs polaires dans les équipets, avec des températures extérieures légèrement au-dessus de 30 degrés depuis l’équateur. Si la flotte est toujours menée par le Britannique Simon Curwen, sa progression est ralentie suite à la rupture de sa drisse de génois. Volontairement ou non, Ilha Do Boi et Ilha Martin Vaz, deux petits îlots Brésiliens formant l'archipel de la Trinidade, se trouvent juste sur sa route, et pourraient lui permettre de s’abriter, sans assistance, pour monter au mât et réparer au calme. Derrière lui, c’est l’Indien Abhilash Tomy qui performe le mieux ces derniers jours, reprenant 210 milles au leader en une semaine. Ayant dépassé le Finlandais Tapio Lehtinen, le voici menant la chasse au sein de quatuor, avec Pat Lawless dans son sillage et plus à l’Ouest, à la recherche d’un courant favorable à la côte, la Sud-Africaine Kirsten Neuschafer. Quant au revenant Damien Guillou, il continue sa folle remontée. Le voici en milieu de flotte, sixième à 200 milles de Kirsten. Derrière, ils ne sont plus que trois à ne pas avoir franchi l’équateur et à se battre encore dans une Zone de Convergence Inter-Tropicale (ZCIT) qui refuse de les libérer.
Quand mettre cap à l’Est ? Telle est la question…
Mais qu’ils mènent la course dans le sillage de Bernard Moitessier ou qu’ils vivent leur aventure pleinement à l’arrière de la flotte, ils rêvent tous de mettre le clignotant à gauche, de pointer leurs étraves vers le Cap de Bonne Espérance et les latitudes Sud. Mais la route est barrée par le fameux anticyclone, et la déviation étant longue d’à minima 1200 milles nautiques il leur faudra encore une bonne semaine avant d’envisager de changer de cap et de viser les fameux quarantièmes hurlants. En l’absence de moyens de communication modernes, soit dans le respect de l’édition originale de 1968, le bon sens marin, l’expérience, la science de l’observation, de la pression barométrique, des températures et du ciel seront prépondérants pour prendre les bonnes décisions dans ce jeu subtil où il s’agit d’incurver sa route au bon moment. Ni trop tôt pour ne pas risquer de se retrouver encalminé dans les vents faibles de l’anticyclone, ni trop tard ce qui rallongerait d’autant la route. Damien Guillou résume ainsi parfaitement la situation : « Les alizés de l’Atlantique Sud n’ont pas du tout tenu leurs promesses : je suis au près dans une mer désagréable, irrégulière et croisée, alors j’essaie de ne pas trop serrer le vent pour aider le bateau à passer les vagues. Je ne peux pas ouvrir les panneaux de pont à cause des vagues, alors la chaleur est insupportable à l’intérieur. J’attends avec impatience le portant, mais je me contenterais de travers ! »
Toujours relativiser…
Mais la mauvaise nouvelle de la semaine a été pour l’Américain Elliott Smit. Son compas de route ne fonctionnant plus, c’est quand il a voulu le remplacer qu’il s’est aperçu que ses deux compas de rechange avaient eux aussi été cassés dans leur emballage de transport. Il va donc devoir faire le reste de la route avec son seul compas de relèvement. Comme avait dit Pierre Follenfant avec beaucoup d’auto-dérision lors du premier Vendée Globe « heureusement il n’y en a que pour quatre mois ». Son réservoir gasoil s’était vidé dans son habitacle, alors pour Elliott le désagrément est moins grave, mais l’impact psychologique tout aussi fort car cela devrait plutôt durer sept mois.