Les dernières confidences des marins avant le grand départ

Éric Péron (ULTIM ADAGIO) : « le moment de fêter un moment historique »
« Hier soir, j’ai convié deux copains à boire un verre, et j’ai bien dormi. Comme le bateau est présent au ponton depuis longtemps, on a vu le village s’y monter, l’effervescence progresser, et ça a rythmé notre préparation. Hier, on réglait encore des détails pour partir. On est prêt… On accepte d’être prêt de cette manière. C’est le moment de fêter un moment historique, on va entrer progressivement dans le mode course. Dès qu’on sera sur l’eau, qu’on déroulera les voiles, qu’on sera sur la ligne de départ, l’excitation va monter et, ce soir, après un empannage ou deux, on sera enfin en place pour ce tour du monde. Entretemps, il y a tout un protocole de départ que j’ai confié à l’équipe technique. Jusqu’à la sortie du goulet, je serai passager de mon bateau, pour passer du temps sur la météo. Les conditions sont plutôt bonnes, on va pouvoir manger, se reposer, se caler. On ne va pas être malmené, il y a beaucoup de manœuvres, mais ça devrait bien se passer. Avec l’actualisation permanente des routeurs, il n’y a pas de pression à se mettre sur la météo à trois quatre jours ».
Charles Caudrelier (Maxi Edmond-de-Rothschild) : « on est des privilégiés d’être au départ »
« C’est un peu bizarre, on a tellement l’habitude de prendre des départs, sauf que ce qui s’annonce est plus long que généralement. Les 48 dernières heures ne sont pas toujours très agréables, mais ce matin ça va mieux parce qu’on est dans l’action. Les émotions ? Il y en a. J’ai essayé de me blinder de ce côté-là, ça a une saveur particulière, surtout pour mes enfants, qui ne m’ont jamais trop vus partir si longtemps. Ils sont inquiets, mais je les ai rassurés. Tout va bien parce qu’on fait ce qu’on sait faire, ce qu’on a envie de faire. Ça génère toujours un petit peu d’émotion. Il va y avoir un petit déchirement au moment de dire au revoir aux enfants, c’est sûr, mais j’essaie de me blinder de ça parce que c’est mon point faible. C’est juste un mois et demi, il y a ensuite les vacances scolaires et on a déjà calé la date de nos vacances ensemble. On est des privilégiés d’être au départ de cette course et d’être aux commandes d’un bateau tel que Edmond-de-Rothschild et il faut s’en rappeler à chaque fois qu’on se demande si on a peur ou qu’on se dit que ça va être dur. On ne peut pas se plaindre. C’est juste un peu dur, ça va passer dès que la ligne de départ sera passée. »
Anthony Marchand (Actual Ultim 3) : « On ne va pas avoir le temps de s’ennuyer »
« C’est cool, j’ai bien dormi cette nuit. Je n’ai pas regardé de film hier soir, mais j’ai eu le temps de traîner en pilou-pilou, avec un bon plat de pâtes bolognaises avec ma chérie. J’ai une petite boule au ventre parce que la journée va être longue, pleine d’émotions. Les ‘au revoir’ ne sont jamais hyper agréables, tout le monde le redoute, mais c’est chouette. Le plus beau mouvement de la partition sera le top départ, je pense. Auparavant, il y a la hâte de quitter le ponton, de faire les vrais ‘au revoir’ à la famille, de retrouver l’équipe sur le bateau ; il y a aussi ce moment particulier au moment où les gars sautent à l’eau, puis il y aura le départ et le top départ. On sera en course, on aura remis la casquette de régatier.
Est-ce que ça va jouer sur la ligne de départ ? Oui, parce qu’on va partir sous gennaker. Il y a donc une grosse voile à déployer, il faudra bien se positionner et faire un bon départ pour remercier le partenaire, Actual, et l’équipe, et ne pas anticiper le départ. Les premiers jours sont cléments, mais il y aura beaucoup de manœuvres, ce qui ne rend pas les choses plus simples. La mer calme nous permettra de plus nous amariner avant d’aller chercher la grosse dépression au niveau des Canaries. Mais avant cela, il y aura beaucoup de changements de voiles, de prises de ris… On ne va pas avoir le temps de s’ennuyer jusqu’à l’Équateur. »
Tom Laperche (SVR Lazartigue) : « je vais en profiter à fond ! »
« C’est sûr qu’il y a beaucoup d’émotions. Des moments comme ça, on n’en vit pas beaucoup dans une vie. J’ai confiance dans toute l’équipe, ils ont préparé le bateau à merveille et on sera au meilleur niveau sur la ligne de départ. Le jour se lève, il fait beau, ce sont des supers conditions. Il y a du monde en ce dimanche matin, c’est quelque chose d’intense. J’espère que les gens seront aussi nombreux aux arrivées. Je vais m’appliquer, tout faire au mieux. Voir l’équipe, ça fait quelque chose. Ces dernières semaines, ils ont été aux aguets sur tous les sujets du bateau et qu’ils ont beaucoup travaillé. J’ai confiance en eux, j’ai une relation d’amitié avec eux. C’est fort de me sentir partir sur ce bateau en ayant toute cette équipe qui veille sur moi et sur ce bateau. J’ai plein de scénarios, plein de questions en tête et en même temps, je suis heureux d’avoir le privilège de faire ce tour du monde sur le trimaran SVR-Lazartigue. Je vais en profiter à fond ! »
Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) : « mon premier tour du monde sans mes parents »
« J’ai hyper bien dormi, contrairement aux deux dernières nuits. J’ai été épaté parce que ça ne m’est jamais arrivé. J’ai pris ma bouffée d’émotions hier soir lors du gros briefing opérationnel avec l’équipe technique hier soir. On se disait que, ce dimanche matin, il y aurait beaucoup d’émotions et qu’il fallait qu’on reste dans ce qu’on savait déjà très bien faire. Et j’ai lâché la bombe atomique, et on s’est tous mis à pleurer. C’est mon premier tour du monde sans mes parents. Mes parents sont ailleurs, et je fais - la course, les choses ? - pour moi. Je le fais pour moi et avec eux, dans cette logique de loyauté à l’égard de ses parents. J’ai dit ça hier soir, ça a été terrible, mais peut-être est-ce que le fait de verbaliser ça a libéré quelque chose.
Je suis là-dedans, je me sens très heureux et très en phase avec un moment de ma vie très agréable. Des tours du monde sont des occasions privilégiées d’être vraiment quelqu’un et d’être avec quelqu’un, en l’occurrence une équipe, un groupe formidable que j’ai vraiment choisi. Il va y avoir du bateau à faire, je suis dans ce sujet depuis hier soir. Je suis déjà dans le maritime, le sportif, l’opérationnel, très directement ancré dans le bateau. Mer nature a été cool avec nous, avec les gens de Brest et l’organisation, un départ qui va être joli avec du soleil, on va voler juste après. Ce sera très esthétique, mais six bateaux sur une ligne, ce ne sera pas anodin.»
Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI) : « ça fait longtemps que j’en rêvais »
«J’espère que le spectacle sera à la hauteur de ce que le public nous a offert ce matin. J’avoue que je n’aime pas trop m’approcher du trophée, ça porte malheur. Le trophée, c’est pour l’arrivée ! Ça fait longtemps que je rêvais d’une grande course qui s’élance depuis le Finistère, tout est réuni pour une belle histoire. J’ai grandi dans ce beau département, j’ai appris à naviguer pas loin, on ne pouvait pas espérer mieux avant un tour du monde en solitaire sur ces bateaux-là. Maintenant, à moi de réussir ma mission et revenir ici fin février. Il y a de l’émotion, j’essaie de rester concentrer sur ma course. Dans quelques heures, il faudra être vigilant, concentré. La course ne va peut-être pas se gagner sur le départ mais on peut faire des bêtises si on manque de lucidité. Comme un pilote de Formule 1, il faut rentrer dans sa course, être concentré. Après c’est un grand moment de partage, d’émotions et on ne peut pas être insensible à ça. J’ai vécu ça sur le Vendée Globe et là aussi, c’est fort. Je vis aussi pour vivre ça ! »