
Cette année, la météo a imposé un tout autre tempo : vents modérés, stratégie millimétrée, et une bataille de trajectoires jusqu’aux derniers empannages. « La course a été beaucoup plus tactique que l’an dernier. Le vent n’a jamais dépassé 20 nœuds, contre 35 l’an dernier », expliquait Laperche à l’arrivée. Un choix précoce de longer la côte sud de l’Angleterre a permis à SVR Lazartigue de prendre l’avantage sur Banque Populaire dès la remontée vers l’ouest, en recoupant la trajectoire adverse tribord amure.
Une course-poursuite entre géants
La hiérarchie a pourtant mis du temps à s’installer. Durant les premières heures, ce sont les MOD70, plus légers et plus maniables, qui ont mené la danse sur l’eau jusqu’à Start Point. « Ce sont de très bons bateaux, surtout par vent faible, et quand on ne vole pas, ils vont aussi vite que nous », admettait Laperche. Une fois lancés dans le retour depuis le Fastnet Rock, les Ultim ont enfin pu s’exprimer, avec des pointes à 43 nœuds sur des allures portantes.
À bord de SVR Lazartigue, un équipage de haut vol : Franck Cammas, Peter Burling (fraîchement vainqueur du SailGP de Portsmouth), et quatre autres marins expérimentés. « C’est fou comme on peut avancer à 40 nœuds sans presque rien toucher, parfois même sous pilote automatique », s’émerveillait Burling. Le contraste avec l’édition 2023 était frappant, mais la domination de Lazartigue n’en a pas été moins nette.
Banque Populaire, mené par Armel Le Cléac’h, termine à 05:23:52, avec un temps total de 1 jour, 18 heures, 3 minutes, 52 secondes. Suivent Actual Ultim 4 puis Sodebo Ultim 3, dans une course au contact qui s’est jouée à chaque virement et chaque variation du vent.
MOD70, Ocean Fifty et monocoques en embuscade
En marge des Ultim, les MOD70 Zoulou et Argo se sont livré une bataille féroce. Zoulou, skippé par Erik Maris, a viré le Fastnet Rock à 19:05:54, 48 minutes avant Argo. Les deux bateaux ont ensuite opté pour des routes différentes autour des TSS des Scilly. Ce matin, Argo tentait encore de combler l’écart, dans un vent modéré de nord-ouest.
Chez les Ocean Fifty, Inter Invest (Perraut/Gellée) a passé le Fastnet à 19:58:17, suivi de Lazare (Le Turquais/Le Draoulec) et de Koesio (Le Roux/Ogereau), qui est remonté à la deuxième place ce matin. À l’approche de la côte cornouaillaise, la hiérarchie reste mouvante, avec des écarts serrés.
Dans le peloton IRC, SHK Scallywag mené par Seng Huang Lee a franchi le Fastnet Rock à 23:00:51, avec seulement 6 minutes 17 d’avance sur Black Jack 100, et moins de 3 minutes sur Leopard 3. Ce trio de géants se livre une course haletante dans les vents légers, bien loin des conditions extrêmes de 2023. À bord de Scallywag, le navigateur Will Oxley rapportait depuis la table à cartes : « On manque de sommeil, il pleut, et un bateau plus rapide est devant. On cherche encore une ouverture dans les 200 prochains milles. »

IRC, IMOCA, Class40 : rien n’est joué
En IRC SZ, Tschüss 2 de Christian Zugel mène toujours en temps compensé devant Leopard 3 et Pyewacket 70, le voilier de Roy P Disney. Ce dernier a pris la tête en IRC Overall, devant Bedouin, qui tente de rééditer son exploit de 2019 (alors sous le nom Wizard). À bord de Pyewacket 70, Peter Isler évoque une course difficile : « Beaucoup plus de près que ce à quoi on est habitués. Tschüss 2 est très rapide dans ces conditions. On espère reprendre l’avantage sous le vent. »
En IMOCA, le positionnement avant le rocher a été crucial. Association Petits Princes-Queguiner (Elodie Bonafous) et Charal (Beyou) ont attendu plus longtemps que Paprec Arkea (Richomme) et Initiatives Cœur (Davies) pour virer, ce qui leur a permis de virer le rocher en tête vers 2h30. La flotte est désormais engagée dans une longue descente vers l’est, avec des options tactiques variées.
Du côté des Class40, Faites un Don sur SNSM.org (Tréhin/Douguet) mène avec trois milles d’avance sur Les Invincibles (Mathelin-Moreaux). Toute la flotte progresse au près vers le rocher, à l’ouest de la ligne directe.

L’Admiral’s Cup et les autres IRC : duels serrés et options audacieuses
En IRC Zero, Whisper (David Griffith) garde la main, après avoir passé le Fastnet Rock à 05:30:06, devant Palanad 4 (Antoine Magre) et Varuna 6 (Jens Kellinghusen). Magre, à bord d’un Mach 50 tout juste lancé en France, racontait : « On fait de notre mieux pour rester au contact malgré le déficit de vent. Le bateau est rapide, mais il lui faut plus de pression. »
En Admiral’s Cup, Black Pearl a viré le rocher en tête à 06:54:11, mais en temps compensé c’est Beau Geste (Karl Kwok, Royal Hong Kong YC) qui mène devant Jolt 3 (Peter Harrison) et Zen. Plus loin, Jolt 6 de Pierre Casiraghi approchait le rocher, après une nuit « brutale » selon ses mots. « Beaucoup de mer, du vent, on commence à fatiguer mais c’est pour ça qu’on est là », confiait-il.
En IRC One, Moana menait sur l’eau, mais Bedouin, malgré une pénalité de deux heures pour départ anticipé, restait en tête en temps compensé. Surprise aussi du côté du yacht classique Hound, actuellement troisième.
En IRC Two, Corazon (J/133) avait pris une trajectoire à l’est du TSS de Land’s End, tandis que Mojito et Pilou avaient opté pour des routes plus extrêmes à l’ouest. En temps compensé, Aurelia, Moana (NL) et Bulldog se disputaient le podium provisoire.
En IRC Three, Hey Jude (Philippe Girardin) menait sur l’eau, mais en temps compensé, le Sun Fast 3600 Bellino (Rob Craigie / Deb Fish) dominait la flotte deux mains, devant Fujitsu British Soldier et Kestrel.
Enfin, en IRC Four, la majorité des concurrents avait opté pour une trajectoire très à l’ouest. Fever (Simeon Tienpont) menait en temps compensé devant Zephyrin et Xception 2, avec encore beaucoup de milles à parcourir.
Une course plus subtile mais toujours palpitante
Si la météo n’a pas offert les frissons de 2023, elle a révélé toute la complexité tactique de la Rolex Fastnet Race. Des trajectoires audacieuses, des empannages décisifs, et des vitesses qui font encore tourner les têtes. SVR Lazartigue, en tête des multicoques, s’impose une nouvelle fois par sa maîtrise du vent... et du jeu.