Anthony Marchand : « on ne peut qu'en ressortir grandi »

Tu viens de boucler un tour du monde en 64 jours… Qu’est-ce que tu ressens
Cette arrivée, je l’ai rêvée et je l’ai redoutée aussi. C’est toujours bizarre de revoir toutes ses têtes, la famille, l’équipe, les partenaires, le public. Je sais qu’ils m’ont soutenu pendant toute cette course et je suis ravi d’être là. Ça n’a pas été de tout repos. Après Cape Town, je ne pouvais pas utiliser mes deux foils et ces bateaux ne sont vraiment pas fait pour naviguer sans foil. On s’habitue à tout. Et on se rend compte à quel point c’est dur au moment de couper la ligne d’arrivée et à quel point on a dû mettre une énergie folle pour arriver à Brest.
Ta course, c’est aussi un travail d’équipe…
Oui, ces projets-là, ce n’est que du travail d’équipe et on s’en rend vraiment compte justement qu’il y a du monde dernière nous. À chaque petit problème, l’équipe est tout le temps-là, jour et nuit. Chaque chose réparée, c’est le résultat d’un travail collectif et c’est génial. On fait le tour du monde en solitaire et en même temps par équipe. Ce sont de belles aventures. On ne peut qu’en ressortir grandi que ce soit Actual, l’équipe et moi. C’était plus long que prévu mais c’était 64 jours d’entraînement pour le prochain.
As-tu trouvé du plaisir pendant cette course ?
On en trouve forcément parce que ce sont des bateaux fabuleux. La voile, c’est un sport parfois ingrat, douloureux et c’est aussi ce qu’on vient chercher. Ce n’est jamais simple, toujours dur. On fait de la voile pour ça, pour être repoussé dans nos retranchements et voir jusqu’où on peut aller.
Le fait de ne plus avoir de foils a changé le sens de ton tour du monde ?
Quand je n’avais plus de foil, je savais que j’allais moins vite, que ça allait devenir ingrat et inconfortable. Mais je m’étais préparé à ça. Je savais qu’il y avait possibilité que ces « petites bêtes-là » pouvaient être abîmées. Le plus dur, ça a surtout été la météo qui a été défavorable : il y avait toujours un mur devant moi, une dépression ou une dorsale anticyclonique qui m’empêchait d’avancer vite. Et quand ça ne veut pas, c’est dur à gérer. Quoi qu’il en soit sur ces bateaux, on bascule vite en mode aventure.
Tu as pu suivre le reste de la course ?
J’ai regardé toutes leurs vidéos d’arrivée, c’étaient mes petits moments à moi. Je suis fier pour eux, ce sont trois supers projets, trois magnifiques machines. Je pense que ça n’a pas été simple pour eux mais c’est un tour du monde de fait pour chacun et bravo à tous. Chacun a fait son tour du monde à sa manière et il y a encore Éric qui arrive mercredi… Ce sont de belles histoires !
Qu’as-tu ressenti sur la ligne d’arrivée ?
Je ne m’attendais pas à pleurer sauf que quand j’ai vu que j’avais coupé la ligne, je n’ai rien contrôlé, je me suis mis à pleurer, presque nerveusement. Je pense que c’est un soulagement parce qu’on se donne du mal pour faire un tour du monde. On passe deux mois sur un bateau avec les alarmes qui sonnent toutes les cinq minutes, être toujours aux écoutes, c’est un stress permanent. Tu sais en coupant la ligne d’arrivée que tout s’arrête, tout part. Tu déstresses et tu profites.
Ta capacité de résistance t’a surpris ?
Oui et non, je l’avais déjà vu à la Solitaire du Figaro, ça m’avait montré que le corps humain pouvait se surpasser et aller beaucoup plus loin que ce qu’on peut penser. Ça, je le savais. Mais là, je l’ai vu sur du long terme, sur 64 jours. On se rend compte qu'on s’habitue à tout et ça fait grandir dans la vie de tous les jours.
Source : ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest