Les blessures en mer lors des courses au large : un enjeu de survie et de performance

Course au large
Par Figaronautisme.com

Les courses au large, véritables tests de résistance physique et mentale, ne sont pas seulement des défis maritimes. Elles exigent des skippers un dévouement absolu et une confrontation permanente avec les éléments, chaque manœuvre peut comporter un risque. Loin d'être de simples défis techniques ou stratégiques, ces courses mettent à l'épreuve le corps et l'esprit des marins, souvent dans des conditions de solitude extrême, sans possibilité de secours immédiat. Comment les skippers parviennent-ils à gérer les blessures lorsqu'ils naviguent en solitaire ? Voici quelques anecdotes qui illustrent les dangers de cette pratique.

©Thomas Deregnieaux / Qaptur
Les courses au large, véritables tests de résistance physique et mentale, ne sont pas seulement des défis maritimes. Elles exigent des skippers un dévouement absolu et une confrontation permanente avec les éléments, chaque manœuvre peut comporter un risque. Loin d'être de simples défis techniques ou stratégiques, ces courses mettent à l'épreuve le corps et l'esprit des marins, souvent dans des conditions de solitude extrême, sans possibilité de secours immédiat. Comment les skippers parviennent-ils à gérer les blessures lorsqu'ils naviguent en solitaire ? Voici quelques anecdotes qui illustrent les dangers de cette pratique.

L’environnement, un ennemi omniprésent

La mer, avec ses vagues déchaînées et ses vents impétueux, constitue un terrain de jeu particulièrement dangereux pour les skippers. Lorsqu'un bateau gîte sous la pression des vagues et que le rythme de la course s'intensifie, le moindre faux mouvement peut entraîner une chute violente. Les blessures dues aux chocs sont fréquentes : fractures, traumatismes crâniens, contusions diverses... Ces accidents ne sont pas à prendre à la légère. En effet, la navigation en solitaire exige que les skippers soient continuellement attentifs et que leur condition physique soit irréprochable, car la moindre négligence peut entraîner des conséquences graves.
Souvenons-nous, lors des phases de départ de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe 2022, de Sam Goodchild, victime d'une blessure au visage et aux bras, un problème technique ayant entraîné un retour de manivelle et Sam a été heurté brutalement par les poignées de la colonne de winch.

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© Sebastien Simon

Des témoignages qui illustrent la résilience des skippers

Certaines histoires de blessures en mer sont devenues légendaires, illustrant la force mentale et physique des skippers. Bertrand de Broc, par exemple, est un marin au parcours remarquable. Lors de l'édition 1992-1993 de la Vendée Globe, il a été victime d'une blessure au visage et s'est coupé une partie de la langue. Incapable de se rendre à l’hôpital, il a dû se recoudre lui-même, guidé à distance par le médecin Jean-Yves Chauve. Cet exploit lui a valu le surnom de "Rambo", un titre qui témoigne de sa ténacité.

Sébastien Simon, quant à lui, a raconté son expérience lors du Retour à la base : « À un moment, j'ai retiré mon casque pour aller dormir, et puis black-out. Aucun souvenir de ce qui a pu se passer. J'ai repris conscience avec le visage en sang. En prenant mon téléphone, je me suis rendu compte que j'avais déjà envoyé une photo de ma tête blessée à ma team manager, sans que je m'en souvienne. Je me suis retrouvé devant ma pharmacie, et face à un miroir. J'ai testé mon agrafeuse sur le bras pour vérifier si elle fonctionnait. Puis mécaniquement, je me suis agrafé la plaie sans trop réfléchir. J'en ai rebouché la moitié, mais l'autre était trop large pour fixer les agrafes. »

Un autre exemple frappant est celui d'Alberto Riva, skipper de l'Acrobatica, qui s'est blessé lors de la Transat Jacques Vabre. Le 30 octobre 2023, vers 5 heures du matin, alors qu'il se trouvait à l'avant pour remettre en place la drisse du J1, une vague plus violente l'a projeté au-dessus du pont. « Je me suis fait mal en retombant de tout mon poids sur les genoux. Malheureusement, notre Transat Jacques Vabre se termine ainsi », a-t-il déclaré. Le diagnostic médical a été sans appel : tibia fracturé. Un autre incident qui illustre à quel point les conditions en mer soumettent non seulement les skippers à des blessures soudaines et graves, mais aussi à une lutte quotidienne contre l’épuisement physique et mental.


Le corps mis à l'épreuve : fatigue extrême et épreuves de résistance

Au-delà des blessures physiques dues aux chocs, la fatigue est un autre adversaire redoutable. Lors de longues courses comme le Vendée Globe, les skippers subissent des périodes prolongées de sommeil réduit, d'efforts intenses et de stress constant, qui peuvent entraîner de l'épuisement et des hallucinations.
Clarisse Crémer a raconté lors de l’édition 2020 s’être ébouillantée en renversant son thé : « Je me suis ébouillantée en renversant mon thé sur mon entrejambe... c'était vraiment douloureux, et j’en bave encore pas mal ! » Elle a ajouté avec humour : « Ce n’est pas très joli à voir, mais je ne vais pas vous faire un dessin ! » Rapidement, elle a pris contact avec les médecins de la course, qui lui ont prescrit pommades et antidouleurs.

L’environnement sonore, en particulier sur les nouveaux IMOCA à foils, ajoute encore à la difficulté. Le sifflement constant des foils peut rendre la navigation épuisante, nécessitant l'utilisation de casques anti-bruit pour protéger l’ouïe des skippers.

Le Vendée Globe 2024-2025, actuellement en cours, met en lumière une fois de plus la réalité éprouvante à laquelle ces marins d’exception sont confrontés. Maxime Sorel a récemment dû abandonner après s’être fracturé la cheville, tandis que Romain Attanasio a été blessé à l’arcade suite à un choc violent. Ces événements soulignent qu’en dépit des avancées en matière de préparation et de sécurité, l’océan demeure imprévisible et impitoyable.


La question de la sécurité : comment prévenir les blessures les plus graves
Pour limiter les risques de traumatismes crâniens, les skippers adoptent des mesures de prévention strictes, comme le port de casques adaptés. Ces protections, parfois semblables à ceux utilisés dans le rugby, sont indispensables lorsque le bateau est fortement incliné ou lors d’opérations complexes comme monter au mât. Ces équipements, semblables à des EPI (Équipements de Protection Individuelle), sont devenus une norme incontournable pour faire face aux aléas de la navigation en solitaire.
En haute mer, le skipper doit affronter seul les imprévus. Lors d'une course comme le Vendée Globe, toute assistance physique est strictement interdite. Cependant, les contacts à distance via téléphone, Skype ou e-mail restent possibles pour solliciter des conseils en cas de problème. Les skippers doivent donc être prêts à gérer eux-mêmes toute situation, y compris les urgences médicales. Samantha Davies illustre bien cette réalité : « Je dois m’attacher pour dormir afin d’éviter de me retrouver projetée dans le cockpit. »

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Samantha Davies se protégeant avec un casque de "rugby"

Depuis 2012, les navigateurs doivent obligatoirement suivre une Formation Médicale Hauturière avant de participer à ces courses, notamment les courses en solitaire. Ce programme intensif vise à les rendre autonomes face à une éventuelle urgence médicale. Les skippers y apprennent à décrire des symptômes précis, administrer une automédication, réaliser un pansement compressif, traiter une brûlure ou une fracture, poser un pansement dentaire temporaire, ou encore effectuer des sutures si nécessaire. Grâce à cette préparation, ils développent une compétence médicale essentielle pour gérer seuls des situations extrêmes, loin de toute aide extérieure.

Une santé surveillée de près
Aujourd’hui, la course au large a évolué vers une approche globale de la performance. Les préparateurs physiques et médicaux des skippers prennent en compte non seulement les aspects techniques, mais aussi les aspects physiologiques et psychologiques. Des innovations médicales et des technologies de pointe permettent une surveillance plus précise de la santé des marins, avec des protocoles de prévention et de gestion des blessures toujours plus performants.

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© Romain Attanasio


La résilience, la capacité à gérer la douleur et l'isolement, ainsi que l’ingéniosité des skippers sont des aspects incontournables pour traverser les océans et affronter des conditions extrêmes. Derrière chaque course, derrière chaque blessure, se cache l'histoire de marins qui défient la mer, luttent contre la douleur et repoussent leurs limites, pour l'amour de la mer et la passion de la course.
Ces exemples, de Bertrand de Broc à Clarisse Crémer, nous rappellent que dans le monde des courses au large, chaque victoire, chaque parcours est marqué par la lutte contre les éléments, mais aussi par une volonté de fer qui fait la grandeur des skippers.

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe et suivez les skippers en direct grâce à la cartographie.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…