Route du Rhum - Destination Guadeloupe : quatre livres pour préparer l'édition 2022

« Rien n'est plus réellement comparable ces dernières années en matière de course au large. Qu'on le veuille ou non, la compétition océanique s'inscrit dans l'histoire de la voile selon qu'elle prend place avant ou après la première édition de la Route du Rhum, en 1978. » Ainsi commence l’ouvrage rédigé par Gérald Basseporte (L’Équipe) et Gilles Gaignault (Agence Centrale de Presse). Rédigé en 1983, le livre fait la part belle à l’édition qui vient de voir la victoire de Marc Pajot sur le catamaran Elf-Aquitaine. Mais il n’oublie pas la genèse de la course, la difficile conversion des politiques et rend hommage aux quatre homme sans qui rien n’aurait été possible : Michel Etevenon bien sûr, Jacques Goddet de L’Équipe, André Viant Président de l’UNCL à l’époque, et Yannick Jardin son homologue de Société Nautique de la Baie de St Malo (SNBSM). Parcourir les fiches des 53 skippers de 1982 est un délicieux moment de nostalgie, entre marins déjà mythiques (Eric Tabarly, Robin Knox-Johnston, Mike Birch…), légendes à venir (Florence Arthaud, Loïck Peyron, Philippe Poupon…) ou skippers bientôt engloutis par leur passion (Loïc Caradec, Olivier Moussy, Daniel Gilard…). Se replonger en quelques 200 pages dans la course haletante heure par heure et redécouvrir les photos de l’époque ne se fait pas sans émotion.
« C’est quelque chose d’inexplicable, un charme qui opère tous les quatre ans, une authenticité qui se vit » se confie Éric Cintas en préambule, associé pour l’occasion à Michel Desjoyeaux. Vainqueur en 2022 celui qui est surnommé « Le professeur » dans le milieu de la voile est surtout un fin connaisseur, et un vrai passionné de course au large. Il distille analyses pertinentes et anecdotes savoureuses tout au long de l’ouvrage. Éric Cintas lui s’applique à en relater dans le détail chaque édition, sauf la dernière, le livre étant paru en septembre 2018 peu avant le onzième départ. Une des journaux de l’époque, palmarès exhaustif des dix éditions alors déjà disputées, le livre n’oublie pas de s’attacher aux marins antillais qui ont toujours animé « leur » course, depuis Jacques Palasset en 1978. Enfin, dans le cadre du quarantième anniversaire de la Route du Rhum, l’auteur donne la parole aux anciens. C’est alors peut-être Fabrice Amedeo, qui disputera en 2022 son quatrième Rhum, qui résume le mieux la fascination des marins pour cette course : « quand la Guadeloupe se dévoile au lever du soleil et que ça fait trois semaines que tu souffres, à cet instant précis, tu te dis que tu as envie de faire ça toute ta vie ! »
Dès sa première édition, avec la victoire mémorable du petit trimaran jaune de Mike Birch devançant de 98 secondes le long monocoque noir de Michel Malinovsky, il était écrit que les multicoques feraient l’histoire du rhum, et vice versa. C’est l’évolution de ces drôles de libellules à trois coques, quelquefois à deux, que Dino Di Meo et Antoine Grenapin retracent avec passion dans ce très beau livre de 220 pages. Les photos sont bien sûr omniprésentes, mais les plans techniques sont passionnants et la parole donnée aux acteurs toujours éclairante. On découvre ainsi au cœur de l’ouvrage les derniers plans dessinés à la main par VPLP, ceux du trimaran de Florence Arthaud, Pierre 1er, qui entre dans la légende le 18 novembre 1990. Du pionnier canadien à l’avènement des géants à foils, toutes les étapes, même les plus douloureuses (chavirage du prao Rosières, hécatombe de la flotte des trimarans Orma en 2002), de l’histoire d’amour entre les multicoques et le Rhum sont retracées par les auteurs. Ce livre constitue une véritable bible du multi, paroles de skippers, architectes et constructeurs à la clé.
C’est un ouvrage collectif dirigé par Olivier Villepreux qui clôture cette sélection. Malgré la polémique, même s’ils ne seront que huit, au mieux à Saint-Malo, les trimarans géants, dits Ultim, seront les stars de cette douzième édition. Edité à l’occasion de la course Brest Atlantiques 2019, l’ouvrage retrace la genèse de la classe 32/23 qui doit son nom aux dimensions des bateaux : 32 mètres de long et 23 de large…maximum ! Il analyse avec les architectes les évolutions qui ont, au fil du temps permis l’éclosion de ces bateaux. Constructeurs et ingénieurs rendent compréhensibles les techniques qui permettent de les faire voler. Il nous emmène enfin, à la rencontre de la poignée de marins capables de les mener en solitaire sur un transat, et même bientôt sur un tour du monde. Très sérieusement documenté, doté d’une riche iconographie, ce livre au joli graphisme est une source d’informations inépuisable sur ces bateaux de rêve. Dès la couverture le ton est donné : 18 nœuds de vent, 32 nœuds de vitesse, vous êtes bien à bord d’un trimaran Ultim en direction de Pointe à Pitre.