A quelle météo peut-on s'attendre sur la Route du Rhum - Destination Guadeloupe ?

Par Figaronautisme.com avec METEO CONSULT

3 542 milles entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre au mois de novembre, la Route du Rhum - Destination Guadeloupe propose une variété de situations météo, décryptées en trois ensembles par Cyrille Duchesne, expert météo de la course pour METEO CONSULT, partenaire de la transatlantique en solitaire.

ENTRE FLUX D’OUEST PERTURBÉ ET ANTICYCLONE DES AÇORES

« Au mois de novembre, la circulation atmosphérique est généralement perturbée en Manche puis dans le Golfe de Gascogne, sous l’influence du régime d’ouest océanique.

En général, l’anticyclone des Açores est positionné moins nord qu’en été, si bien qu’il ne génère plus de dorsale (prolongement) vers le Golfe de Gascogne, il a au contraire plutôt tendance à se retrancher vers les Açores, donc, dans 70-80 % des cas on est dans un régime d’ouest à sud-ouest, avec des dépressions qui évoluent sur le nord de l’Atlantique. Ça génère souvent une alternance de vents de sud-sudouest à l’avant des perturbations, d’ouest-nord-ouest derrière les fronts froids, avec des conditions plus ou moins fortes lors du passage du front froid : si les dépressions passent plutôt sur les îles britanniques, on est en bordure de ces dépressions, donc cela génère du vent assez fort. Par contre si les dépressions restent plus nord en direction de l’Islande, on a des perturbations plus atténuées avec des vents moins soutenus.

Deux autres cas de figure, moins fréquents à cette période de l’année, sont possibles : on peut se retrouver en bordure d’un anticyclone installé entre les îles britanniques et la Mer du Nord, qui génère du coup un vent de nord-est, cela veut dire des conditions plus favorables pour le départ, qui permettent assez rapidement de sortir de la Manche et de « dégolfer » (sortir du Golfe de Gascogne). L’autre cas de figure, encore moins fréquent, c’est un anticyclone des Açores positionné plus au nord, comme l’été, avec des conditions plus faibles et une dorsale qui vient couper la route du sud dans le Golfe de Gascogne, obligeant les marins à la contourner par le nord. Quelle que soit la configuration, l’entrée en matière sur la Route du Rhum-Destination Guadeloupe est souvent décisive, les marins doivent sans cesse trouver des compromis entre aller vite pour être les premiers à attraper l’alizé et gérer au mieux une situation météo qui peut être bien perturbée, donc susceptible de provoquer de la casse si on se retrouve dans des conditions très fortes. »

L’INSTABILITÉ DANS LES GRAINS

« En approchant des Antilles, on a en général plus d’instabilité, parce qu’on est plus loin de l’anticyclone et qu’on s’approche de la zone de convergence intertropicale (le Pot au noir) qui est une vaste zone dépressionnaire avec moins de vent et plus d’instabilité. Cela se traduit par des zones de grains, soit isolés, soit des lignes plus organisées, qu’on appelle des ondes d’est, qui donnent lieu à de fortes variations de vent quand on les traverse. Cela implique de la vigilance pour les navigateurs, beaucoup de manoeuvres et de réglages de voiles. Lorsqu’il s’agit de grains plus isolés, il faut là aussi bien négocier leur passage, avec parfois un brusque renforcement du vent à l’approche du grain et à l’arrière, des zones de calmes dans lesquelles on peut se retrouver à l’arrêt. L’expérience du marin et l’observation vont l’aider à traverser ces nuages orageux qu’on peut observer à distance.

Au niveau de l’arc antillais, il faut négocier au mieux les dévents des îles ou au contraire le renforcement du vent entre deux îles, il faut bien savoir par où passer pour ne pas se faire piéger. Et pour finir, le tour de la Guadeloupe par l’est est souvent poussif, dans le dévent de la Soufrière, avec en général pas mal de tension nerveuse et physique, l’arrivée est en général assez pénible jusqu’à la délivrance, une fois qu’on est entré dans le Canal des Saintes. »

LA ROUTE DES ALIZÉS PAS TOUJOURS SI TRANQUILLE

« Une fois sorti du Golfe de Gascogne, après le passage du Cap Finisterre, l’enjeu majeur est de regarder à partir de quelle latitude on va pouvoir attraper l’alizé, tout dépend de la position du fameux anticyclone des Açores : s’il est dans sa position moyenne à cette époque de l’année, justement sur les Açores, on trouve en général l’alizé assez vite, dès Madère, ou entre Madère et les Canaries. Si l’anticyclone est placé plus sud, l’alizé va être très sud, entre les Canaries et le Cap Vert.

Dès lors, trois options se dessinent :

La première consiste à passer au nord de l’anticyclone des Açores. Les avantages : c’est la route la plus directe et on profite des perturbations Atlantique, ça veut dire du vent soutenu. Les inconvénients : c’est surtout du près, donc des conditions de navigation plus difficiles, et il y a le risque de trouver des vents plus faibles dans la descente pour aller chercher l’alizé.

La deuxième option, à l’opposé de la première, est d’aller chercher l’alizé au sud. Le risque est de rallonger considérablement la route, surtout si on descend très sud, l’avantage, c’est qu’une fois l’alizé attrapé, on bénéficie d’un régime plus soutenu, qu’on appelle l’alizé profond qui permet de traverser l’Atlantique à vive allure.

La troisième option est médiane, avec une route sud au départ mais un détour moins important et un alizé modéré. C’est donc un compromis route/vitesse à trouver, le choix se fait souvent assez rapidement au large du Portugal. Après, on a parfois tendance à penser que l’alizé est un vent constant assez stable pendant toute la traversée de l’Atlantique, c’est loin d’être le cas : l’alizé est un vent qui peut varier énormément en force et en direction. Si les vents moyens sont de l’ordre de 15-20 noeuds de nordest, il arrive qu’on monte jusqu’à 35-40 noeuds s’il y a de l’instabilité ou au contraire qu’il y ait ce qu’on appelle des « pannes d’alizé », avec moins de pression et des petites zones de transition sans vent, notamment entre l’anticyclone des Açores et celui des Bermudes. Il faut donc naviguer au gré de l’humeur de l’alizé. L’état de la mer va aussi jouer : lorsqu’on a des dépressions assez creuses sur l’Atlantique, cela peut générer des mers croisées, avec d’un côté une houle de nord-ouest due à ces dépressions, qui va se propager assez sud, et de l’autre une mer formée par l’alizé de nord-est. C’est assez inconfortable. »

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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