LinkedOut, Thomas Ruyant : une carène futuriste signée Verdier
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Confronté à l’énorme potentiel de sa nouvelle carène et à la puissance de ses appendices, Thomas Ruyant est rapidement parvenu à la conclusion que les plans de voilure traditionnellement étudiés pour les Imoca ne convenaient plus aux exigences de son plan Verdier.
« Cela fait partie des retours d’expérience que j’ai eues avec Antoine Koch et Laurent Bourguès » explique le skipper du voilier de la course au changement. « Après avoir beaucoup navigué, notamment sur Malizia de Boris Herrmann lors de la Transat Jacques Vabre en 2017, j’ai constaté combien les bateaux avaient fortement évolué, non seulement leur plateforme mais aussi les foils. Pourtant, les jeux de voiles restaient un peu figés. On ne les avait pas fait évoluer au même rythme. Alors qu’on a, à présent, des voiliers qui naviguent comme les trimarans, avec énormément de vent apparent, des bateaux qui créent leur propre vent, il convenait de se pencher sérieusement sur la question. C’est ce que j’ai fait en parallèle de la construction du bateau avec Antoine Koch. La combinaison foils-jeu de voiles de multicoque constitue une véritable révolution en soi. »
Des voiles plus plates, mais aussi plus… petites !
« Nos voiles sont très différentes de celles des autres. On voit que les V2 de nos adversaires se rapprochent de nos choix. Nous disposons sur LinkedOut d’un jeu de voiles qui se rapproche fortement d’un jeu de voiles de multicoque, des voiles plus plates et plus petites. Dans 15 noeuds de vent, on navigue déjà à plus de 20 noeuds, au lieu de 13 ou 15 sur un Imoca ancienne génération. Le vent apparent* prend plus de place dans notre fonctionnement. Les bateaux sont plus exigeants au réglage, mais une fois les hautes vitesses atteintes, on ne peut plus s’arrêter. Il nous faut un jeu de voile plus pointu, plus précis, et en l’occurrence plus plat et plus petit car il n’y a plus besoin de toujours plus de puissance. On en crée suffisamment. On se rend compte qu’une même voile peut couvrir plus d’angles ! A 80° du vent à 20-25 noeuds, si on abat de 20 à 30 degrés, on n’a plus besoin de choquer la voile d’avant, le bateau continue d’accélérer et on n’a pas besoin de modifier les réglages. En mode foiler, on navigue à présent avec des voiles plus petites et plus plates, pour une utilisation efficace plus longtemps, et avec de plus grandes variations d’angle de vent. »
Des voiles plus polyvalentes… et une gîte calculée
« Sur LinkedOut, je conserve à bord un spi de 380 m2 qui va me servir dans moins de 15 noeuds de vent et sur des allures très abattues, à 145° du vent, en VMG*. Mais à 15 noeuds de vent, je vais affaler mon spi au profit d’une voile beaucoup plus petite, pour aller chercher des angles complètement différents. On n’a plus besoin de grands gennakers. Après mon spi, ma plus grande voile ne fait que 240 m2. On passe du mode archimédien sous spi au mode foiler en lofant de 140° du vent à 130°, et le bateau va accélérer, "debout" sur ses foils, avec des angles beaucoup plus fermés. Une fois que le bateau démarre, il crée son vent et demande des régulations précises pour sa gite, afin de garder un maximum de surface de foils à plat. Il me faut 15° de gîte pour bien avancer. »
Des options plus tranchées et un Atlantique déterminant
« LinkedOut accélère fort sur ses foils, avec des angles plus fermés. En termes de navigation en course, on va pouvoir demeurer dans des systèmes météos plus longtemps. C'est pourquoi la première partie de course en Atlantique Nord puis Sud, sera déterminante. Le premier concurrent à toucher les grandes dépressions des mers du Sud sera en position pour créer de grands écarts. Dans cette édition du Vendée Globe, il va falloir entrer tout de suite dans le vif du sujet pour arriver bien placé dans le Sud. Car la sanction sera terrible si on n’est pas dans le même système météo que les leaders. »
Une carène futuriste signée Verdier
« Une nouvelle ère a débuté avec ces nouveaux foïlers qui révolutionnent véritablement la manière d’appréhender la navigation en monocoque. » Thomas Ruyant évolue désormais dans une toute nouvelle dimension, jamais jusqu'alors appréhendé par les marins de course au large. Son prototype Imoca LinkedOut s’inscrit dans la vision futuriste de machines destinées à échapper le plus souvent possible à la trainée et à l’élément liquide, en appui sur d’immenses foïls. La genèse du projet a pris racine voici deux ans avec l’opportunité proposée par l’architecte Guillaume Verdier d’utiliser et de profiter des études poussées réalisées par son cabinet en réponse à l’appel d’offre lancé par la Classe Volvo pour la création d’un Open Sixty. « Fort intelligemment, Guillaume a adapté ses plans et ses études à nos désirs d’Imoca » explique Laurent Bourguès, directeur de projet chez TR Racing et vieux complice de Thomas. « Nous avons pu profiter des moules pour lancer dès octobre 2018 la stratification de la coque. Nos réflexions par rapport au projet Open Sixty ont porté sur une modification de la forme de la carène à l’avant du bateau et sur l’abaissement du centre de gravité du voilier pour plus de stabilité, d’où ce pont en forme d’aile de mouette, ou de bassine. »
Le résultat est un foiler véritable, et non pas un Imoca à foils, comme les voiliers apparus depuis 2015. « On a créé un bateau fougueux et oui, violent ! » avoue Ruyant.