Douze solitaires dans le Pacifique

Par Figaronautisme / Vend?e Globe

Depuis hier soir et le passage sous la Tasmanie de Romain Attanasio (Pure – Best Western), douze solitaires naviguent désormais dans le Pacifique, et trois ont franchi l’antiméridien. À l’exact opposé des Sables-d’Olonne, le trio de tête trace sa route sous la menace de l’anticyclone venu du Nord-ouest qui va leur couper la route d’ici deux jours. Où et comment passer sans s’arrêter ? That is la vraie question.

Dans un couloir de 80 milles de large, et qui se va rétrécir encore jusqu’à jeudi, les trois hommes de tête se coursent et se toisent, à distance respectable pour ce qui concerne Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) et Charlie Dalin (Apivia), une banderille tendue au bout du bout-dehors sur le LinkedOut de Thomas Ruyant. Si 126 milles séparent les deux premiers, le troisième n’est qu’à une trentaine de milles du dauphin, ce qui peut stimuler les ambitions de l’instant.

 

 

Cette nuit, les trois hommes ont effacé entre 77,8 et 102 milles de la liste de course à des moyennes de 11,1 à 14,7 nœuds pour le troisième, et des pointes de vitesse (18,8 nœuds pour Charlie Dalin à 5 heures) dictées par les empannages et les angles au vent qui en découlent. L’alternance des bords lents et des bords rapides font une moyenne qui ne restera pas dans les annales du Vendée Globe, en tout cas pas parmi les records de vitesse. « Tu vois, je suis bien content d’avoir embarqué 80 jours de nourriture », se pourléchait Thomas Ruyant à la vacation du matin. Ce n’était pas la fin qui stimulait le skipper nordiste, qui venait de terminer un risotto et un riz au lait au moment de l’appel, mais le soulagement d’avoir été prévoyant. Avec une petite pensée au passage pour Alex Thomson, qui avait déclaré avoir embarqué 59 jours d’avitaillement et qui, s’il avait encore été en course, aurait sans doute commencé à envisager son rationnement…

 

Les questions sur LinkedOut ne sont pas d’ordre culinaire. Elles portent plutôt sur la stratégie au jour le jour, dans ce système qui contraint les ambitions et musèle l’originalité. « C’est le jeu des jybes (empannages) dans le bon timing et le bon tempo, pour passer dans ce trou de souris, en cherchant à se rapprocher de la zone d’exclusion antarctique pour éviter les zones de vent faible. Il y a peu de chances que nous ayons du vent tout le temps : nous allons devoir passer le centre de l’anticyclone pour retrouver de la pression. Cet anticyclone va nous occuper un petit moment… J’espère que Yannick ne va pas prendre la poudre d’escampette ».

 

C’est vrai que, si Mars s’aligne en Neptune, la porte pourrait s’ouvrir pour l’actuel leader. S’il sera le premier à entrer dans les hautes pressions, Yannick Bestaven sera aussi le premier à en sortir et à rejoindre la bordure sud d’une dépression qui vient du nord. Mais ce qui est vrai également, c’est que les projections vers l’avenir tiennent plus de la prospective que du projet : dans cette zone vierge de vie, les recueils de données météo ne sont pas les plus fournies. « Les fichiers météo sont fiables à deux ou trois jours, avec un degré de confiance important, explique Thomas Ruyant. En revanche, les prévisions ne sont pas lisibles jusqu’au cap Horn. On ne sait pas à quelle sauce on sera mangé, alors je ne tire pas de plans sur la comète. J’ai la chance d’être chasseur, dans cette météo pas très précise, et de ne pas avoir à ouvrir la voie. Je peux me caler par rapport aux autres, et j’envisage heure par heure, jour par jour ».

 

Le soleil, les températures clémentes et les conditions de mer qui embellissent la route du skipper solidaire font également le bonheur d’Isabelle Joschke, 8e de ce Vendée Globe, à 585 milles de la tête. Tout comme Thomas Ruyant, la skippeure de MACSF profite de l’instant pour récupérer des affres de l’Indien. « Je suis en mode ‘gros dodo’ depuis quelques jours, je fais des nuits d’anthologie et ça fait un bien fou ! J’avais cumulé une énorme fatigue suite à toutes les interventions que j’ai eu à faire sur mon bateau, j’en conservais des douleurs dans le dos ; là, j’ai l’impression de me retaper complètement ! Je suis dans mon petit train, j’essaie de ne pas me faire décrocher parce qu’il pourrait y avoir une autre course (à jouer) dans l’Atlantique. En attendant, je reste sur la réserve dans le Sud ».

 

À 783 milles derrière la tête, Maxime Sorel a profité du long pit-stop de Louis Burton (Bureau Vallée 2) le long de l’île Macquarie pour s’emparer de la 10e place. Lui aussi récupère de la somme d’efforts, de « ces 72 heures pas cool à faire des trucs sans jamais m’arrêter pour sauver mes voiles. J’ai une petite douleur à l’épaule, dont la cause est sans doute le temps que j’ai passé dans le mât et des efforts pour m’y accrocher, mais ça va ». Bonne nouvelle : le skipper de V and B – Mayenne a pu commencer à utiliser son moteur pour produire du chauffage à bord de son bateau (ce qui fait du bien au marin comme à l’électronique, soumise à l’humidité en permanence, et qui ne déteste pas les moments de répit) ; il a aussi vu un bout de terre (photo), en l’occurrence les cailloux de Bishop qui émergent plus qu’il l’imaginait. Il sait également qu’il va lui falloir employer de l’huile de coude pour négocier au mieux la survenance d’une dépression poilue qui s’annonce sur son parcours. « Il ne va pas falloir mollir : si je ne passe pas, je serai contraint sans doute de ralentir pour la laisser passer ».

 

L’Indien fait des siennes

Plus loin derrière, nombreux sont ceux qui rêvent de rejoindre rapidement les eaux plus clémentes du Pacifique. Auteure d’une course remarquable sur Superbigou, Pip Hare (Medallia) a déjà rentré la tête dans les épaules : elle va devoir affronter une mer creuse et croisée qui va la secouer plusieurs heures. Et, en queue de peloton, Sébastien Destremau commence à se résoudre à l’idée qu’il lui faudra peut-être jeter l’éponge : « La situation est limpide : entre l’hydraulique de quille qui ne me laisse pas de joker depuis le pot au noir, l’absence de système de barre, sauf de secours, mais pas praticable à long terme, et un pilote automatique qui fonctionne hyper mal, on peut dire que ça commence à sentir le sapin… Mais on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise ! »

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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