Arnaud Boissières « Le Vendée Globe j'y retourne toujours pour mieux faire. Je suis prêt pour un 5e ! »
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Figaro Nautisme : le 11 février dernier, vous boucliez votre 4e Vendée Globe. Comment vous sentez-vous ?
Arnaud Boissières : "Je suis en pleine forme ! Je cours partout depuis mon arrivée, je rencontre les partenaires, les scolaires qui m’ont suivi… dans un mois je ferai un break avec une petite de semaine de vacances à Noirmoutier."
F. N. : Que vient-on chercher lors d'un 4e Vendée Globe par rapport au 1er ? Quels ont été vos objectifs cette édition ?
A. B. : "L’objectif était complètement différent car j’avais un bateau cassé et le défi a été d’en faire un bateau compétitif en mettant des foils, en changeant les safrans… le challenge était technologique, on l’a fait faire en partie à Port-la-Forêt avec Michel Desjoyeaux. Quand je prépare le Vendée Globe, je le prépare à fond. Je suis armateur du bateau, je dois trouver les finances, convaincre la banque… Le défi est à tous les niveaux : gagner la course certes mais aussi trouver le budget, convaincre, etc. chose dont je n’avais pas vraiment conscience lors de mon premier Vendée Globe. C’était un aspect qui ne me plaisait pas vraiment mais c’est l’inverse aujourd’hui car je rencontre beaucoup de gens, je suis un réel chef d’entreprise, nous avons construit un projet de A à Z donc être au départ du Vendée Globe après tout cela, c’est très enrichissant.
Je ne m’attendais pas non plus à ce que la concurrence soit si élevée, il y avait beaucoup de bateaux neufs et je suis hyper content d’arriver au bout. J’ai fait 4 Vendée Globe d’affilée ce qui est unique, et pour les partenaires La Mie Câline – Artisans Artipôle, c’est leur deuxième Vendée Globe avec moi. C’est rare des partenaires qui suivent aussi longtemps. Nous sommes à l’écoute des besoins et problèmes de chacun, ce qui donne une super énergie. C’est par ce côté-là que ce Vendée Globe a été aussi excitant à faire, puis c’était une course de folie à tous les niveaux ! J’y retourne toujours pour mieux faire. Je suis prêt pour un 5e !"
F. N. : Quel est votre programme pour la suite ? Un nouveau bateau est-il en projet ?
A. B. : "Mon projet est de racheter le bateau de Yannick Bestaven. Quant à la continuité avec les partenaires, c’est encore en discussion. En termes de courses, l’objectif serait de racheter tout de suite le bateau et de faire la Jacques Vabre en fin d’année. Puis le Fastnet, le Trophée Azimut, la Route du Rhum l’année prochaine, la Vendée Arctique puis dans deux ans, de nouveau le Fastnet, la Jacques Vabre… faire le maximum du circuit IMOCA en double ou en solitaire d’ici le Vendée Globe 2024. C’est un programme ambitieux, chargé et qui me plaît."
F. N. : Entre un Vendée Globe en 2008 et un Vendée Globe en 2020, les différences, techniques notamment, doivent être énormes ?
A. B. : "En 2008, j’avais un bateau avec une quille fixe, le premier Sodebo. Il y a déjà eu un pas de franchi pour moi entre 2008 et 2012, avec un bateau très performant, l’ancien PRB de Vincent Riou du coup la différence a été importante entre ces deux bateaux. De même avec le bateau à foils que j’ai aujourd’hui, qui est un petit foiler on va dire, on navigue différemment, plus avec du vent apparent et moins avec du vent arrière, les mouvements sont beaucoup plus brusques. La météo cette année a été beaucoup moins stable, nous n’avons jamais eu de vent moyen de 20 nœuds mais des vents entre 15 et 35 nœuds avec une mer difficile, ce qui change la manière de naviguer. C’est très inconfortable et hyper stressant, donc tout cela il faut en tenir compte pour le prochain Vendée Globe. La victoire de Yannick montre qu’il faut un bateau bon partout et un marin qui a la tête sur les épaules. Il faut un bateau marin et fiable pour faire le Vendée Globe."
F. N. : Quels sont vos meilleurs et pires souvenirs sur ce Vendée Globe ?
A. B. : "Parmi les très bons souvenirs : quand Yannick m’appelle alors qu’il est en train de franchir le Cap Horn. Il y a du vent très fort et il me demande des conseils en ami, c’est un très bon souvenir d’amitié et de camaraderie sur un tour du monde. Mon passage du Cap Horn a été très fort aussi. Je l’ai passé alors que l’on venait d’apprendre dans la nuit la disparition de Georges Pernoud pour qui j’ai beaucoup de respect. Je regardais Thalassa avec mon papa quand j’étais petit, du coup ce Cap Horn je le dois aussi à Thalassa. Un autre moment fort dans les mers du Sud quand je prends la décision d’affaler ma grand-voile car le vent est très fort et je me retrouve en train de flotter dans les grosses vagues. On a beau être compétiteur, les éléments naturels nous dépassent. Cela fait partie des moments forts, durs, mais on s’en souvient. S’il y a bien quelque chose qui ne change pas d’édition en édition, c’est ça, l’aventure !"
F. N. : Vous êtes depuis plusieurs années ambassadeur Helly Hansen. En quoi consiste votre partenariat avec l'équipementier ? Leur nouvelle campagne s'intitule "Trust Makes It Possible" ("La Confiance Rend Possible"), qu'est ce que cela vous inspire ?
A. B. : "Cela fait 6 ans qu’ils me suivent. Le partenariat ce n’est pas juste de me fournir des vêtements, c’est un échange de marins. Leur gamme est très étoffée donc ils m’équipent moi mais aussi l’équipe technique, les préparateurs, de cirés, de vêtements, de sous-vêtements. Ils nous équipent également de produits de montagne, notamment des doudounes inférieures et supérieures qui sont hyper pratiques. C’est un vrai échange. Après le Vendée Globe nous faisons le débriefing, ils récupèrent les vêtements abîmés, on regarde pourquoi ils sont abîmés, ce qui peut être amélioré… c’est assez enrichissant !"