Vendée Globe : des vents et des émotions

Quel accueil ! Voilà ce que doit se dire le petit groupe emmené par Isabelle Joschke (MACSF, 17e), qui vient de faire son entrée dans le Pacifique, flanquée de ses acolytes Giancarlo Pedote (Prysmian, 18e), Alan Roura (Hublot, 19e), et Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère – Armor-Lux, 20e). C’est la bande à pas d’air, qui fait ses débuts dans le grand bain en ne risquant pas l’hydrocution ! A peine plus de 3 nœuds de moyenne pour le plus véloce, voilà qui fait les affaires de Benjamin Ferré (Monnoyeur – Duo For a Job, 21e), qui va pouvoir recoller le paquet sans même avoir à forcer !
Mais tout de même, on ne peut pas s’empêcher de se dire : quelle ironie océanique ! Surtout quand, 3 400 milles devant, les leaders de la flotte, qui semblent avoir abandonné l’idée du trouple pour se contenter d’un duel, continuent eux à avancer à très bon train. C’est simple, vous avez le souvenir vous du dernier moment où on les a surpris à moins de 20 nœuds de moyenne ? Nous à peine ! Une réussite un tantinet insolente, dont a pleinement conscience Yoann Richomme (PAPREC-ARKÉA, 2e) : " On a eu un scénario météo incroyablement efficace, quelque fois un peu dur parce qu’avec que de la vitesse bien sûr, mais par contre qu’est-ce qu’on est rapides et qu’est-ce qu’on a rattrapé notre retard sur le record ! On va être en avance au Horn, on va passer le Cap à Noël, c’est génial ! Donc tout va bien à bord. On ne peut pas être si intense que ça pendant des mois, faut pas croire, donc on arrive à se reposer. En fait, c’est pas l’intensité qui nous empêche de nous reposer, c’est plus parfois l’inconfort du bateau. Parfois, je trouve que je dors pas assez, mais la machine tourne quand même donc ça va ! "
« c’est tout droit, c’est magique »La machine tourne, et drôlement bien effectivement. Car derrière, Sébastien Simon (Groupe Dubreuil, 3e) a vite été distancé, avec plus de 200 milles perdus en une journée... Et c’est désormais dans un mouchoir de très très petite poche que se tiennent Yoann Richomme et le toujours leader Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance). Dans quelles conditions ?
On a 20-25 nœuds au portant, ça va être globalement le cas jusqu’au Cap Horn. Une fois que le bateau est réglé, ça va un peu tout seul, donc à part le regarder faire et prévoir la route et les différentes manœuvres, pas de changement de voile prévu avant le Horn, c’est tout droit, c’est magique, c’est assez simple ! Par contre ça va être plus compliqué après, pour la remontée de l’Atlantique, et ça va être intéressant ! On se projette vers un petit ralentissement pour commencer, avec un anticyclone qui se forme et qui va sûrement nous gêner, il y aura un petit moment de répit aussi, ça peut être pas mal, mais c’est dur à estimer pour l’instant, on est encore loin !
« ça tranche radicalement avec ce qu’on a connu »Encore loin, mais beaucoup moins loin que Damien Seguin (Groupe APICIL, 16e), qui fait partie des malheureux qui, eux, auront hérité du scénario B. En progression réduite dans le Sud de la Nouvelle-Zélande, le skipper en profite pour nous donner d’abord quelques nouvelles de sa santé, après ses tracas dans la tempête australe qui l’avait sérieusement secoué : " Le genou est quand même assez douloureux, toujours bien gonflé. Je fais bien attention même si je ne peux pas l’immobiliser complètement vous imaginez bien, il faut que je continue à pouvoir me déplacer sur le bateau, des fois à quatre pattes, debout, en équilibre… Je fais attention, j’essaie de pas me faire mal par-dessus surtout ! Les cervicales ça va mieux pareil, je suis très précautionneux, je porte la minerve le plus souvent possible. "
Mais malgré ces douleurs, le marin briançonnais, né sans main gauche, a pu achever ses réparations sur son bateau également touché. « Le bateau est étanche, ça a été un peu rock’n’roll de tout réparer dans ces conditions, mais ça s’est fait ! Après il y a d’autres petits soucis avec le bateau, mais c’est lié à de l’usure, c’est le quotidien du Vendée Globe ! », nous raconte-t-il avec son éternel allant. Il n’empêche que son casse-tête est loin d’être terminé, pour lui qui évolue actuellement au près, dans 10-12 nœuds de vent, avec 2,50-3 mètres de houle, « donc ça tape un peu, et surtout ça va durer quelques jours ! »," Ce début de Pacifique, ça tranche radicalement avec ce qu’on a connu dans l’Indien ! Que ce soit en situation météo, force de vent, état de la mer, etc…. C’est pas pour ça que c’est beaucoup plus sympa ! On a une situation météo qui n’est pas souvent rencontrée à ce moment-là de la course, mais qui peut arriver dans le Sud quand même… Je sais que je reviendrai pas sur la majorité de mes petits copains devant qui ont pris la poudre d’escampette, donc il faut aussi que je fasse le deuil de ces choses-là, et puis voir comment la suite se passe à moyen terme, on va pas avancer très vite et pas sur la route directe, donc ça ne va pas nous aider à faire un bon temps jusqu’au Cap Horn pour le groupe qui me concerne ! "
Autant en emporte le vent et ses rêves de performance… Encore à en découdre dans l’Océan Indien, le skipper Jingkun Xu (Singchain Team Haikou) en a d’autres en tête, lui qui s’apprête bientôt à dépasser les 110 degrés de longitude Est, « la même longitude que mon sponsor, la ville de Haikou, et c’est très proche de ma ville natale ! ». Toujours gêné par ses douleurs à l’épaule, le marin chinois poursuit sa progression, tout en découvrant les caprices du vent local : " L’océan Indien est difficile, compliqué. Il y a beaucoup de vent et de vagues, c’est difficile de bouger à bord. Il y a de l’eau partout, des fois la météo dit qu’il y a 30 nœuds de vent, et en fait ce sont des rafales de 45 à 50 nœuds et le pire c’est plutôt ça. Avant-hier j’ai eu pendant longtemps du vent de Nord-Est, j’ai même cru que j’avais téléchargé de fausses météo tellement ce n’était pas ce qu’annonçaient les fichiers !" A quelle sauce sera-t-il croqué demain, alors que les bulletins prévoient « un gros challenge avec du mauvais temps » ? « Actuellement j’ai 40 nœuds de vent », nous dit-il simplement, comme si ce n’était qu’une petite brise familière… C’est qu’il est toujours aussi heureux d’être là, lui qui ne voit décidément pas les bientôt six semaines défiler : " Le temps passe très vite en mer, il y a plein de choses à faire : je fais deux contrôles de sécurité par jour, il faut étudier la météo, il y a plein de petites réparations et des fois je prends du temps pour discuter avec les oiseaux de mer ! Donc une journée est vite passée ! Je suis content que la nuit devienne très courte, des fois sans même s’en rendre compte, une journée est terminée. "Et la nôtre aussi, ou presque ! Car sur le Vendée Globe on le sait, d’accalmie il n’y en a quand même vraiment jamais... Autant en emporte le vent, et notre repos !
Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.