Vendée Globe : Noël loin de la maison, cap sur l’instant présent

Par Figaronautisme.com

Pour les 36 marins encore en lice, le chemin du retour reste long et semé d’embûches glacées. En cette journée de Noël, mieux vaut savourer l’instant présent… ou les présents improvisés à bord !

De sa voix de velours, avec une œillade pas si subtile vers la caméra, Elvis Presley se penchait sur sa guitare pour chanter « I'll have a blue Christmas without you / I'll be so blue just thinking about you ». Pour nos solitaires à l’assaut des océans, c’est littéralement leur menu du jour ce Noël « bleu » et forcément un peu teinté par la solitude, accompagné tout de même d’un risotto festif et d’une mignonnette de champagne !

Ont-ils vraiment pris le temps de déguster, les deux leaders désormais dans l’Atlantique, qui ont passé cette nuit les Malouines ? Déjà, les premières options se dessinent dans ce duel à couper au couteau à huîtres, tandis qu’ils ont laissé dans leur sillage les sommets meringués de neige de la Patagonie. Si Yoann Richomme (PAPREC-ARKÉA) a démultiplié son avance en poursuivant sa route le long de la zone des glaces, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance, 2e) a lui choisi de couper le plateau de fromage, en remontant plus franchement vers le Nord. Voilà le Havrais ainsi ralenti le premier par l’anticyclone qui se forme devant eux, mais il espère bien aussi être le premier à retoucher du vent frais quand celui-ci reviendra par l’Ouest…

« Il faut regarder ça un peu de loin »
Derrière, Sébastien Simon (Groupe Dubreuil, 3e) continue d’osciller vers le Cap Horn, qu’il devrait atteindre dans la journée. Un passage dans l’intimité la plus totale, alors que ses poursuivants sont à plus de 1000 milles dans son tableau arrière, autant dire que ce n’est pas eux qui viendront jouer les trouble-fêtes pour le réveillon du skipper vendéen.

C’est d’ailleurs avec un peu de fatalité que le constatait cette nuit le leader du petit paquet, Thomas Ruyant (VULNERABLE, 4e), qui évoquait la difficulté à revenir sur ses camarades de devant, même diminué par la perte d'un foil tribord : "Il y a quatre ans, j’avais cassé le foil bâbord, alors je sais bien que ce n’était pas le bon ! Seb il va être vachement mieux dans l’alizé de Sud-Est pour rejoindre l’Equateur, le Pot-au-Noir, donc je pense qu’il ne sera pas si pénalisé que ça ! Peut-être sur quelques bords en Atlantique Sud, mais les trois premiers ont quand même eu des conditions assez incroyables sur la deuxième partie du Pacifique, nous on est toujours en train de tirer des bords dans du vent pas très établi ! "
Dans quel état d’esprit le Nordiste attaque-t-il ce dernier tronçon, lui qui devrait passer le Cap Horn avec du vent fort mais une mer pas trop formée d’ici le 27 décembre ? " Il faut regarder ça un peu de loin, et puis relativiser un peu, c’est sûr que ça fait un moment que je vois le truc se faire, je suis quand même content d’avoir un bon groupe avec moi, ça régate fort, et je vais essayer de tenir ma place devant ce groupe, c’est tout l’enjeu et tout ce que j’ai envie de faire dans les semaines qui viennent ! S’il y a une opportunité, évidemment que je la saisirai, mais ce n’est pas moi qui fait la météo, et ça me paraît quand même compliqué ! "


« J’ai été bien KO »
Derrière, il n’y a pas vraiment le temps de se poser la question, notamment dans le rassemblement familial qui se joue juste après le point Nemo ! Cinq bateaux s’y tiennent en moins de 70 milles, de Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer, 7e) à Justine Mettraux (Teamwork – TEAM SNEF, 11e), qui a décidément très envie de rester à la fête ! On ne sait pas s’ils ont sorti les cotillons, mais ce qui est sûr c’est que ces cinq-là sont partis pour des célébrations qui risquent de s’éterniser…

A plus de 2000 kilomètres derrière – une poussière donc – Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family, 14e) a lui pu vérifier pleinement l’adage de bon sens qui dit « Noël au balcon, enrhumé comme un con ». Car le skipper islais a attrapé la crève, et il le raconte non sans humour : " J’ai dû passer trop de temps à aller chercher des cadeaux dans les commerces, j’ai dû croiser trop de monde, trop de pingouins et du coup, j’ai la crève ! J’ai été bien KO mais ça commence à aller mieux ! Le bateau et moi on va quand même plutôt bien, on fait toujours notre petit bonhomme de chemin et on essaie de prendre soin l’un de l’autre, et d’avancer le plus vite possible en direction du Cap Horn. "
Et ça paye, car le marin a sérieusement repris du terrain sur Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e) et Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e), qui n’avaient pourtant pas spécialement envie d’attendre en chemin le « branleur » de la dernière édition du Vendée Globe, comme l’avait affectueusement surnommé Jean Le Cam. Si le marin de Guyot Environnement – Water Family se réjouit de « se retrouver en groupe », il reste concentré sur la route vers le Cap Horn, qui s’annonce ventée.

" J’espère que la deuxième dépression qu’on devrait avoir va pas trop se creuser pour pouvoir passer le Cap Horn. Un des plus beaux cadeaux ce serait quand même de pouvoir passer pas très loin, et si possible de jour, mais on ne choisit pas toujours… mais ça peut être cool de passer tous les trois ! "

Nautisme Article
© Jingkun Xu #VG2024


« Faire quelque chose de différent »
Entre la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande, il y en a d’autres qui ont décidé que c’était quand même plus sympa de célébrer les festivités en étant bien accompagné. Il suffit de zoomer sur la cartographie pour voir surgir ce petit nid de bateaux à dérives, tous bien alignés comme s’ils venaient de quitter la Vendée ! Après plus de quarante jours de mer, voilà leur match bien relancé à la faveur d’une pétole qui a fait plus que redistribuer les cartes, elle a même renversé la table !

Seul dans son option très nordiste, le Kiwi Conrad Colman (MS Amlin, 28e) nous racontait son pari aussi osé que passionnant à suivre d'aller voir d'un peu plus près son pays natal : "Tout va bien, j'ai trouvé le vent que j'étais venu chercher, et même encore plus ! Je suis venu ici parce qu'il y avait un grand trou bleu de rien du tout dans le Sud et je me suis dit que si je faisais la même stratégie que les autres, alors je continuerais à faire la même chose, c'est-à-dire rester derrière eux ! J’ai vu une opportunité de faire quelque chose de différent. En tout cas, avec le routage que j'ai en ce moment, je suis soit à égalité avec eux, soit un peu en avance. J'espère donc vraiment que cela se produira ! "
Voilà donc à quoi aura ressemblé ce Noël 2024 pour les marins du Vendée Globe, et toutes les équipes qui, à terre, veillent sur eux et se réjouissent peut-être tout autant que lui de voir Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group, 36e) franchir le Cap Leeuwin dans la journée !

Mais comme souvent aux tables de fêtes, on pense aussi à ceux qui n’ont pas pu être là, à commencer par Maxime Sorel (V and B - Monbana – Mayenne), Louis Burton (Bureau Vallée), Szabolcs Weöres (New Europe), et surtout à Pip Hare (Medallia) qui, depuis près de dix jours maintenant, bataille sous gréement de fortune pour rejoindre Melbourne, alors que des vents puissants rendent plus difficile encore sa progression. A l’image de Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family) qui, dans son message nocturne, nous rappelait qu’on « ne dit jamais assez à nos proches qu’ils nous manquent », on a encore plus envie de le dire à notre Britannique préférée, qui n'aura pas démérité. Et Benjamin Dutreux ajoutait: « Et à tous ceux qui sont seuls, nous aussi on est avec eux ! Et tous ceux qui travaillent, ils vivent leur Vendée Globe aussi ! ». Pas mieux, c’est dit !

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.

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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.