A Landévennec, le sacré rencontre les légendes oubliées

Par Figaronautisme.com

Au fond de la rade de Brest, dans la ria de l’Aulne, l’anse de Penforn est un site remarquable connue de tous les amoureux de la rade et de la presqu’île de Crozon. Au cœur du Parc naturel régional d’Armorique, l’abbaye bénédictine Saint-Guénolé domine les navires déclassés de la Marine nationale, abandonnés dans le méandre en attendant de partir pour leur ultime voyage. Promenade dans ce lieu qui touche au sacré.

Landévennec : Landevenneg en breton, Lann signifiant « sanctuaire » et Tévennec étant une déformation de To-Winnoc ou Winwaloe, « Guénolé » en breton ancien. Ainsi, Landévennec est littéralement le « sanctuaire de Guénolé », célèbre saint breton du Ve siècle qui a laissé son nom à l’abbaye bénédictine qu’il a bâti sur les hauteurs du village et où il mourut vers 532. Cette abbaye, devenue dès le vivant du Saint le centre religieux de l’Ouest de la Bretagne, a fait la prospérité du petit village qui s’est développé autour.

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Les ruines de la première abbaye surplombent l'estuaire de l'Aulne © sous licence cc / Noj Han

Descendant des Côtes-d’Armor sur près de cent-cinquante kilomètres, l’Aulne effectue au pied de Landévennec une large boucle, contournant l’île de Térénez dans un dernier méandre appelé anse de Penforn, avant de rencontrer les eaux de la rade de Brest. De l’autre côté de l’oppidum que couronne l’abbaye, le petit village de Landévennec s’étend en bord de mer. Aujourd’hui plus petite commune de la presqu’île de Crozon, Landévennec n’en reste pas moins un village charmant au climat doux où il fait bon se promener été comme hiver. Construite les pieds dans l’eau et entourée de son cimetière marin, l’église paroissiale Notre-Dame se trouve au milieu du bourg, accessible en bateau, et où deux hôtels accueillent les visiteurs.

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Dans le bourg, l'église paroissiale Notre-Dame et son cimetière marin résistent aux assauts de la mer © sous licence cc / stibou5

En bord de mer à la sortie du village, le bois du Loc’h est aujourd’hui une réserve biologique qui témoigne des ancestrales forêts de feuillus qui bordaient historiquement la côte bretonne. De l’autre côté du plateau qui s’élève en pente douce à une centaine de mètres au-dessus du niveau de la mer, côté rivière, le moulin à marée de Moulin-Mer et la chapelle de Folgoat marquent le début de l’Anse de Penforn, non loin du nouveau pont suspendu de Térénez qui a remplacé en 2011 le pont reconstruit après la guerre et qui menaçait de s’effondrer.

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Depuis 2011, le nouveau pont de Térénez permet de relier la presqu'île de Crozon à Brest © sous licence cc / Lucas Patrick

Au sommet de l’oppidum qui sépare la rivière de la ria, la nouvelle abbaye Saint-Guénolé de Landévennec s’élève depuis la fin des années 1950 sur le bord du plateau. Elle accueille une communauté de moines bénédictins qui fait perdurer la tradition monastique pluriséculaire du site. Entre le village et ce lieu de prière, les ruines de l’ancienne abbaye, détruite à la Révolution, sont aujourd’hui ouvertes au public. Il est possible d’y voir les vestiges de l’abbatiale romane et des bâtiments de l’époque carolingienne ainsi que, plus modernes, des restes de l’abbaye du XVIIe siècle. Dans l’ancienne église abbatiale, une chapelle de l’abside abrite le tombeau de Saint-Guénolé, faisant aujourd’hui encore de l’abbaye un lieu de pèlerinage. A proximité des ruines, un musée a ouvert en 1990 afin de relater l’Histoire de l’abbaye.

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La nouvelle abbaye bénédictine a refait de Landévennec un lieu de retraite et de prière © sous licence cc / Lucas Patrick

Dans l’anse de Penforn, aux pieds de l’abbaye, se trouve un site unique en France : le cimetière des navires de Landévennec. Le dernier méandre de l’Aulne, abrité derrière le plateau et offrant des fonds de plus de dix mètres y compris à marée basse, a très vite été utilisé par la Marine alors que les tonnages des navires étaient de plus en plus importants. Ainsi, dès 1840, une station navale est créée à Landévennec dans le but d’accueillir les bateaux de la flotte de réserve, sous équipage réduit. Ce sont près de deux-cents marins qui vont participer à la vie du bourg pendant un siècle.

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Pendant un siècle, la station navale va rythmer la vie de Landévennec © sous licence cc / Claude Lacourarie

Après la guerre, le site va progressivement devenir un cimetière d’épaves où les navires désarmés de la Marine nationale vont être immobilisés en attendant d’être soit coulés comme cibles soit livrés aux chalumeaux des ferrailleurs. Des grands noms de la Marine du XXe siècle vont ainsi séjourner dans le méandre : le premier croiseur-école Jeanne d’Arc, les escorteurs d’escadre Duperré et La Galissonnière mais aussi le célèbre croiseur Colbert, chassé de Bordeaux où il avait été transformé en navire-musée. Tous ces navires ont fini par être dépecés et, alors que des dizaines de bateaux sont passés par le cimetière des navires de Landévennec, il n’en reste plus aujourd’hui que neuf : trois chasseurs de mines, deux patrouilleurs, l’aviso L.V. Lavallée, le patrouilleur austral Albatros, le bâtiment de transport léger Dumont d’Urville et la frégate anti-sous-marine Primauguet. Tous ces bateaux sont arrivés après leur désarmement qui est intervenu entre 2016 et 2021, alors que le cimetière avait été quasiment vidé auparavant. Leurs silhouettes sont parfaitement visibles depuis les bords de l’anse de Penforn et le belvédère du plateau. Ils ajoutent une part de mystère à ce lieu mystique, rouillant lentement après avoir porté le drapeau tricolore sur toutes les mers du globe.

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Le croiseur Colbert va rouiller de longues années à Landévennec en attendant d'être démantelé © sous licence cc / Richard Tanguy

Cependant, l’œil averti du promeneur ne peut déceler un dixième pensionnaire, pourtant bien présent dans le méandre depuis bientôt quatre-vingts ans. En 1942, l’occupant allemand déplace le vieux transport armé à voile du XIXe siècle, l’Armorique, du port de Brest, où il servait de ponton à l’Ecole des mousses depuis 1910 après une riche carrière entre la métropole et l’Extrême-Orient, à Landévennec pour y servir de navire-atelier. Lors de la débâcle de 1944, les allemands sabordent l’Armorique qui coule dans l’anse de la Penforn. Par la suite, le navire va sombrer dans l’oubli jusqu’en 2007, année où les plongeurs de l’expédition Scyllias découvrent l’épave gisant par vingt-deux mètres de fond, légèrement inclinée sur tribord. Attention cependant, les courants et la visibilité réduite de l’Aulne maritime rendent l’Armorique très difficile d’accès aux plongeurs amateurs.

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La brume donne aux navires abandonnés des allures de vaisseaux fantômes © sous licence cc / Erwan L'Her

Perdu au fond de la rade de Brest, entre la mer et la rivière, Landévennec est un lieu à découvrir à l’écart des sentiers battus. Là où la nature côtoie le sacré, les navires abandonnés de la Marine nationale ajoutent au mysticisme du lieu. Par son climat doux, Landévennec se découvre aussi bien en hiver quand les coques grises disparaissent à moitié dans la brume, qu’en été pour profiter de la plage et du calme des eaux de la rade de Brest. Avant de vous y rendre, n'oubliez pas de consulter la météo sur Météo Consult.

Idée lecture : Patrick David, L'Armorique : Le fantôme de Landévennec, Editions du bout du monde, 2008, 44 p.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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