
Une réglementation qui s’impose à tous
Depuis la convention MARPOL (1973), renforcée par le droit européen et français, la mer n’est plus une zone de décharge tolérée. En France, tout navire, plaisancier, pêche ou commerce, doit gérer ses déchets et effluents de manière responsable. Les ports de plaisance ont donc l’obligation d’offrir des installations adaptées : conteneurs pour les déchets solides, bacs pour les huiles usagées, bornes de collecte pour piles et batteries, et de plus en plus souvent, stations de pompage pour les eaux noires.
Le plaisancier, de son côté, doit trier, stocker et déposer ses déchets à terre. Abandonner un sac ou vider un réservoir dans un bassin portuaire est assimilé à un rejet illégal, puni par le Code de l’environnement. Les amendes peuvent atteindre plusieurs centaines d’euros, sans compter les conséquences sur la réputation du port, souvent engagé dans une démarche écologique.
Eaux grises : la zone grise de la réglementation
Moins encadrées que les eaux noires, les eaux grises, issues de la vaisselle, de la douche ou du lavage du pont, représentent pourtant une pollution importante. Détergents, graisses, microplastiques : elles contribuent à dégrader la qualité des eaux côtières. En France, la loi n’interdit pas encore formellement leur rejet, mais la tendance va clairement vers la limitation.
Dans certaines zones sensibles comme les parcs naturels marins, le rejet est déjà proscrit. De nombreux ports expérimentent aussi des bornes spécifiques ou encouragent l’installation de systèmes de filtration à bord. Les chantiers navals commencent à proposer des solutions intégrées, signe que la réglementation va probablement se durcir. L’objectif affiché par les autorités est d’arriver, à terme, à un traitement complet de tous les effluents produits à bord, quelle que soit leur nature.

Eaux noires : interdiction ferme à proximité des côtes
Sur ce point, la loi ne laisse aucune ambiguïté. Les rejets d’eaux usées provenant des toilettes à bord sont strictement interdits dans les ports, les rades et jusqu’à 12 milles nautiques des côtes, sauf si le navire dispose d’un système de traitement agréé. La France applique ici les conventions internationales les plus strictes.
Certains ports, notamment en Méditerranée et sur la côte atlantique, imposent désormais un contrôle à l’entrée : les bateaux non équipés d’un réservoir ou d’un dispositif de traitement sont tenus d’utiliser les stations de pompage portuaires. Ces stations se multiplient, souvent intégrées aux démarches "Ports Propres" ou "Clean Marina". Cette évolution marque un tournant : la gestion des eaux noires devient une norme, non plus une option.
Des ports sous pression écologique
La certification environnementale est devenue un argument d’attractivité pour les ports. Le label Ports Propres, géré par l’Association française des ports de plaisance, impose des critères stricts : suivi des rejets, prévention des pollutions accidentelles, gestion des déchets dangereux et contrôle de la qualité des eaux. Plus de 150 ports en France métropolitaine et outre-mer s’y conforment aujourd’hui.
Ces démarches s’inscrivent dans une politique plus large : celle du "zéro rejet", encouragée par les Régions, les DDTM et les parcs naturels marins. Certains territoires, comme la Bretagne ou la Corse, subventionnent la modernisation des équipements pour permettre une collecte efficace des eaux usées.
Vers une plaisance plus vertueuse
L’époque où l’on rinçait sa vaisselle à l’arrière sans y penser est révolue. Aujourd’hui, les plaisanciers intègrent peu à peu cette dimension environnementale dans leur manière de naviguer. Les innovations techniques (réservoirs compacts, filtres biologiques, stations de traitement embarquées) facilitent cette transition.
Au-delà de la contrainte légale, la question devient culturelle : la mer n’est plus seulement un terrain de liberté, mais un espace fragile à protéger. À mesure que la réglementation se renforce, la filière nautique entière, des constructeurs aux gestionnaires de ports, avance vers un même cap : réduire au maximum l’empreinte écologique de chaque escale, pour que les eaux portuaires et côtières demeurent des lieux de vie, pas de rejet.