
Vue de l’espace, l’image est spectaculaire et inquiétante à la fois : un ruban brun, presque continu, s’étire désormais sur 8 850 kilomètres, de l’Afrique de l’Ouest jusqu’au golfe du Mexique. Ce gigantesque amas flottant de sargasses, autrefois cantonné à la mer des Sargasses, est devenu la « Grande Ceinture de Sargasses de l’Atlantique », une formation qui n’existait pas il y a encore quinze ans. Selon une étude relayée par Futura Sciences, ce phénomène est aujourd’hui sans équivalent dans le monde.

Les chercheurs expliquent que l’explosion des sargasses est directement liée à l’apport massif de nutriments dans l’océan. Les fleuves comme l’Amazone charrient chaque année d’énormes quantités de phosphore et d’azote issus de l’agriculture, des engrais chimiques ou encore des eaux usées non traitées. Ces nutriments transforment l’Atlantique tropical en véritable bouillon de culture pour les algues, dont la biomasse peut doubler en moins de deux semaines dans de telles conditions. Portées par les courants marins, elles se déplacent ensuite sur des milliers de kilomètres.
Un rôle écologique... mais des conséquences désastreuses
Dans leur habitat naturel, les radeaux de sargasses jouent un rôle crucial : ils abritent plus d’une centaine d’espèces marines, servent de nurserie pour certains poissons et participent à l’équilibre des écosystèmes. Mais lorsque leur prolifération échappe à tout contrôle, l’impact devient dramatique. En s’échouant massivement sur les côtes, les algues se décomposent et libèrent du sulfure d’hydrogène, un gaz toxique responsable de maux de tête, d’irritations et de troubles respiratoires. Elles étouffent également les récifs coralliens, privent la faune marine d’oxygène et transforment les plages en pièges nauséabonds.
Pour les économies locales, le désastre est bien réel : le tourisme pâtit de ces échouages massifs et la pêche se voit perturbée par des filets obstrués ou des zones entières devenues inexploitables. À cela s’ajoutent les émissions de méthane issues de leur décomposition, qui contribuent elles-mêmes au réchauffement climatique.
Une urgence scientifique et environnementale
Face à ce phénomène devenu global, les chercheurs insistent sur la nécessité d’une coopération internationale. La réduction des apports de nutriments, la mise en place de systèmes de surveillance satellitaire et l’étude des dynamiques océaniques apparaissent comme des priorités. Sans action coordonnée, le ruban brun pourrait s’installer durablement et annoncer une transformation profonde des océans atlantiques, déjà fragilisés par le réchauffement climatique et l’acidification des eaux.
La « Grande Ceinture de Sargasses » n’est donc pas qu’une curiosité visible depuis l’espace : c’est un signal d’alerte fort sur l’état des mers, qui pourrait bien bouleverser les équilibres marins et les sociétés humaines qui en dépendent.