
Et pourtant, tout n’est pas perdu. En apprenant à choisir différemment, il est encore possible de manger du poisson sans aggraver la pression sur les océans.
Comprendre ce qu’est un poisson « durable »
La durabilité ne dépend pas que de l’espèce : elle repose sur un ensemble de critères écologiques et économiques. Les poissons à cycle de vie court et à reproduction rapide, comme la sardine, l’anchois ou le maquereau, supportent mieux la pression de pêche que les grands prédateurs tels que le thon rouge ou l’espadon. Le mode de capture est tout aussi déterminant : le chalutage de fond détruit les habitats marins, tandis que les techniques sélectives, comme la ligne ou le casier, limitent les dommages. Enfin, les labels de certification offrent des repères utiles. Le label MSC (Marine Stewardship Council) garantit une pêche sauvage respectueuse des écosystèmes, et le label ASC (Aquaculture Stewardship Council) encadre les élevages responsables.
Mais attention : aucun label n’est infaillible. Un poisson labellisé ne signifie pas forcément qu’il provient d’une zone bien gérée. La vigilance reste essentielle.
Ces espèces que l'on peut consommer sans mauvaise conscience
Certains poissons résistent mieux à la pêche intensive, notamment ceux dont les populations se régénèrent vite. Les maquereaux, sardines, anchois, harengs ou chinchards en font partie, à condition d’être pêchés dans des zones surveillées. Ce sont des espèces dites "bleues", souvent riches en oméga-3 et trop peu valorisées sur les étals. Le lieu noir, le merlu et le pollock d’Alaska sont également considérés comme des choix raisonnables lorsqu’ils proviennent de pêcheries certifiées. En France, on peut aussi redécouvrir des poissons moins prisés mais délicieux, comme la vieille, le tacaud ou le grondin, souvent issus de pêches artisanales locales. À l’inverse, certaines espèces restent à éviter : le thon rouge, l’espadon, les requins ou certaines raies mettent plusieurs années à atteindre leur maturité, ce qui rend leur renouvellement bien plus fragile.

L’aquaculture, un équilibre en mutation
Souvent critiquée pour son impact environnemental, l’aquaculture évolue. Les fermes marines qui respectent les cycles naturels, utilisent des aliments d’origine végétale et contrôlent leurs rejets peuvent constituer une alternative viable. Des espèces comme la truite, la daurade ou le bar d’élevage issus de filières certifiées ASC offrent désormais une qualité constante tout en limitant la pression sur les populations sauvages. Les progrès sont encore inégaux selon les pays, mais la filière s’oriente peu à peu vers des modèles plus vertueux, notamment grâce à la demande croissante des consommateurs informés.
Le pouvoir du consommateur
En matière de pêche durable, le changement commence souvent dans nos habitudes d’achat. Diversifier les espèces, éviter de consommer toujours les mêmes poissons et privilégier les produits de saison permet d’équilibrer la demande. Acheter du poisson local ou issu de circuits courts soutient aussi les pêcheurs côtiers, souvent plus attentifs à la ressource. Sur les étiquettes, plusieurs informations méritent l’attention :
o la zone de capture (numéro FAO),
o la méthode de pêche,
o et l’éventuelle certification environnementale.
Les outils comme les guides WWF, Seafood Watch ou FishForward aident à faire le tri entre les espèces à privilégier, à consommer occasionnellement ou à éviter. Même avec des labels et de bonnes intentions, la réalité reste mouvante. Certaines données sur les stocks ne sont pas toujours actualisées, l’aquaculture n’est pas uniforme, et la traçabilité reste parfois floue sur les produits transformés. Mais chaque geste compte. Mieux consommer, c’est réduire la demande sur les espèces menacées, encourager les pêcheurs responsables et préserver la biodiversité marine.
Manger du poisson n’est pas incompatible avec la protection des océans, à condition de le faire en connaissance de cause. Choisir des espèces robustes, vérifier leur origine, varier son assiette et privilégier les filières locales ou certifiées : ces gestes simples permettent de savourer la mer sans l’épuiser.
Et si, au fond, la durabilité commençait par une redécouverte du goût ? Celui des poissons modestes, des saisons, et d’une consommation plus juste, où chaque bouchée garde le goût de l’océan, mais pas celui de la culpabilité.