Traditour 2025 : une régate spectaculaire qui fait vibrer la Guadeloupe et préserve les bateaux traditionnels

Après une régate entre l’île de la Dominique et Sainte-Anne en Guadeloupe (cf. article précédent), le Traditour vient de se terminer. Non seulement, il a été un moment fort pour les participants, mais aussi pour le public, nombreux à chaque étape, qui sont venus pour voir le spectacle et encourager les équipages. Pour en savoir plus, nous avons interviewer les gagnants : Route du Rhum destination Guadeloupe (patron Jonas Astorga) et l’équipage féminin Ti Bijou Eurogold (patron Malika Roux) ainsi que Carl Chipotel (président de ANASA).
10 questions à Jonas Astorga (Route du Rhum destination Guadeloupe)
Nombre d’équipiers à bord ? En fonction des étapes et de l’allure, nous étions 6 ou 7 à bord. C’est une question d’équilibre de poids et de rappel aux allures de près.
L’équipe comportait combien d’équipiers ? Nous étions au total 10 équipiers, nous avons fait en sorte que tous fassent au moins une étape.
Quel entrainement ? On s’entraine au minimum tous les week-ends et souvent plusieurs fois par semaine suivant les disponibilités des équipiers.
Votre bateau a été construit par quel chantier ? Alain Foy aux Saintes comme 22 bateaux de la régate sur 39.
Une régate a été annulée, le regrettez-vous ? Nous nous étions entrainées pour cette régate et avions choisi un équipage adapté. Bien sûr, on regrette l’annulation mais on comprend l’organisation qui a voulu avant tout jouer la sécurité.
Pour la première fois vous partiez de Dominique, un plus ? Oui c’était une occasion d’aller au-delà de nos îles et cette étape a été très bien avec un accueil et une ambiance que nous n’oublierons pas.
Qui est le propriétaire du bateau ? Je suis le propriétaire du bateau. Nous faisons partie du Yacht Club de Saint-François. Nous avions un deuxième bateau dans la régate le Yasala.
Que pensez-vous de l’organisation ? Ce n’est pas évident d’organiser un tel événement. Pour moi et mon équipe, on estime que tout a été fait dans les règles avec beaucoup de professionnalisme.
Avez-vous des difficultés à trouver des équipiers ? En théorie non, beaucoup sont intéressés pour naviguer, mais les contraintes de temps de travail ne sont pas toujours évidentes à gérer.
L’après régate : s’entrainer et préparer les prochaines régates.
L’avenir des bateaux traditionnels ? Malheureusement, il ne reste que deux chantiers et ces derniers ont peu de commandes. Je vous conseille de les rencontrer. C’est ce que nous avons fait. Dans un prochain article, on en reparlera.
10 questions à Malika Silla dit Roux (Ti Bijou Eurogold)
Nombre d’équipiers à bord ? Nous étions 6 ou 7 suivant les étapes. Au total nous étions 12 équipiers avec changement aux étapes.
L’entrainement ? Nous faisons en sorte de nous entrainer tous les dimanches à partir de septembre.
Etes-vous toutes présentes pour l’entrainement ? Nous sommes un noyau dur de 5 à 6 qui venons régulièrement.
Vous recrutez des équipières ? Il y a de la demande mais ce n’est pas toujours évident.
Quel est le principal handicap pour le recrutement ? Le travail et les enfants en bas-âges posent souvent problème, non seulement pour le recrutement, mais aussi pour l’entraînement.
Vous recrutez dans tous les milieux ? Nous recherchons des personnes motivées et sportives. Mais, il faut reconnaître que beaucoup ont une profession libérale.
L’avenir des bateaux traditionnels ? Pour nous, ils ont un bel avenir. Les guadeloupéens sont de plus en plus intéressés non seulement comme spectateurs mais aussi comme pratiquants.
La formation des jeunes ? ANASA a mis en place une école de voile pour les jeunes sur des saintoises spécifiques (bébé saintoise).
Où en est le niveau ? Il est clair que le niveau est de plus en plus haut. Beaucoup d’équipiers viennent de la voile légère et connaissent bien la technique.
Vous avez gagné une étape importante qu’en retirez-vous ? Cette étape nous a permis de montrer qu’un équipage féminin est tout aussi performant qu’un masculin. Point qui n’est pas toujours évident.
Carl Chipotel Président de ANASA (Association Aventure Nautique de Sainte-Anne)
Lorsque nous avons interviewé Carl Chipotel, il nous a rappelé l’origine bretonne des bateaux saintois (voir article) et leurs vocations destinées à la pêche, il a aussi évoqué les premières régates. Dans les années 50, il y avait quelques bateaux, gréés en voiliers, avec à leur bord des marins expérimentés et des amis qui venaient pour apprendre. Ils se réussissaient pour régater le dimanche. En 2002, le Traditour qui s’appelait à cette époque TGVT (Tour de Guadeloupe à la voile Traditionnelle), est organisé avec 7 participants. En 2018, l’association des canots saintois nous confie l’organisation de cette régate qui devient le Traditour. Après des années difficiles (crises sanitaires), en 2021, la régate se résume à seulement deux longues étapes ensuite, en 2022, elle prend son élan avec un tour des Iles de Guadeloupe en 5 étapes avec un départ et une arrivée à Capesterre-Belle-Eau en passant par Saint-François, Baie-Mahault, Deshaies, Goubeyre, .... A partir de cette date, le Traditour devient un événement nautique avec en 2025, 39 canots sur la ligne de départ, en comptant en moyenne, avec les remplaçants, 12 équipiers par canots donc plus de 600 personnes en comptant les encadrants.
Le Traditour une grande fête populaire
A chaque étape de nombreux spectateurs sont là pour admirer le spectacle des bateaux et pour participer à une grande fête populaire. Les organisateurs ont fait en sorte que l’arrivée se fasse au niveau des plages pour permettre de bien voir les bateaux et encourager les équipages. Une fois arrivée, les canots sont tirés à terre ce qui permet non seulement de bien les voir mais aussi de dialoguer avec les équipages. Mais qui sont ces spectateurs ? nous avons pu les côtoyer mais aussi discuter avec eux et là les motivations sont différentes. Pour les plus anciens cela leur rappelle le temps où les saintoises étaient destinées à la pêche. Pour les autres, c’est le spectacle des bateaux, c’est pouvoir discuter avec les participants qui sont des personnes du pays et que beaucoup connaissent et pour les plus motivés c’est l’espoir d’être retenu pour naviguer. Dans tout cela, il ne faut pas oublier la fête, à chaque étape, de nombreux stands de produits régionaux, de la musique, de la restauration, des concerts, etc...
L’avenir des bateaux traditionnels
Lorsque l’on voit le succès de cette édition, on ne devrait pas avoir d’inquiétude pour l’avenir des bateaux traditionnels et ce d’autant plus que les participants lorsqu’on leur demande leur avis ne pensent qu’à reprendre l’entrainement pour la prochaine édition du Traditour. Sur le fond, c’est plus complexe et pour avoir des avis plus larges nous avons étendu notre reportage en allant visiter le chantier Alain Foy aux Saintes et discuter avec des pêcheurs de Deshaies. Notre prochain article sera consacré aux bateaux traditionnels et à leur avenir.
Le Traditour n’est pas qu’une régate : c’est un rendez-vous vivant entre la tradition, le sport et le public, où chaque étape réunit marins et spectateurs dans une ambiance de fête. Si l’enthousiasme est bien réel, l’avenir des bateaux traditionnels dépendra de la capacité à transmettre cet héritage aux nouvelles générations. Rendez-vous dans notre prochain article pour comprendre comment les chantiers et les pêcheurs se battent pour préserver ce patrimoine unique.