Charlie Dalin : le vainqueur du Vendée Globe révèle avoir triomphé de la course… tout en luttant contre un cancer

Par Le Figaro Nautisme

Dans deux entretiens accordés à L’Équipe et à l'AFP, et avant la parution de son livre La Force du destin (Gallimard), Charlie Dalin a révélé avoir remporté le Vendée Globe 2024-2025 alors qu’il était atteint d’un cancer. Derrière son sourire à l’arrivée aux Sables-d’Olonne se cachait une tumeur rare, un combat silencieux et une leçon de courage qui dépasse le cadre du sport.

Le sourire de la victoire... et le secret derrière

Quand, en janvier 2025, Charlie Dalin remonte le chenal des Sables-d’Olonne sous les applaudissements, tout sourire mais visiblement amaigri, personne n’imagine que le navigateur vient d’accomplir l’impossible. Le Havrais, 39 ans, vient de boucler le tour du monde le plus rapide de l’histoire du Vendée Globe, 64 jours, 19 heures, 22 minutes et 49 secondes, avec un "intrus à bord" : une tumeur stromale gastro-intestinale de 15 centimètres.
Ce n’est que plusieurs mois plus tard, à l’occasion de la sortie de son livre La Force du destin (Gallimard), qu’il raconte l’envers du décor dans un long entretien à L’Équipe et à l’AFP. Un récit à la fois bouleversant et inspirant.

L’annonce de la maladie : "J’ai eu l’impression de me prendre un bus"

Automne 2023. À l’époque, Dalin se prépare à prendre le départ de la Transat Jacques-Vabre. Il fait partie des grands favoris. Mais depuis plusieurs semaines, il ressent de violentes douleurs abdominales.
« Cela prenait plus de temps que prévu, je trouvais ça bizarre. J’étais encore en train de préparer la course, je faisais mes routages météo sur mon ordinateur dans la salle d’attente de l’hôpital », raconte-t-il à l’AFP.
Les examens révèlent une tumeur stromale gastro-intestinale (GIST). Le verdict tombe comme un coup de massue. « J’ai eu l’impression de me prendre un bus », confie-t-il, ému. « Je ne pensais plus au sport. Je pensais à ma famille, à mon fils, à ma femme. Je me demandais si j’allais vivre, si j’allais voir mes 40 ans. »
Il renonce à la Transat, consulte à l’Institut Gustave-Roussy à Paris, et entame un traitement d’immunothérapie. Le professeur qui le suit l’encourage : « J’ai des sportifs de haut niveau sous ce traitement, ils continuent à performer. Pour le Vendée, ça peut le faire. » Cette phrase rallume une flamme. Dalin décide de se battre, et de naviguer.

Reprendre le large : "Pouvoir m’élancer, c’était déjà une victoire"

Soutenu par ses proches, il reprend la préparation pour le Vendée Globe. Son objectif est clair : revenir plus fort, malgré la fatigue et le doute. Sur The Transat en avril 2024, il remporte la course avec 17 heures d’avance sur ses concurrents - preuve qu’il reste au sommet malgré le traitement.
Le 10 novembre 2024, il quitte le ponton des Sables pour son deuxième tour du monde. Quelques jours avant le départ, un scanner montre que la tumeur n’a pas évolué. « Les conditions météo, les options ratées, tout cela paraissait dérisoire à côté de ma santé. » Avant de s’élancer, il partage un moment fort avec son fils Oscar et sa femme Perrine : « Pouvoir partir, c’était déjà une victoire. »

Une fois au large, la magie opère. « Naviguer me rendait vivant », dira-t-il plus tard. Il adapte son rythme : six heures et demie de sommeil par jour, une alimentation repensée, un bateau organisé pour minimiser les gestes et optimiser la récupération.
« Dès que je pouvais, je me jetais dans la bannette. Tout était pensé pour récupérer au maximum », explique-t-il.
Dans les mers du Sud, il affronte une tempête monstrueuse dans l’océan Indien. Tandis que la plupart des concurrents la contournent, Dalin choisit de la traverser de face. Un choix risqué mais payant : il conserve la tête. « C’était une décision compliquée, mais la maladie n’a pas influencé mes choix. J’avais déjà démystifié ces mers-là. »
Son seul rival encore proche : Yoann Richomme, son ami de toujours. À bord, Dalin continue à prendre ses comprimés, à gérer la douleur, à oublier la peur. « J’ai eu mal au ventre plusieurs fois. Je me disais juste : tu n’as pas le temps pour ça. »

L’arrivée triomphale et le silence

Le 14 janvier 2025, il franchit la ligne d’arrivée en pulvérisant le record du Vendée Globe. Sur le podium, il hésite à parler de sa maladie : « J’avais envie de savourer tout simplement. Je pense que ça aurait cannibalisé le moment. Et puis... je n’étais peut-être pas prêt. »
Ce soir-là, il savoure sans rien dire. Mais déjà, la douleur revient.
Quelques semaines plus tard, les examens révèlent que la tumeur a progressé. Il subit une opération en février. « Je suis passé de l’apogée de ma carrière sportive à un moment très douloureux. Je venais de faire un tour du monde et, un mois plus tard, mon objectif était de réussir à faire le tour du service. »

Une double victoire : sur la mer et sur la vie

Dans son entretien à L’Équipe, il explique qu’aujourd’hui, "refaire un Vendée n’est plus possible", compte tenu de l’état actuel de la recherche et du traitement. Mais il ne ferme pas la porte à d’autres formats. « Peut-être la Route du Rhum, ou une transat en double, selon ma forme. »
L’équipe Macif Santé Prévoyance s’est réorganisée autour de Sam Goodchild et Loïs Berrehar, tandis que Dalin reste à terre, impliqué dans la stratégie. Le marin préfère regarder vers l’avenir, sans pathos, mais avec une lucidité apaisée.

Près d’un an après son exploit, Charlie Dalin lutte toujours contre la maladie. Il continue son traitement, tout en témoignant d’une force rare. « Aujourd’hui, je vois ça comme une double victoire : sur la course et sur tout ce qui m’est arrivé », confie-t-il.
Son histoire bouleverse le monde du sport. Elle dépasse les chiffres, les records et les classements. Elle parle de courage, d’endurance et d’humanité.
Dalin a prouvé que la mer ne pardonne rien, mais qu’elle peut parfois sauver. Et que, même face à la maladie, un marin ne lâche jamais la barre.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.