Charlie Dalin : le vainqueur du Vendée Globe révèle avoir triomphé de la course… tout en luttant contre un cancer

Le sourire de la victoire... et le secret derrière
Quand, en janvier 2025, Charlie Dalin remonte le chenal des Sables-d’Olonne sous les applaudissements, tout sourire mais visiblement amaigri, personne n’imagine que le navigateur vient d’accomplir l’impossible. Le Havrais, 39 ans, vient de boucler le tour du monde le plus rapide de l’histoire du Vendée Globe, 64 jours, 19 heures, 22 minutes et 49 secondes, avec un "intrus à bord" : une tumeur stromale gastro-intestinale de 15 centimètres.
Ce n’est que plusieurs mois plus tard, à l’occasion de la sortie de son livre La Force du destin (Gallimard), qu’il raconte l’envers du décor dans un long entretien à L’Équipe et à l’AFP. Un récit à la fois bouleversant et inspirant.
L’annonce de la maladie : "J’ai eu l’impression de me prendre un bus"
Automne 2023. À l’époque, Dalin se prépare à prendre le départ de la Transat Jacques-Vabre. Il fait partie des grands favoris. Mais depuis plusieurs semaines, il ressent de violentes douleurs abdominales.
« Cela prenait plus de temps que prévu, je trouvais ça bizarre. J’étais encore en train de préparer la course, je faisais mes routages météo sur mon ordinateur dans la salle d’attente de l’hôpital », raconte-t-il à l’AFP.
Les examens révèlent une tumeur stromale gastro-intestinale (GIST). Le verdict tombe comme un coup de massue. « J’ai eu l’impression de me prendre un bus », confie-t-il, ému. « Je ne pensais plus au sport. Je pensais à ma famille, à mon fils, à ma femme. Je me demandais si j’allais vivre, si j’allais voir mes 40 ans. »
Il renonce à la Transat, consulte à l’Institut Gustave-Roussy à Paris, et entame un traitement d’immunothérapie. Le professeur qui le suit l’encourage : « J’ai des sportifs de haut niveau sous ce traitement, ils continuent à performer. Pour le Vendée, ça peut le faire. » Cette phrase rallume une flamme. Dalin décide de se battre, et de naviguer.
Reprendre le large : "Pouvoir m’élancer, c’était déjà une victoire"
Soutenu par ses proches, il reprend la préparation pour le Vendée Globe. Son objectif est clair : revenir plus fort, malgré la fatigue et le doute. Sur The Transat en avril 2024, il remporte la course avec 17 heures d’avance sur ses concurrents - preuve qu’il reste au sommet malgré le traitement.
Le 10 novembre 2024, il quitte le ponton des Sables pour son deuxième tour du monde. Quelques jours avant le départ, un scanner montre que la tumeur n’a pas évolué. « Les conditions météo, les options ratées, tout cela paraissait dérisoire à côté de ma santé. » Avant de s’élancer, il partage un moment fort avec son fils Oscar et sa femme Perrine : « Pouvoir partir, c’était déjà une victoire. »
Une fois au large, la magie opère. « Naviguer me rendait vivant », dira-t-il plus tard. Il adapte son rythme : six heures et demie de sommeil par jour, une alimentation repensée, un bateau organisé pour minimiser les gestes et optimiser la récupération.
« Dès que je pouvais, je me jetais dans la bannette. Tout était pensé pour récupérer au maximum », explique-t-il.
Dans les mers du Sud, il affronte une tempête monstrueuse dans l’océan Indien. Tandis que la plupart des concurrents la contournent, Dalin choisit de la traverser de face. Un choix risqué mais payant : il conserve la tête. « C’était une décision compliquée, mais la maladie n’a pas influencé mes choix. J’avais déjà démystifié ces mers-là. »
Son seul rival encore proche : Yoann Richomme, son ami de toujours. À bord, Dalin continue à prendre ses comprimés, à gérer la douleur, à oublier la peur. « J’ai eu mal au ventre plusieurs fois. Je me disais juste : tu n’as pas le temps pour ça. »
L’arrivée triomphale et le silence
Le 14 janvier 2025, il franchit la ligne d’arrivée en pulvérisant le record du Vendée Globe. Sur le podium, il hésite à parler de sa maladie : « J’avais envie de savourer tout simplement. Je pense que ça aurait cannibalisé le moment. Et puis... je n’étais peut-être pas prêt. »
Ce soir-là, il savoure sans rien dire. Mais déjà, la douleur revient.
Quelques semaines plus tard, les examens révèlent que la tumeur a progressé. Il subit une opération en février. « Je suis passé de l’apogée de ma carrière sportive à un moment très douloureux. Je venais de faire un tour du monde et, un mois plus tard, mon objectif était de réussir à faire le tour du service. »
Une double victoire : sur la mer et sur la vie
Dans son entretien à L’Équipe, il explique qu’aujourd’hui, "refaire un Vendée n’est plus possible", compte tenu de l’état actuel de la recherche et du traitement. Mais il ne ferme pas la porte à d’autres formats. « Peut-être la Route du Rhum, ou une transat en double, selon ma forme. »
L’équipe Macif Santé Prévoyance s’est réorganisée autour de Sam Goodchild et Loïs Berrehar, tandis que Dalin reste à terre, impliqué dans la stratégie. Le marin préfère regarder vers l’avenir, sans pathos, mais avec une lucidité apaisée.
Près d’un an après son exploit, Charlie Dalin lutte toujours contre la maladie. Il continue son traitement, tout en témoignant d’une force rare. « Aujourd’hui, je vois ça comme une double victoire : sur la course et sur tout ce qui m’est arrivé », confie-t-il.
Son histoire bouleverse le monde du sport. Elle dépasse les chiffres, les records et les classements. Elle parle de courage, d’endurance et d’humanité.
Dalin a prouvé que la mer ne pardonne rien, mais qu’elle peut parfois sauver. Et que, même face à la maladie, un marin ne lâche jamais la barre.