
Des criques sous surveillance
En quelques saisons, la carte des mouillages libres en Méditerranée s’est considérablement réduite. En Corse comme en Sardaigne, la pression touristique et les dégâts causés aux herbiers de posidonie ont poussé les autorités à agir. Ces prairies sous-marines, véritables filtres naturels, sont désormais strictement protégées par plusieurs arrêtés préfectoraux, dont le n° 123/2019 et le n° 095/2021, qui interdisent tout mouillage risquant de les dégrader. Résultat : certaines criques, autrefois emblématiques, sont devenues interdites à l’ancre.
En Corse, des zones de plus en plus fermées
Dans le Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate, la règle ne laisse aucune place au doute : aucune ancre sur la posidonie. L’arrêté-cadre maritime de 2019 en fixe le principe, et les supports officiels du parc rappellent aux navigateurs la carte précise des herbiers, accompagnée d’une consigne limpide : mouiller uniquement là où le fond est exempt de végétation. Cette réglementation, visible sur le site du parc, fait désormais partie intégrante des briefings de nombreux loueurs et capitaineries.

Plus au sud, la réglementation se durcit encore. L’arrêté préfectoral n° 206/2020 limite déjà le mouillage des navires de 24 mètres et plus dans les Bouches de Bonifacio, un secteur classé à la fois pour sa biodiversité et la fragilité de ses fonds. Deux ans plus tard, l’arrêté n° 251/2023 élargit le dispositif à l’ensemble du littoral sud de la Corse, dit zone 25, en interdisant le mouillage libre des unités de 45 mètres et plus dans les eaux intérieures et territoriales. Concrètement, plusieurs baies réputées entre Roccapina et Porto-Vecchio ne sont plus accessibles à ces grands yachts, qui doivent désormais recourir à des zones de mouillage organisées.
Côté Scandola, joyau naturel inscrit au patrimoine mondial, la règle est encore plus stricte. Les zones de réserve intégrale y sont totalement fermées à la navigation et au mouillage. Les documents officiels et panneaux d’information rappellent ces interdictions, clairement matérialisées sur l’eau par des bouées et balises, tandis qu’une révision du plan de gestion est en cours pour actualiser l’ensemble du dispositif.
Enfin, la préfecture maritime publie régulièrement des arrêtés temporaires pouvant interdire, pour des raisons de sécurité ou de protection environnementale, la navigation, le mouillage, la baignade ou la plongée sur certains périmètres. Ces fermetures ciblées, parfois liées à des travaux ou à la présence d’espèces protégées, évoluent au fil des saisons et sont consultables en ligne avant chaque départ.

En Sardaigne, La Maddalena montre l’exemple
De l’autre côté des Bouches de Bonifacio, l’archipel de La Maddalena fait figure de modèle de protection. Le parc national a instauré une zonation stricte : dans les zones Ma, dites de « protection intégrale », la navigation, le mouillage et même le simple passage sont interdits. C’est notamment le cas de Cala di Roto, sur l’île de Budelli, et de l’îlot de Spargiottello, tous deux fermés à tout accès par mer.
Dans les zones Mb, moins strictes, les plaisanciers peuvent jeter l’ancre uniquement de jour et sur des fonds sablonneux, après avoir obtenu un permis délivré par l’administration du parc. Le non-respect de cette règle expose à une amende de plusieurs centaines d’euros. Une réglementation nocturne, interdisant le mouillage entre 21 h et 8 h, a même été instaurée par le parc avant d’être partiellement suspendue par la justice en 2025, preuve des tensions entre protection environnementale et liberté de naviguer.

Contrôles, sanctions et pédagogie
En Corse comme en Sardaigne, les contrôles sont désormais constants. Les gardes-côtes, les agents des parcs marins et les préfectures maritimes multiplient les patrouilles, tandis que des bouées jaunes marquent les zones interdites. En cas d’infraction, l’amende peut grimper rapidement, et certains capitaines ont déjà été poursuivis pour préjudice écologique après avoir jeté l’ancre dans une zone protégée.
Au-delà des sanctions, l’objectif est surtout de responsabiliser les navigateurs. Les parcs naturels et les marinas diffusent chaque été des cartes actualisées des zones interdites, disponibles aussi sur les applications nautiques. Dans certaines zones corses, la durée maximale de mouillage est désormais limitée à 72 heures, afin d’éviter la saturation des criques les plus sensibles.

Une mer qui se referme peu à peu
Ces restrictions traduisent une prise de conscience : le littoral corse et sarde n’est pas inépuisable. Si certaines criques mythiques, comme Scandola, sont devenues des sanctuaires marins inaccessibles, d’autres zones restent ouvertes, à condition de respecter des règles précises. Le message est clair : la liberté de jeter l’ancre doit désormais composer avec la protection du milieu marin.
Pour les plaisanciers, l’époque du « mouillage libre » touche à sa fin. Avant de s’approcher d’une crique isolée, mieux vaut désormais consulter les cartes officielles ou les arrêtés en vigueur. En Méditerranée, une erreur d’ancre peut vite coûter cher.
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