Transat Café L’Or : trois nuits d’enfer pour les Class40, IMOCA et ULTIM
Certains en ont fait une chanson alors que la majorité, à terre, a arrêté d’y penser. Trois nuits par semaine, ça suffit peut-être pour faire une chanson mais ce n'est même pas le milieu de semaine et le weekend est encore bien loin. En mer en revanche, ces considérations semblent si loin, tant les éléments aiment se jouer de notre perception du temps. Quelques heures à bord peuvent déjà faire perdre les repères des plus terriens d’entre nous. Quid des marins de la TRANSAT CAFÉ L’OR Le Havre Normandie qui n’ont pas chômé depuis le top départ dimanche ?
« Ça fait une éternité que ça a commencé »
Pour eux, tout s’est accéléré et tout s’est bousculé depuis le top départ. La suite, ce sont les circonstances de course, les coups durs, les coups de vent, les pépins qui dictent leurs lois et leur propre tempo. C’est ce que confie Thomas Lurton (Ose ta victoire, Class40) : « nous, on a perdu pas mal de plume suite à la casse de notre J2 dans la Manche. Forcément, quand tu descends, remonte une voile, tu passes un sale quart d’heure ». Alors qu’il a dépassé dans la nuit la pointe bretonne avec son coskipper, Sacha Vandenbrouck, Thomas assure : « on ne voit pas passer le temps quand on enchaîne les galères et qu’on les résout. Mais c’est vrai qu’on a l’impression que ça fait une éternité que la course a commencé ! »
La situation du bord n’y est pas étrangère : Ose ta victoire fait partie des Class40 en queue de peloton qui auront donc à affronter les prémices de la forte dépression qui oblige la flotte à s’arrêter à La Corogne. C’est aussi le cas pour Innovad.group - XLG, qui progresse un peu plus loin, même si Caroline Dieu ne veut pas se formaliser : « si on n’arrive pas à La Corogne, on pourra toujours se protéger vers Gijón ». Elle qui dispute la course avec son mari, Jérôme Délire, reconnaît que le début de course a « été très difficile » à cause de la casse de leur rail de grand-voile.
Pour le sommeil, à deux c’est mieux
Pourtant, pour le couple qui a fait un tour du monde ensemble et qui ne s’est jamais vraiment éloigné de la mer, il en faut bien plus pour être abattu. « Même s’il faut composer avec le mal de mer, le rapport au temps est habituel : on n’a ni l’impression d’être là depuis un mois, ni depuis 24 heures ! » Pour les skippers en Class40, la perspective d’un arrêt à La Corogne change tout, à la fois pour préserver les bateaux mais aussi pour recharger les batteries. « Au final, c’est comme si on faisait une petite étape de trois à quatre jours », reconnaît Nicolas Guibal (Esatco) qui espère arriver en Galice jeudi matin. « C’est vrai que plus la course avance, moins on a conscience de quel jour on est, ajoute Jean-Yves Aglae (Martinique Horizon).
Pour les autres, il faut tenir bon en mer et s’adapter à la répétition des efforts. Mais en IMOCA, Ocean Fifty et ULTIM, la majorité des skippers étant professionnels, tous sont habitués à ces cadences infernales imposées par le large. Et pour tenir le coup, le fait d’évoluer en double est une aubaine. C’est ce qu’explique Romain Attanasio (Fortinet - Best Western), associé à Maxime Sorel : « en début de course, tu es toujours un peu cueilli à froid mais à deux, ça permet de tout mieux gérer ». Il évoque cette écoute tombée dans l’eau ce matin : « tout seul, ça te prend 15 minutes pour ralentir le bateau, aller dehors, la récupérer. Là, ça a pris une minute ».
S’épauler pour s’économiser et se préserver : c’est tout l’enjeu de la TRANSAT CAFÉ L’OR. Et cela est d’autant plus agréable que les skippers peuvent vraiment se reposer quand ils s’allongent dans la bannette. « On se relaie toutes les deux heures, poursuit Romain. Ce ne sont pas des tranches de 6 à 8 heures quand même mais ça reste moins fatiguant qu’en solitaire ! » Damien Seguin, habitué au solitaire et actuellement en course à bord de Solidaire en Peloton avec Thibaut Vauchel-Camus, évoque l’importance du binôme dans la gestion de la fatigue. « On se fait confiance l’un et l’autre et c’est un vrai atout. Quand tu sais que le copain veille sur les réglages et la bonne marche du bateau, tu peux dormir sereinement ».
Si cela permet de bien se reposer et donc d’être en forme quand débute son quart, le rapport au temps reste fortement impacté. « C’est sûr qu’on n’a pas du tout le rythme d’un terrien avec la différence entre le jour et la nuit et les horaires de sommeil classiques, poursuit Damien. On vient de passer notre quatrième nuit en mer et je pourrais presque dire qu’on est parti hier ! » À bord de l’IMOCA MSIG Europe avec Conrad Colman, l’ultra-trailer Mathieu Blanchard a une autre perception : « vu mon état de fatigue, j’ai l’impression qu’on est parti depuis bien plus longtemps. C’est comme si ça faisait dix jours qu’on était au large ! » Difficile d’imaginer la perception dans quelques jours quand tous franchiront l’arrivée. De quoi rappeler qu’une transatlantique, surtout en course, est tout sauf un long fleuve tranquille...
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