
Un océan sans maître, mais pas sans règles
Au-delà de 200 milles nautiques, soit environ 370 kilomètres des côtes, commence un autre monde : celui des hautes mers, appelées aussi Areas Beyond National Jurisdiction (ABNJ). Ces zones couvrent près de la moitié de la surface du globe. Selon la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS), aucun État ne peut y exercer de souveraineté. La mer y est libre, ouverte à tous pour la navigation, la pêche, la recherche scientifique ou la pose de câbles sous-marins.
Cette liberté a longtemps symbolisé un idéal universel, celui du mare liberum défendu au XVIIe siècle par le juriste hollandais Hugo Grotius. Mais à mesure que les ressources s’épuisent et que les activités humaines s’intensifient, cette liberté se heurte à une réalité inquiétante : sans règles claires, la mer devient le théâtre de toutes les dérives. Pollution, pêche illégale, extraction minière ou trafic maritime s’y développent loin de tout contrôle.
Quand la loi s’arrête aux vagues
Le droit de la mer établit un cadre précis, mais son application reste fragile. Sur les hautes mers, un navire relève exclusivement de l’État dont il bat pavillon. Si un crime est commis à bord, c’est la justice de ce pays qui est compétente. Un meurtre sur un cargo immatriculé à Panama relève donc de la juridiction panaméenne.
Les difficultés apparaissent quand il s’agit de navires enregistrés sous des pavillons dits de complaisance, souvent choisis pour leur réglementation souple. Dans ces cas, les poursuites sont rares, voire impossibles. Seule exception : la piraterie, considérée comme un crime universel. Tout État peut alors intercepter les auteurs et les traduire en justice.
Cette frontière floue engendre des situations absurdes : navires fantômes, équipages abandonnés, crimes sans responsable. L’immensité océanique devient parfois un refuge pour ceux qui échappent aux lois des hommes.

Accidents et détresse : qui vient au secours ?
Si la loi s’arrête aux frontières, la solidarité, elle, ne connaît pas de limites. L’article 98 de l’UNCLOS impose à tout capitaine de porter secours à des personnes en danger. À l’échelle mondiale, la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes (SAR) répartit les zones d’intervention. Chaque État côtier prend en charge une portion d’océan pour coordonner les secours.
Concrètement, lorsqu’un voilier chavire dans une zone sans souveraineté, c’est souvent le centre SAR le plus proche, ou celui du pavillon du navire, qui déclenche les opérations. Des avions, des navires marchands ou militaires peuvent alors être déroutés. Mais les distances, le coût des interventions et le manque de moyens rendent parfois ces sauvetages très difficiles. Certains naufrages restent sans réponse pendant des jours.
Un nouvel espoir : le traité sur la haute mer
Face à ces dérives, la communauté internationale a décidé d’agir. En septembre 2025, le High Seas Treaty des Nations unies, traité sur la biodiversité des zones au-delà des juridictions nationales, a été ratifié par plus de 60 pays. Il entrera en vigueur début 2026.
Ce texte historique vise à protéger 30 % des océans d’ici 2030 et à encadrer les activités scientifiques et économiques. Il prévoit la création d’aires marines protégées et renforce la coopération entre États. Pour la première fois, les hautes mers ne seront plus seulement un espace de liberté mais aussi de responsabilité partagée.
La mer commune, entre rêve et devoir
Dire que la mer n’appartient à personne est inexact. Elle appartient à tous, et donc à chacun. Naviguer en haute mer, c’est traverser un territoire commun où chaque geste, qu’il s’agisse d’un sauvetage, d’une pollution ou d’une simple traversée, a un impact collectif.
Ces immensités sans frontières nous rappellent une évidence : la liberté totale n’existe pas sans devoir. Entre aventure et droit, entre poésie et responsabilité, se joue l’avenir d’un monde encore inachevé, celui où la mer serait enfin gouvernée non par la conquête, mais par le respect.
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