Où s’arrête la France en Méditerranée ? Ce que disent les frontières maritimes

Culture nautique
Par Le Figaro Nautisme

De Marseille à Bonifacio, la Méditerranée française semble former un ensemble fluide, sans rupture apparente. Pourtant, sous cette surface bleue, les frontières ne sont pas qu’une affaire de géographie : elles relèvent d’un droit rigoureux, d’accords diplomatiques et parfois de longues discussions entre États voisins. Derrière la ligne d’horizon, la France exerce des droits bien définis, mais pas illimités.

De Marseille à Bonifacio, la Méditerranée française semble former un ensemble fluide, sans rupture apparente. Pourtant, sous cette surface bleue, les frontières ne sont pas qu’une affaire de géographie : elles relèvent d’un droit rigoureux, d’accords diplomatiques et parfois de longues discussions entre États voisins. Derrière la ligne d’horizon, la France exerce des droits bien définis, mais pas illimités.
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Un cadre défini par le droit international

Pour comprendre jusqu’où la France "va" en mer, il faut revenir au droit international de la mer, codifié par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), signée à Montego Bay en 1982. Ce texte, ratifié par la France, fixe les grands principes de souveraineté maritime.
Les eaux intérieures constituent la première zone : baies, ports et estuaires sous contrôle total de l’État. Vient ensuite la mer territoriale, qui s’étend jusqu’à 12 milles nautiques (soit 22,2 km) à partir des lignes de base. Là, la France exerce une pleine souveraineté sur l’eau, le fond marin et l’espace aérien au-dessus.
Au-delà, la zone contiguë prolonge cette autorité jusqu’à 24 milles. L’État peut y appliquer certaines de ses lois, notamment en matière de douane, de santé publique ou de sécurité.
Puis arrive la Zone économique exclusive (ZEE), la plus étendue : jusqu’à 200 milles nautiques, en théorie. Dans cette zone, la France détient des droits souverains sur les ressources biologiques et minérales, qu’il s’agisse de pêche, d’énergie ou de recherche scientifique.
Mais la Méditerranée n’est pas l’Atlantique. C’est une mer semi-fermée, bordée par vingt-deux pays dont les côtes se font face. Ici, les 200 milles n’existent presque jamais. Les zones maritimes se chevauchent très vite, et tout repose sur la diplomatie et les accords bilatéraux.

Des frontières négociées plus que tracées

Sur la façade franco-italienne, la délimitation maritime suit un maillage historique, hérité du traité de Turin de 1860 et de conventions plus récentes. Entre la Côte d’Azur et la Ligurie, la frontière est stable, mais autour de la Corse, les choses se compliquent.
Les Bouches de Bonifacio, passage stratégique entre Corse et Sardaigne, concentrent à elles seules les enjeux écologiques, économiques et politiques. En 2015, un accord a été signé entre Paris et Rome pour redéfinir la frontière dans cette zone et autour de l’île italienne de Capraia, afin d’intégrer les contraintes environnementales du Sanctuaire Pelagos pour les mammifères marins. Mais cet accord, contesté côté italien, n’a jamais été ratifié par le Parlement.
Plus à l’est, la frontière maritime avec Monaco est beaucoup plus restreinte, mais parfaitement claire. Un traité de 1984 fixe les limites entre les eaux françaises et monégasques, couvrant quelques kilomètres au large des Alpes-Maritimes.
Vers l’ouest, la frontière franco-espagnole en Méditerranée sépare les eaux du Roussillon et de la Catalogne. Bien que la frontière terrestre soit très ancienne (traité des Pyrénées, 1659), la partie maritime a été actualisée selon les normes de la CNUDM, notamment pour tenir compte de la pêche et de la navigation.

© Espaces maritimes francais / SHOM

Des frontières invisibles, mais très concrètes

Ces limites ne se voient pas depuis un bateau, mais elles sont omniprésentes dans la vie maritime. Les pêcheurs savent très bien où s’arrêtent leurs droits de capture ; les garde-côtes et les douaniers connaissent les coordonnées exactes ; et les scientifiques, les limites du plateau continental français.
En pratique, la mer territoriale française s’étend jusqu’à 12 milles des côtes, la zone contiguë jusqu’à 24, et la ZEE s’arrête à mi-distance avec les pays voisins. Quant au plateau continental, il peut parfois s’étendre un peu plus loin, lorsqu’il est géologiquement prouvé que le relief sous-marin appartient à la même structure que le territoire français. Ces prolongements sont validés par la Commission des limites du plateau continental des Nations unies.
La cartographie de ces espaces est réalisée par le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM), l’institution française chargée d’établir les cartes officielles et les coordonnées maritimes. C’est cette précision technique qui permet d’éviter les chevauchements ou les litiges entre pays voisins.

Une mer partagée plus que possédée

La Méditerranée française ne s’étend pas indéfiniment : elle est bordée, découpée, ajustée. Chaque mille marin est partagé entre souveraineté et coopération. Contrairement à l’Atlantique, où la ZEE française figure parmi les plus vastes du monde, la Méditerranée est un espace de cohabitation permanente.
C’est aussi une mer de compromis : on y protège des sanctuaires écologiques, on y fixe des zones de pêche, on y régule la navigation commerciale et militaire. Les frontières y sont moins une barrière qu’un équilibre fragile entre États, garanti par le droit et la diplomatie.
Ainsi, la France s’arrête là où la mer devient partagée. Ses droits s’exercent jusqu’à leurs limites juridiques, mais son autorité, elle, s’inscrit dans une mer commune, celle de la coopération entre riverains. La Méditerranée n’appartient à personne : elle relie, plus qu’elle ne sépare.

Consultez la carte interactive des espaces maritimes français sur le site officiel limitesmaritimes.gouv.fr pour visualiser l’étendue précise des zones sous juridiction française en Méditerranée.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.