Les sons mystérieux que produisent les fonds marins

Culture nautique
Par Le Figaro Nautisme

Sous la surface, le silence est une illusion. L’océan bruisse, vibre, pulse, résonne. Un univers sonore foisonnant, invisible mais omniprésent, que les scientifiques tentent de décoder depuis à peine quelques décennies. Car les profondeurs marines ne sont pas seulement un décor : elles composent l’un des paysages acoustiques les plus complexes de la planète, où chaque bruit raconte une histoire encore à moitié déchiffrée.

Sous la surface, le silence est une illusion. L’océan bruisse, vibre, pulse, résonne. Un univers sonore foisonnant, invisible mais omniprésent, que les scientifiques tentent de décoder depuis à peine quelques décennies. Car les profondeurs marines ne sont pas seulement un décor : elles composent l’un des paysages acoustiques les plus complexes de la planète, où chaque bruit raconte une histoire encore à moitié déchiffrée.
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Un monde où tout fait du bruit - mais pas comme on l’imagine

Dès que l’on plonge sous la surface, l’image d’un monde paisible s’effondre. Les fonds marins créent une cacophonie organisée, un enchevêtrement de sons qui se mélangent, se répondent, s’atténuent ou s’amplifient selon les reliefs, la température ou la salinité. Beaucoup d’entre eux échappent à l’oreille humaine mais structurent pourtant la vie marine.
Des poissons « tambours » qui résonnent dans la colonne d’eau aux crevettes-pistolets qui génèrent de véritables bangs en claquant leurs pinces, chaque espèce contribue à cette musique. Même les algues et les herbiers produisent des frétillements lorsqu’ils sont ballotés par les courants. L’océan est une antenne géante qui amplifie tout, du plus infime bruissement au grondement d’origine tectonique.

Les "murmures" géologiques de la planète

La Terre elle-même participe à cette bande-son. Sous les océans, volcans, dorsales et failles génèrent un arsenal de grondements, de craquements et de vibrations que les hydrophones captent à des milliers de kilomètres. Certains de ces signaux précèdent des éruptions, d’autres révèlent des mouvements lents et continus invisibles à la surface.
Au fil des décennies, les chercheurs ont découvert une collection de « sons fantômes » qu’ils n’arrivaient pas à identifier. Des basses continues enregistrées dans l’océan Indien, des vibrations complexes détectées au large du Chili, ou encore des pulsations régulières dans le Pacifique Sud. Derrière beaucoup de ces mystères se cachent en réalité les immenses dynamiques tectoniques de notre planète, mais certains signaux restent, encore aujourd’hui, sans explication définitive.

Des créatures aux capacités acoustiques extraordinaires

Les animaux marins ne se contentent pas de subir cet environnement sonore : ils l’utilisent comme un véritable langage. Les communications sous-marines dépassent largement ce que l’on imaginait il y a encore quelques années.
Les poissons-croakers créent des percussions qui peuvent s’entendre sur plusieurs kilomètres. Les rorquals bleus produisent des infrasons capables de voyager d’un bassin océanique à l’autre. Les cachalots émettent des clics d’une précision telle qu’ils parviennent à dresser une « image » sonore de leur environnement. Quant aux baleines à bosse, leurs chants évoluent comme des mélodies populaires : un groupe innove, les autres apprennent, et la partition se propage à travers l’océan.
Certaines archives acoustiques ont aussi mis en lumière des sons singuliers devenus célèbres, comme le mystérieux « Bloop » capté en 1997 ou le « Julia » enregistré dans le Pacifique. Longtemps associés à des créatures gigantesques imaginaires, ils ont finalement été attribués à des phénomènes glaciaires massifs. Une preuve supplémentaire que la science avance, mais n’en finit jamais d’être surprise.

Un patrimoine sonore menacé par le bruit humain

Si la nature produit une infinité de sons, l’activité humaine en génère aujourd’hui bien davantage. Le trafic maritime, les sonars militaires, les campagnes sismiques, les plateformes pétrolières ou encore les moteurs puissants des cargos ajoutent un niveau sonore inédit dans l’histoire des océans.
Or, pour les espèces marines, entendre est vital. Cela sert à repérer des proies, à éviter des dangers, à migrer, à socialiser. Lorsque le bruit ambiant masque ces signaux, des comportements entiers s’effondrent : désorientation, difficultés de reproduction, collisions plus fréquentes, stress chronique. Les scientifiques parlent désormais de « pollution sonore », un phénomène moins visible que le plastique mais dont l’impact pourrait, à long terme, être tout aussi critique.
Pour y remédier, de nouvelles technologies de propulsion plus silencieuses voient le jour, et certaines zones marines cherchent à instaurer des « sanctuaires acoustiques » où le bruit humain serait limité.

Un royaume sonore encore largement inexploré

Les fonds marins restent l’un des derniers grands territoires inconnus de la planète. Chaque campagne océanographique livre des bandes-son remplies de surprises : signaux répétés, bruits isolés, motifs sonores qui apparaissent puis disparaissent selon les saisons. Certains pourraient provenir d’espèces encore jamais observées, d’autres de mécanismes physiques que nous ne comprenons pas encore.
Au fond, l’océan nous rappelle une chose essentielle : il parle en permanence. Il chante, gronde, claque, murmure. Et malgré les progrès technologiques, nous n’en percevons qu’une minuscule partie. L’avenir de l’exploration marine passera sans doute autant par l’ouïe que par la vue. Car comprendre le monde sous-marin, c’est d’abord apprendre à l’écouter.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
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METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
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Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.