
«C'est en quelque sorte la vraie Coupe de l'America qui a copié celle qu'on surnomme la Petite Coupe, puisque cela fait plus de trente ans que cette dernière se déroule sur des catamarans dotés d'ailes rigides à la place des voiles», résume Stéphane Dyen, responsable du design d'Hydros, l'équipe issue de la branche suisse de l'Hydroptère. Ce parallélisme technique entre l'America's Cup, qui se déroulera l'année prochaine à San Francisco sur de grands catamarans ailés de 22 m de long (AC72), et la «Petite Coupe», sur des catamarans de Classe C d'un peu moins de 8 m, est sans aucun doute la raison qui attire cette année deux des plus grands noms de la voile française, Michel Desjoyeaux et Franck Cammas, ainsi que les Suisses d'Hydros, dédiés à la recherche sur les nouvelles technologies de la voile.
«Cette Petite Coupe en Classe C est pour nous l'occasion de travailler sur la technologie des ailes rigides que l'on voit sur la vraie Coupe de l'America, admet sans détours Michel Desjoyeaux. Si on veut garder toutes les portes ouvertes dans ce domaine pour l'avenir, il faut prendre le train en marche avant qu'il ne s'échappe.» Franck Cammas, soutenu par Groupama, mène plusieurs défis de front: il participe en ce moment aux premiers essais du catamaran AC72 de l'équipe italienne Luna Rossa et a aussi l'intention de participer aux JO de Rio en 2016 sur le nouveau catamaran de sport Nacra 17 (confirmation ce vendredi au salon nautique).
Cammas et Desjoyeaux ont déjà mis leurs catamarans en chantier et devraient être prêts pour une première confrontation au printemps avec le 3e défi français, Challenge France, dirigé par Benjamin Muyl.
Avec son équipe sportive Mer agitée et son bureau d'étude Mer forte, Michel Desjoyeaux travaille discrètement depuis plusieurs mois sur des prototypes d'ailes rigides, testées sur l'eau sur de petits catamarans de course F18. «Le projet est entièrement géré, conçu et construit en interne», précise Michel Desjoyeaux, qui ne serait toutefois pas opposé au soutien d'un sponsor attiré par ce défi high-tech (il est également à la recherche d'un partenaire pour son Mod 70).
Le défi suisse Hydros, soutenu par la banque Lombard Odier et le banquier suisse Thierry Lombard, construit en ce moment deux bateaux au chantier Décision, près de Lausanne, avec une technologie de fibre de carbone de pointe, le TPT, qui devrait permettre de faire descendre le poids des catamarans autour de 150 kg, aile comprise. Ces nouvelles fibres, développées en Suisse permettent de travailler avec des couches de carbone extrêmement fines. «Les tissus de carbone imprégnées classiques les plus légers font une centaine de grammes par mètre carré, alors qu'avec le TPT (Thin Ply Technology) nous travaillons avec des couches de 30 g/m2, une épaisseur à comparer avec une feuille de papier d'imprimante qui pèse 80g/m2», explique Jean-Marie Fragnière, directeur du bureau technique au chantier Décision.
L'idée d'Hydros est de comparer un cata qui vole sur des foils comme l'Hydroptère avec un autre qui naviguera, lui, de manière classique. «Après des tests en navigation, nous choisirons la formule la plus performante pour la Petite Coupe de l'America, en août 2013, à Falmouth», explique Daniel Schmäh, skipper et ingénieur en charge de la fabrication des deux bateaux. Les conditions météo en Cornouailles, avec des vents plutôt forts, pourraient favoriser le bateau volant, qui ne devient intéressant que quand il sort franchement de l'eau, avec une vitesse d'au moins 15 à 18 noeuds.
Les ingénieurs d'Hydros comme Michel Desjoyeaux restent très discrets sur l'un des aspects qui sera probablement crucial pour la petite comme la grande Coupe de l'America: la forme des foils, ces dérives qui peuvent fournir assez de portances pour soulever le bateau entier et le faire voler. «Je ne vais pas révéler à nos concurrents toute l'expertise que nous avons acquise depuis que nous travaillons sur l'Hydroptère et l'Hydroptère.ch (le bateau volant qui accumule les records de vitesse sur le lac Léman) en révélant tout de suite la géométrie des foils que nous allons tester!» s'amuse Stéphane Dyen, l'expert en hydrodynamique d'Hydros.