
Onze ans jour pour jour après le SOS lancé par le Prestige, la justice espagnole a rendu son verdict. Le commandant a été condamné à neuf mois de prison. Le naufrage du Prestige a provoqué la plus grave marée noire espagnole.
Ce mercredi midi, le commandant Apostolos Mangouras a été condamné à neuf mois de prison pour "désobéissance grave à l'autorité". Aussitôt après l'avarie, il avait refusé de faire remorquer le navire vers le large comme le lui demandaient les autorités espagnoles. Toutefois, Apostolos Mangouras échappera à l'incarcération en raison de son âge, 78 ans.
Les accusés étaient également poursuivis pour les délits "d'atteinte à l'environnement et à des espaces naturels protégés". Le parquet avait requis des peines de 5 à 12 ans de prison. Mais le tribunal a estimé que les accusés ignoraient le mauvais état du navire. Le chef mécanicien du pétrolier, le directeur de la marine marchande espagnole de l'époque ont donc été acquittés. L'officier en second est actuellement en fuite.
1.700 kilomètres nappés de fuel
Le naufrage du Prestige avait provoqué la plus grave catastrophe environnementale de l'histoire du pays. Pendant le procès, durant lequel le tribunal a entendu plus de 200 témoins et experts, le commandant et l'armateur du Prestige ont accusé le gouvernement espagnol d'avoir provoqué le naufrage en ordonnant au navire de prendre le large. "Il me semblait mieux que le bateau coule loin de la côte pour minimiser les dégâts environnementaux", a alors rétorqué le directeur de la marine marchande espagnole de l'époque. Un argument que le tribunal a retenu. Mais le commandant du Prestige a soutenu que les autorités l'avaient mis en danger en lui demandant de mettre le cap au nord-ouest. "Le navire a une voie d'eau et ils l'envoient au large, dans l'océan. C'était la pire option. Ils nous transformaient en un cercueil flottant et ils nous envoyaient à la noyade", avait-il ajouté, s'interrompant un moment en larmes. "Nous attendions une tempête pour le 15 novembre. Où allions-nous?", avait-il poursuivi, rappelant que huit marins restaient alors à bord après l'évacuation d'une partie de l'équipage. La dérive du pétrolier avait duré près d'une semaine.
Une si longue dérive
Le premier SOS du Prestige a été lancé le 13 novembre 2002, en pleine tempête. Le pétrolier libérien à coque simple, battant pavillon des Bahamas, subissait une voie d'eau au large de la Galice. Le bateau construit en 1976 transportait alors 77.000 tonnes de fuel. Puis, pendant six jours, le navire à la coque déchirée avait dérivé en pleine tempête. Après une première proposition de remorquage, les pouvoirs publics avaient pris la décision controversée de l'éloigner des côtes, au lieu de le faire rentrer dans un port, pour y contenir la fuite. Le pétrolier s'était finalement brisé en deux et avait coulé à 8 heures du matin le 19 novembre, à 250 kilomètres des côtes et à 4.000 mètres de fond. Il avait alors craché un fuel épais et visqueux qui avait pollué plus de 1.700 kilomètres de littoral, en Espagne, mais aussi au Portugal et en France. 1.500 plaignants s'étaient rassemblés pour le procès en 55 parties civiles.
La déception des associations écologistes
Les associations de protection de l'environnement quittent toutefois le tribunal avec un goût amer au fond de la bpouche. Ils n'ont cessé de dénoncer l'absence sur le banc des accusés des responsables politiques de l'époque. Parmi eux, l'actuel chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, qui en était alors le numéro deux et qui avait tenu des propos minimisant l'impact de la catastrophe. Il s'était refusé à parler de "marée noire" mais seulement de "filaments, comme de la pâte à modeler" pour désigner les amas de fioul noir qui, pendant plusieurs semaines, s'étaient déversés sur les côtes. Les écologistes estiment aujourd'hui que les leçons de la marée noire n'ont jamais été tirées.