
Les tempêtes à répétition de l’hiver n’ont pas eu que des répercussions négatives. En soumettant le littoral à une forte érosion, elles ont aussi permis des découvertes majeures pour mieux comprendre notre passé.
Chaque hiver, les archéologues travaillent les pieds dans le sable pour avancer leurs chantiers de fouilles. En effet, la physionomie des côtes varie en fonction des saisons. Sous l’effet des tempêtes, des grandes marées et des puissantes vagues hivernales, les dunes et plages diminuent. Puis le chrono s’engage en sens inverse pour les archéologues avec le retour des vagues de beau temps qui ramènent sur les plages la matière manquante, stockée sur des bancs de sable au large. Mais cette année, l‘érosion fut « extraordinaire », explique Cyrille Mallet, géologue chargé de mission littorale en Aquitaine (BRGM). « Nous avons eu très peu de répit entre les 25 événements nourrissant une houle de plus de cinq mètres, recensés pendant l’hiver, observe-t-il. Et cette houle était particulièrement énergétique. On ne retrouve pas de saison similaire dans notre base de données qui couvre les trente dernières années. » A tel point que les bancs de sable sous-marins sont partis beaucoup plus au large que d’habitude – leur position exacte est toujours un mystère –ils n’ont donc pas assuré leur mission protectrice et les vagues ont frappé encore plus fort. Le pied de dune du Pilat a perdu quatre à cinq mètres cet hiver, côté mer, contre un à deux mètres en moyenne. Mais cette érosion spectaculaire a permis aux archéologues de rapidement progresser sur chacun de leurs chantiers.
110 mètres d’archives naturelles malmenées par les vagues
Depuis 1982, sur la dune du Pilat, les archéologues fouillent plusieurs sites, à quelques dizaines de mètres de distance les uns des autres, et mettent un jour des installations datant de l’âge du fer (de -800 à -52). Jusqu’à présent, ces différentes installations retrouvées étaient liées à la production de sel, « qui est sans doute une des bases de l’économie des populations protohistoriques locales », a expliqué l’archéologue Philippe Jacques. Mais cet hiver, au lendemain d’une tempête, un promeneur a fait une découverte clef pour la suite des fouilles. Cet homme est tombé nez à nez avec une urne funéraire en céramique, avec des ossements comme signes d’une crémation, et accompagnée d’un récipient plus petit pour les offrandes. Ce vestige, examiné depuis par les archéologues aquitains, serait lié à une nécropole datant de huit siècles avant JC et désormais cachée sous la dune du Pilat. Les ossements vont maintenant être confiés à un anthropologue et le charbon de bois retrouvé sur le site va permettre une datation précise par carbone 14. Le même phénomène d’érosion des côtes sableuses a permis, au lendemain du passage de la tempête Xaver, de retrouver des vestiges romains entre Ostende et Bredene, sur la côte belge. Au Pays de Galles, en baie de Cardigan, ce sont des arbres (pins, chênes, aulnes) qui ont refait surface à marée basse. Ils étaient ensevelis depuis 4.000 à 6.000 ans selon une datation au carbone 14. Mais l’érosion modifie aussi les côtes rocheuses. Ainsi, les falaises battues par les flots tempétueux de la côte jurassique du Dorset, au sud-ouest de l’Angleterre, ont libéré un squelette d’Ichtyosaure, un reptile marin préhistorique considéré comme l’ancêtre du dauphin. Les falaises, littéralement « montagnes qui bordent la mer », ont libéré des fossiles sous le poids des précipitations record de l’hiver mais aussi sous l’action mécanique des vagues. Cette érosion se caractérise par des glissements et des éboulements, lorsque des blocs entiers tombent à la mer. Les chasseurs de fossiles y ont trouvé leur eldorado, au grand dam des archéologues qui tentent de protéger ces sites naturels.