
Dessiné par le célèbre architecte naval André Mauric en 1939, Lak II, l’ex-bateau du baron Bich, est désormais entre les mains Carsten Gerlach. Nous avons rencontré ce passionné aux Voiles d'Antibes.
Construit aux chantiers Grassi à Marseille pour le compte du Marquis d’Avilla, Lak II, sloop marconi dont le nom signifie « saumon » en norvégien aurait pu commencer à régater dès sa sortie de chantier. L’Histoire en décide autrement. Le 3 septembre 1939, le bateau navigue pour la première fois sans encombres, mais une fois de retour au port, les choses se compliquent. « André Mauric, le marquis d’Avilla et son épouse étaient sortis en mer pour essayer le bateau. À leur retour, deux policiers les attendaient pour leur annoncer que la guerre était déclarée et que le bateau était désormais consigné à quai. En effet, la navigation de plaisance était interdite en temps de guerre, nous explique Carsten Gerlach. Afin d’éviter que les Allemands ne s’emparent du bateau, le lest étant très recherché pour l’armement, le marquis d’Avilla a caché son bateau pendant cinq ans sous un tas de charbon aux chantiers Grassi ». Selon la légende, c’est de ces cinq années sous le charbon que le bateau tiendrait la couleur noire de sa coque. L’histoire raconte également que le bateau aurait eu une jeunesse mouvementée après la guerre. Quand l’un de ses propriétaires souhaite le tirer de l’anse du Pharo où il est échoué, il n’y parvient pas. Et pour cause, le bateau était planté sur une « matte » de bouteilles de champagnes vides.
Un illustre propriétaire
Rebaptisé Lak II par Pierre Fleux, le bateau passe ensuite entre les mains d’un autre Marseillais, Maurice Pommé, qui sillonne plusieurs fois la Méditerranée à son bord. « Lors d’une escale dans la rade de Hyères en août 1957, Maurice Pommé a rencontré le baron Bich et l’a invité à passer une soirée à bord », poursuit Carsten Gerlach. Le soir même, le bateau change de propriétaire et de destin. « Quand le baron Bich a décidé de se lancer dans la Coupe de l’America en 1966, il a acheté trois voiliers 12MJI, Sorereign, Kurrewa et Constellation, qu’il a amarrés à côté de Lak II à Hyères. Les quatre bateaux lui ont servi pour s’entraîner pour l’America’s Cup ». Racheté en 1964 par Roger Laforest, un proche du baron Bich, qui le cède en 1993 à son fils, Guy Laforest, le bateau enchaîne les régates, de la Nioulargue aux Régates Royales, en passant par la Porquerolles Classic ou encore le trophée André Mauric. Restauré intégralement pendant 18 mois entre 2004 et 2006 au chantier Classic Works à La Ciotat, sous l’impulsion de Guy Laforest, le bateau retrouve sa configuration d’origine. Un nouveau pont en teck est installé sur un sous-pont en contre-plaqué, ainsi qu’une nouvelle superstructure avec deux claires voies. La largeur du roof est quant à elle réduite pour retrouver les dimensions établies à l’origine par André Mauric.
Remis à l’eau, il gagne dès 2007 le trophée des régates de Barcelone. Malgré les années qui passent, Lak II ne change pas de port d’attache. « Le bateau est à Hyères depuis quasiment 50 ans. Le port de Hyères a quasiment été construit autour du bateau. D’ailleurs, on a retrouvé de vieilles photos en noir et blanc où l’on voit Lak II au milieu du port, souligne Carsten Gerlach. J’ai racheté le bateau en 2013. Cela faisait un an et demi que je cherchais un voilier classique. J’ai fait changer les voiles, refaire le vernis et repeindre la coque ». Aujourd’hui, Lak II continue de régater, pour le plus grand bonheur de son nouveau propriétaire, mais également de son capitaine, Roger Vanni, qui navigue à bord depuis près de 40 ans. « Nous sommes six ou sept à bord en régate, pour deux membres d’équipage permanents ». Cette année, le bateau, qui a participé aux Voiles de Cassis, à la Calanques Classique et aux Voiles d’Antibes sur lesquelles il a terminé 5e de la catégorie Epoque Marconi EMC, participera notamment aux Régates Royales de Cannes.