
Figure emblématique de la voile, Christian Le Pape, directeur du Pôle Finistère Course au Large de Port-la-Forêt, a contribué à la professionnalisation de la voile en formant une grande partie des ténors de la course au large. Portrait.
Issu d’une lignée davantage tournée vers la terre que vers la mer, Christian Le Pape se découvre sur le tard une véritable passion pour la mer et pour la voile. « Je suis né à Quimper dans une famille plutôt d’origine paysanne. Je n’ai commencé à faire du bateau avec des amis que vers l’âge de 15 ou 16 ans. J’ai ensuite fait du dériveur à un bon niveau pendant quelques années », se rappelle-t-il. Mais au lieu de partir à l’assaut de toutes les mers du globe comme certains de ses amis, il décide d’entrer dans la fonction publique. « J’ai fait beaucoup de croisières et de course au large mais finalement, j’ai choisi la fonction publique au lieu de l’aventure, confie celui qui a beaucoup navigué avec ses amis Jean Le Cam et Hubert Desjoyeaux. Le solitaire m’effrayait un peu. Alors je suis devenu professeur d’EPS option voile en Bretagne, ce qui m’a permis d’obtenir de la crédibilité dans le domaine ».
De formation voile mais avant tout sportive, il décide de fonder un pôle d’entraînement, devenu centre d’excellence, avec le soutien de Michel Desjoyeaux, Jean Le Cam ou encore Roland Jourdain au début des années 90. « Le pôle existe en tant qu’association depuis 1992 et il est devenu le pôle France en 1995 », précise Christian Le Pape. Année après année, il contribue à la professionnalisation de la voile dans l’Hexagone, avec une prise en compte très sportive de la course au large. « Nous sommes passés en 30 ans de l’aventure à l’aventure sportive et aujourd’hui au sport aventure. La dimension sportive est déterminante dans les profils des navigateurs d’aujourd’hui, mais également dans leur apprentissage, avance-t-il. Aujourd’hui, les marins sont des sportifs de haut niveau voire de très haut niveau et plus des aventuriers. Le Vendée Globe, par exemple, est devenu une compétition planétaire. C’est la confrontation au plus haut niveau autour de la planète qui attire les marins et non l’aventure, même si ça fait partie de la course ». Depuis la création du pôle, de nombreux marins de tous horizons sont passés par Port-la-Forêt, de Michel Desjoyeaux à François Gabart, en passant par Charles Caudrelier, Armel Le Cléac’h ou encore Franck Cammas.
Un rôle polyvalent
Aujourd’hui encore, Christian Le Pape joue un rôle assez polyvalent auprès des grands marins. « J’ai un rôle de formateur pour les jeunes qui arrivent, de détecteur à travers les filières Bretagne CMB Voile et Macif mais également de conseiller et de coordinateur pour les plus anciens, explique-t-il. Nous leur donnons des conseils sur leur évolution de carrière, sur le choix des partenaires, des courses et des projets. J’ai un peu un rôle d’expert et de sage vu que je connais le milieu depuis 30 ans ». Ainsi, Christian Le Pape a permis à plusieurs générations de marins de s’imposer dans un milieu qui était auparavant trusté par les Anglo-Saxons. « C’est une réelle fierté pour moi, confie-t-il. Mais je n’aurais rien pu faire sans l’équipe qui m’entoure et les experts qui apportent leurs compétences dans leurs domaines respectifs. Ce n’est pas un seul individu qui porte une structure et un projet mais plusieurs personnes qui travaillent ensemble et qui échangent. Nous sommes six permanents à avoir un rôle de coordinateur. Chacun gère des spécialistes. ».
La psychologie, un aspect primordial
La psychologie joue également un rôle essentiel dans une carrière de marin. « Je les aide à faire le bon choix sans pour autant favoriser l’un ou l’autre. J’aide chacun à trouver son style, à faire ses gammes pour devenir un virtuose. Chacun à une sensibilité différente. L’idée est de leur donner confiance en eux et qu’ils réussissent avec leur propre style sans essayer d’imiter un autre ». Aujourd’hui, 52 marins de tous horizons sont inscrits au pôle, du Figaro à l’Ultime en passant par l’IMOCA. « Ce brassage d’âges, de supports et de niveaux fait notre force car chacun à quelque chose à apporter aux autres. Je sers de lien entre toutes ces générations qui nous font confiance. Je suis heureux de voir la réussite de certains coureurs comme Charles Caudrelier qui est représentatif de cette génération, que l’on a détecté, formé et accompagné ».
Christian Le Pape vu par Charles Caudrelier
Comme beaucoup d’autres, Charles Caudrelier, skipper du Volvo Ocean 65 de Donfeng Race Team, a fait ses gammes à Port-la-Forêt, sous la houlette de Christian Le Pape. Pour lui, le Finistérien audacieux a largement contribué à la professionnalisation de la voile en France en devenant le premier un véritable entraîneur pour la course au large. « C’est un sportif dans l’âme qui aime les sportifs mais également leur côté psychologique. Il m’a beaucoup guidé dans mes choix et m’a aidé à comprendre des détails, à construire ma victoire sur la Solitaire du Figaro, commente Charles Caudrelier. Il n’y a pas de solution miracle, cela n’existe pas, mais il aide chacun à être autonome tout en tenant compte des défauts et des qualités de chaque marin. Il aide chacun d’entre nous à réussir avec sa propre méthode, sans imiter les autres ».